mais il auroit fallu pour cela avoir une tête et quelques os de
membre de chacune qui eussent appartenu au même individu; et
c’est ce qui nous manque pour.l’espèce cloisonnée, puisqu’il n’y avoit
point de tête entière parmi les os Herzberg. Yoici cependant comment
je m’y suis pris pour suppléer à ce défaut jusqu’à un certain
point à son égard.
Il y avoit un fragment d’occiput, pl. IY , fig. 11 , contenant le
trou occipital entier q u i, selon H ollm ann , p. 220 , représentent
un triangle équilatéral de 2" 4™ de côté.
O r , Merck (prem. lettre, p. 10) dit que le crâne fossile de
D arm stadt, long de 3i " , avoit pour base de son trou occipital
2" 3"'. Le crâne dont provenoit le fragment d’Herzberg devoit
donc surpasser très-peu celui-là en longueur.
Ainsi les rhinocérosfassîtes dont le crâne étoit à peu près long de
3i à. 3a", avoient l’humérus de 16" r tandis que le rhinocéros
unicome dont le crâne est long de 21" ou de 20'" suivant qu’on le
mesure par la crête ou par les condyles, a l’humerus de 17" 6"'.
Il y a une différence analogue , plus forte encore dan? la proportion
de la tête aux pieds de derrière. Le rhinocéros fo s s ile du
W ilh o u ï, dont le crâne étoit long de 27"6"', avoit, du calcanéum
au bout des doigts, i 5" 2"', et notre unicorne a 18" 6"'.
Un jeune bicorne empaillé , de ce Muséum , a la tête de 16" de
longueur , et le pied, depuis le calcanéum jusqu’au bout du doigt
du milieu, de-10" 3"'. Il faudroit que sa tête eût 18'' pour être
dans la proportion du fossile ; et cependant ce jeune individu a la
tête encore plus grande à proportion que l’adulte de son espèce.
Enfin l’on arrive à ce résultat d’une troisième façon. Hollmann
nous donne , p. afJg, les mesures d’un os du métacarpe qu’il avoit
deux fois, et qui étoit long de 3" 4"'. H ne dit pas si c’étoit le
moyen ou l’un des latéraux. Notre rhinocéros unicorne a son métacarpien
moyen long de 7" ; l’externe de 6" 3"' , et 1 interne
de 5" 9"'.
Il est donc clair que la tête du fossile est non-seulement plus grande
absolument parlant, mais encore qu’elle 1 est beaucoup plus à proportion
de la hauteur des membres , et que la forme générale de
l’aniinal devoit être beaucoup plus basse, beaucoup plus rampante.
C’est encore un argument pour établir la différence de l’espèce ,
s’il étoit nécessaire d’en ajouteràtous ceux quej’ai rapportésjusqu’ici;
mais j’espère qu’il y en a beaucoup plus qu’il n’en faut pour convaincre
les naturalistes instruits. ,
Une grande espèce de quadrupède inconnue aujourd’hui se trouve
donc ensevelie dans une infinité d’endroits de l’Europe et de l’Asie ;
et ce qui est bien remarquable , comme l’éléphant fossile, elle n’a
pas été apportée de loin, et ce n’est point par des ehangemens lents
et insensibles , mais par une révolution subite, qu’elle a cessé d’y
vivre.
Le rhinocéros entier , trouvé avec ses chairs et sa peau, enseveli
dans la glace aux bords du W ilh o u ï, en 1770, démontre évidemment
ces deux propositions. Comment^ seroit-il arrivé jusque-là des
Indes ou d’un autre pays chaud , sans se dépecer P Comment se se->
roit-il conservé , si la glace ne l’eût saisi subitement ? et comment
l’eùt-elle pu saisir de cette manière, si le changement de climat eût
été insensible ?
Cet individu des bords du TVilhouï nous apprend même quelques
détails sur l’extérieur de l’animal, détails analogues à ceux que nous
a montres pour son espèce l’éléphant fossile de M. Adams ; nous
voyons , par exemple , que la tète n’avoit point ces protubérances
ou callosités irrégulières qui rendent celle du rhinocéros unicome
si hideuse, mais qu’elle étoit lisse comme celle du bicomé du Cap.
( Voyez Pall. , nov. Com., XVI I , pl, X V , fig. 1 ) Les pieds de
1 animal se terminoient chacun par trois sabots absolument semblables
a ceux des rhinocéros d’aujourd’hui, à en juger du moins par
les onguéaux qui les por ten t, car les sabots mêmes étoient perdus.
( Id. ib. , fig. 2 et 3 , et p. Sgi. )
Ou peut reconnoitre jusqu à la nature des poils du museau et des
pieds(/d. ib ., p. 586) ; et ces poils étoient très-abondans, surtoutaux
pieds , tandis que nos rhinocéros des Indes et du Cap en manquent
absolument a cette partie. « P ili in multis locis c o rii, dit M.Pallas,