Il est probable que tous les gîtes de charbon bitumineux fossile du pays de
Vaux et des environs de Genève, appartiennent à la même formation, que tous
doivent se nommer lignites et non pas houille; du moins j ’en suis sûr pour le gîte
particulier de Vernier, près de Genève, qui a été décrit par M. Soret, et dont je
tiens les échantillons qui me le prouvent. Ce gîte renferme en outre du gypse, circonstance
qui n’est nullement étrangère aux terrains de lignite, et pourra contribuer
à établir avec encore plus de précision la place de ceux-ci dans la série des
fondations qui constituent les terrains de sédiment supérieur.
Le troisième gîte de combustible charbonneux que je citerai, et auquel je crois
pouvoir appliquer également le nom de lignite, est celui deKoepfnach, près d’Hor-
gen , sur la rive gauche ou occidentale du lac de Zurich.
Le charbon fossile ne se montre plus ici à la surface du sol ; le terrain n’offre plus
d’escarpemens. Lamine est exploitée par des galeries qui s’enfoncent dans la colline,
mais je dois au rapport du maître mineur qui paroît instruit, et à la suite d’échantillons
qu’il m’a remis, ce que je sais sur la succession des couches. Ces rensei-
gnemens ont acquis toute l’autorité d’une observation directe par ce que j ’ai
appris des géologues de la Suisse et par l’inspection que j ’ai eu occasion de faire
des roches environnantes.
Or ces renseignemens de diverses origines s’accordent à placer le lit assez épais de
charbon bitumineux fossile au milieu des psammites molasses, verdâtres , grisâtres
et très-micacés, qui constituent le sol de ces collines.
C’est daps un banc puissant de psammite argileux, mêlé de lits de marne argileuse,
que se trouve le lit de lignite qui a trente à quarante centimètres d’épaisseur; il est
divisé vers sa partie supérieure par un lit mince de calcaire fétid e, et dans son
intérieur par quelques feuillets de marne argileuse noirâtre. Le lignite charbon-?
neux est assez friable , d’un beau noir brillant, et ne m’a laissé voir dans aucun
échantillon la texture du bois ; mais les corps organisés fossiles qu’il renferme
donnent, avec sa position, des moyens presque certains de placer ce combustible
fossile dans la formation dont il dépend.
Ces corps organisés appartiennent à trois divisions des règnes organiques
très-éloignéesl’une de l’autre, aux végétaux, aux mollusques et aux mammifères.
Les débris de végétaux se présentent sous formes de petites baguettes ou de
grosses fibres sinueuses, à peu près parallèles et qui me semblent avoir beaucoup
de ressemblance avec des masses fibreuses qu’on trouve dans le lignite de Cologne,
et qu’on pourroit rapporter à des tiges de palmier ( i) ; on croit avoir reconnu des
fruits dans des corps ovoïdes, dont la forme n’est pas assez tranchée pour qu’on
puisse la déterminer.
Les coquilles sont des planorbes et des limnées bien caractérisés; ces derniers
( ï) V o y e z à l ’ a r t i c le d e s v é g é ta u x fo s s ile s d e s te r r a in s d e s é d im e n t s u p é r ie u r le s m o t if s de
c e r a p p r o c h em e n t ,
y sont assez rares , et des coquilles turbinées que je crois pouvoir rapporter an
genre mélanie et désigner sous le nom de melania Enchéri, en l’honneur du
naturaliste célèbre qui eonnoît si bien là structure des Alpes, et dont le nom se lie
avec celui de la rivière ( la Lintli ) , dont il a su arrêter les ravages.
Enfin- Ce qu’il y a de plus remarquable dans ce gisement de lignite, ce sont les
débris de mammifère que l’on trouve au milieu même de;,.la'^ couche de charbon.
Ceux que j ’ai recueillis appartiennent bien certainement à un animal de l’ordre des
rongeurs et très-voisin du castor, si ce n e u e s t pas u n , et ceux que j ’ai vus chez
M. Meisner à B erne, sont une têterdu même animal et des dents de mastodonte ( ï) .
La présence fort remarquable d’os de mammifères dans la couche de lignite
d’Horgen, sert à-confirmer l’exactitude d’une semblable association, observée à
Cadibona dans le golfe de Gênes et dans les environs de Soissons, et loin d’infirmer
laposition géognostique que j ’attribue à ce charbon fossile, elle contribue au contraire
à la rendre plus certaine, en l’éloignant davantage de la formation de la houille
avec laquelle on l’avoit souvent confondu, et en la plaçant non-seulement dans les
terrainsde sédiment supérieur, mais dans les parties les plus nouvelles de ce terrain,
au-dessus du calcaire grossier et dans la formation du terrain d’eau douce à laquelle
appartiennent les gypses à ossemens. Je dois rappeler à cette occasion ce que
j ’ai dit plus haut de la présence du gypse dans le lignite de 'Vernier près de
Genève.
Plusieurs autres circonstances, moins importantes il est v ra i, concourent à indiquer
cette position ; ce sont principalement : la présence des marnes argileuses,
remplaçant les argiles plastiques, l ’abondance du mica dans les psammites qui les
recouvrent ( on se rappelle que ce minéral est généralement, rare dans les sables
inférieurs au calcaire grossier, et commun au contraire dans les sables supérieurs
au g yp s e ) ,la présence des coquilles marines et notamment des huîtres dans les
bancs.de psammite molasse supérieurs, enfin l’absence du fer chloriteux granulaire,
des eamerines et des autres matières et corps organisés qui accompagnent ordinairement
les lignites inférieurs au calcaire grossier.
La réunion de ces circonstances et surtout la présence des os de mammifères
doivent concourir à faire établir que ces lignites appartiennent à une formation
postérieure à celle de l’argile plastique et du calcaire grossier, et dans ce cas nous
aurions dû placer l’histoire de ce terrain à l ’article des terrains d’eau doucè du
gypse; mais ce résultat, quoique très-probable, n’est pas encore assez bien constaté
pour nous autoriser à séparer ces dépôts de lignite des dépôts, de même
nature qui par leur position bien connue, appartiennent à la formation de l’argile
plastique.
Ce qui est certain e’èst que l’on ne voit dans ces terrains aucun des caractères
des terrains de houille ancienne, et cependant, ce qui est assez remarquable, on
( ï ) C e s u je t s e r a t r a i té en so n l ie u p a r M . C u v ie r .
T. II.