illusion légère qui ne peut tromper, lorsqu’on a étudié les lois de
la croissance des dents.
Tous les animaux herbivores, à commencer par le cheval, usent
leurs dents jusqu’à la racine, parce qu’à mesure que la couronne
diminue par la trituration , l’alvéole se remplit et pousse la racine
en dehors. Lorsque cette racine est composée de deux branches,
comme dans le rhinocéros, et que le fust de la dent est entièrement
usé, il reste deux tronçons dé racine : ces tronçons tombent l’un
après l’autre toujours diminués par la trituration , et poussés au
dehors par l’aceroissement de l’os dans l’intérieur de l’alvéole. A la
fin les alvéoles mêmes s’effacent entièrement.
C’est ce qui est arrivé en partie à notre rhinocéros ; il avoit déjà
perdu sa première molaire de chaque côté , et les alvéoles s’en
étoient presque effacés ; il avoit poussé la détrition de la molaire
suivante jusqu’aux racines, et même il avoit déjà perdu d’un côté
l’un des tronçons de la racine, tandis que les tronçons de l’autre côté
étoient encore restés tous les deux (m , pl. I l , fig. 4 )•
Mais si ce rhinocéros avoit perdu des molaires avec l’âge, il n’avoit
pas gagné des incisives ; cela n’arrive pas plus à lui qu’aux autres
animaux qui vieillissent. Les deux.petites incisives intermédiaires de
là mâchoire d’en bas (n , n , pl. IL, fig. 4) existent dès la jeunesse ,
comme on lé voitpar la tète donnée au cabinetparM. Adrien Camper,
et encore mieux par le bout de mâchoire inférieure d’un très-jeune
sujet , dessiné par son père, dans les Actes de Pétersbourg pour
*777 (pl- IX , fig. 31,' copié pl. IV , fig. 5) et reproduit, ici, d’après
nature, pl. V , fig. 2 ; mais elles restent en tout temps cachées sous la
gencive’, et voilà pourquoi Meckel ne les avoit pas vues dans l’animal
vivant, tandis qu’elles se sont montrées dans le squelette. M. Thomas.,
chirurgien de Londres, qui a publié quelques observations anatomiques
sur le rhinocéros unicorne, a aussi trouvé ces petites dents
dans le squelette d’un individu de quatre ans.
Mais ce que personne à ma connoissance n’avoit encore publié,
c’est que le rhinocéros a aussi, pendant un certain temps de sa vie ,
deux pareilles incisives à la mâchoire supérieure ; seulement elles y
sont en dehors des grandes, tandis qu’à la mâchoire inférieure elles
sont entre les grandes. Cela pouvoit déjà se conclure du dessin dè
l ’os intermaxillaire du très-jeune rhinocéros , donné par Camper le
père (dans les A cta P etro p ., 1 .1, pl. I X , fig. 2.):et dont je reproduis
le sujet plus entier, pl. V , fig. 3. J’âvoismême cru d’abord que ce
caractère indiquoit nécessairement une autre espèce jamais en examinant
les dessins de l’anatomie de notre rhinocéros , faits avec le
plus grand soin par Maréchal, sous les yeux de Viq-d’Azir et de
Mertrud, je reconnus la figure d’une très-petite dent en dehors de
la grande incisive supérieure du côté droit; et je vis dans l’explication
qui accompagne ce dessin, et qui est de la propre main
de Viq-d’Azir, qu’il y avoit en effet de ce côté une petite dent
qui manquoit de l’autre ; je courus au squelette , j’y trouvai d’un
côté un reste d’alvéole, mais la dent déjàtrop déracinée s’étoit perdue
lors delà macération ; de l’autre côté l’alvéole même s’étoit ëffacé.
Le nombre des dents étant ainsi bien constaté, il convient de
passer à leur description.
Pour bien connoitre les dents des herbivores, il ne suffit pas de
les voir comme celles des carnivores , à une seule époque de la vie;
ces dents s’usant continuellement , la figure de leur couronne change
aussi continuellement, et le naturaliste doit les suivre depuis l’instant
où elles percent la gencive, jusqu’à celui où elles tombent hors
de la bouche.
Cependant, il n’est pas toujours nécessaire pour cela dî avoir à sa
disposition des individus de tous les âges. Comme les dents du devant
paroissent plutôt, elles s’ usent aussi plus vite ; et l’on peut
souvent suivre sur une seule mâchoire tous les degrés, de détrition,
en allant des dents postérieures aux antérieures.
Voici donc ce qui se remarque sur les dents du rhinocéros unicorne
des Indes et d’abord aux supérieures, pl. I I, fig. 3 (i). La base ou le
collet de la dent est quadrangulaire ; le côté interne, e , c , et Je pos-
(i) Les figures 3 et 4 de la pl. II sont prises d’un vieil individu. La fig. i , pl. Y-, bien
qu’appartenante à l’espèce de Java, étant d’un individu plus jeune, donne l’idée de ce que
sont ces dents avant d’être autant usées.