le squelette et la peau d’un individu femelle, en sorte que l’existence
d’une espèce de tapir dans les parties orientales de l’ancien
continent ne peut plus être sujette à aucun doute.
Ce qui est singulier c’est que depuis long-temps ce genre d’animaux
étoit connu des Chinois et des Japonois. M. A b e l Rémusat,
mon collègue à l’Institut et au Collège de France, a bien voulu me
faire voir des gravures d’une espèce d’encyclopédie japonoise, et
d’autres dessins chinois qui représentent évidemment un tapir; seur
lement sa trompe est un peu exagérée, et il a le corps noir tacheté
de blanc ; mais cette dernière circonstance même n’est probablement
pas une erreur. Le tapir tout noir d’Amérique, a dans sa jeunesse
une livrée particulière, comme le faon de cerf et le marcassin, et
cette livrée consiste en bandes composées de grandes taches blanches
sur un fond brun ou fauve, de sorte qu’un jeune tapir au premier
coup-d’oeil ressemble beaucoup à un paca. Je me suis assuré de ce
fait sur un individu conservé dans la liqueur dans le cabinet de feu
Brugmans, et sur deux empaillés du cabinet du Roi, dont le second
y a été apporté tout récemment de Rio-Janeiro, par l’expédition du
capitaine Freycin et. Il est probable que le tapir des Indes offre aussi
dans son premier âge quelques variations semblables dans ses couleurs,
et que c’est là ce qu’on aura voulu rendre dans les dessins
chinois en question.
Ce tapir d’Orient ressemble beaucoup pour toutes les formes extérieures
à celui d’Amérique ; il porte les mêmes caractères génériques,
quant aux dents, quant aux doigts, quant à la trompe; mais outre
les différences de son squelette que nous ferons bientôt connoître ,
il se distingue dès l’abord par les couleurs de son pélage. Le tapir
d’Amérique, quand il a quitté sa livrée, est entièrement d’un brun
foncé, excepté le bout tronqué de l’oreille qui est bordé de poil
blanc. Ce fonds brun , ce bord blanc de l’oreille se voient aussi dans
le tapir oriental, mais il a de plus un très-grand espace prenant
depuis les épaules, et occupant, comme une housse, le dos, les flancs,
le ventre et la croupe jusqu’à moitié des cuisses, couvert d’un poil
çendré, presque blanc, un peu nué de grisâtre vers l’épine.
A r t i c l e p r e m i e r .
Ostéologie du tapir d’Amérique.
i°. D e ses dents.
1 Margrave, long-temps le seul auteur où l’on trouvât une description
passable du tapir, lui attribuoit quarante dentssavoir, dix
incisives et dix molaires à-chaque mâchoire sans canines'(i).
» Il est impossible de savoir ce qui âVoit pu occasionner une telle
erreur dans l’ouvrage de ce voyageur, d’ailleurs si estimable, mais
son assertion a passé dans les livres de presque tous les naturalîstés
s venus après lui.
s' Buffon , dans • le* corps de Ison " 'HiStSîfe''(ÿ) ,~~ïîe'vfit * cfï4 ’ Copier
»Margrave. Allatnand ajouta dans l’édition dë! Hollande (3) une
description faite sur deux individus vivans, mais qui ne lui permirent
pas d’examiner leurs dents. B a jon /chirurgien à Cayenne, quiavoit
la facilité d’observer le tapir aussi souvent qu’il vouloir ,< répéta dans
un Mémoire■ adressé à l’Académie des sciences, en 1574') #t irfsèfé
dans les Supplémens de Buffon (4), le nombre de quarante dents ;
»seulement, dit-il, on observe de la variété dans le riornhre (tes
incisives ,• il annonça aussi l’existence des canines. On*doit 'croire
que s’étant aperçu que les dents antérieures n’étoiént pas tôuf-à-fâit
comme on les décrivoit, il ne poussa pas l’ùbsèifvation assez loïh,
: et n’osa contredire ouvertement ses prédécesseurs.
Buffon lui-même, qui fit disséquer un tapir sous ses yeux, par
(1 ) Hist. nat. B r a s i L , p. 22g.
(2) Tome X I, page 4 4 4 -
(31) Édit, de Holl., t. XV, p. 67, et pl. IX et X.
(4) S u p p l . , t. VI, p. 6.