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172 m. D I S S E R T A T I O N SUR LA
J, vcque nomme Mar Jolêph, qui avoit été envoyé par le Patriarche de Ba-
„ bylone, afin que par ce moyen le peuple n'ayant plus de Palleur, on en
vint plus facilement à bout. Mais cet Evêque Mar Jofepli ordonna qu'on
j, célébrât la Meflè à l'ulàge de Rome avec des ornemens à la Latine, & qu'on
„ fc fervit même du vin Se des bodies des Latins. Cependant il perfiftoir toû-
„ jours dans le NeftorianiCne, Se il inftruifoit les Portugais qui le fervoient à
y, dire, Sainte Marie Mere de Chrifi, & non pas Mere de Dieu : ce qui obli-
„ gea l'Archevêque & le Vice-Roi de le faire arrêter pour l'envoyer a Rome.
„ Mais étant arrive en Portugal, il menagea fi bien Ês affaires, qu'il obtint
„ des lettres pour retourner en fon Evêche de la Serra. Cependant on avoit
„ déjà mis un autre Evêqiie en fa place, nomme Mar Abraham, lequel pour
„ fe maintenir dans (on Evêché, alla depuis à Rome pour fe foûmettre au
„ PapCj où après avoir fait abjuration de fes erreurs, il fut réordonne. On
„ lui conféra de nouveau («) tous les Ordres, depuis la tonfure jufqu'à la
„ Preftrilc; puis il fiit con&cré Eveque, Se le Pape lui donna des Bulles pour
„ gouverner l'Eglilè de la Serra, y joignant des lettres de recommandarion
„ pour le V i c e - R o i , qui ne lui fèrvirent pas beaucoup: car il ne fut pas plu-
, , tôt arrivé, que l'Archevêque de Goa fit examiner fes Bulles; & ayant trou-
„ vé que le Pape avoit été mal informé par Mar Abraham, qu'on pretendoit
„ a v o i r i m p o f é à (à Sainteté, on l'enferma dans un Monaftere, en attendant
„ qu'on eût reponlê de Rome. Il s'échapa, & (è retira dans les Eglifes de fon
j , Evêché, où il fut très-bien reçû des Neftoriens, qui n'efperoient plus avoit
„ d'Evêque de la part de leur Patriarche. Cependant Mar Abraham, qui fc
3, deficit toujours des Portugais, fe retira dans les terres, &: pour faire voir
„ qu'il étoit vciitablement de la Communion du Pape, il ordonna de nou-
J, veau tous ceux qu'il avoit déjà ordonnés, afin de fe conformer au Rite Ro-
„ main, & fit tout ce qu'il pût tant envers R o m e , qu'envers le Vice-Roi &
j , envers l'Archevêque, pour paroître qu'il ctoit véritablement du fentiment
„ de l'Eglife Latine. Mais il prêcha toujours dans fon Eglife de la Serra le
„ Neftorianifine, & il ne permit pas qu'on parl.ât du Pape comme Chef de
„ l'Eglilè , ne connoiffant point d'autre Patriarche que celui de Babylone.
„ D'autre part, l'ancien Evêque de la Serra Mar Jofeph fut accufé d'enfeigner
„ les Hercfies de Neftorius, & étant interrogé là-deflus, il repondit librement
, , qu'il avoir eu revelation de D i e u , que la Religion qu'il avoit reçûe de fes
„ Peres étoit la veritable Religion. L'on fe faifit en même tems de l u i , & on
„ l'envoya à Rome où il mourut.
- „ L'on peut recueillir de cette H i l l o i r e , que les Portugais ont fait auxNef-
„ toricns de grandes violences pour la Religion; que les Miffionnaires, com-
„ me gens peu habiles dans la Théologie Orientale, les ont inquiétés fur des
„ cercmonies qui n'étoient d'aucune importance, & qu'ils ont donné par là
„ occafion aux Eveques Neftoriens de diffimuler pour un tems, en introdui-
„ !ânt des nouveautés dans leurs Eglilès ; à quoi ils ctoient contraints par la
„ violence. Ceft pourquoi ce même Mar Abraham ayant été oblige par un
„ Bref du Pape, 6c encore plus par la crainte qu'il avoit du V i c e - R o i , qui lui
J, donna un paffeport, de fe trouver à un Concile, il y abjura de nouveau
( t i Parce que la manière de conférer les Ordres parmi les Orientaux ne convient pas avec celle qui
cil en u % e dans les Eglifes qui reconnoilfent le Pape. Confere's cette liiftoire de M ^ r - J A k & Je
Mar-yltrAam avec les récits de M. la Cr«^ & du'P. le Sm,. Le premier accompaqne le fcn de conjeflures
& de reflexions qui demandent beaucoup d'attention.
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J, toiites ces erreurs, & fit profeffion de la Foi Càiiiolique; Apoftolique Se
„ Romaine. Mais il ne fut pas plutôt retojirné à fon Eglife, qu'il enfeio-na
„ le Ndlonanifme comme auparavant; & il écrivit même .i fon Patriarche^dc
i , Babylone, que les Portugais l'avoient contraint d'adifter au Synode de Goa.
„ La fuite de cette Hiftoire fait encore paroître davantage les violences qu'on
, , exerça contre les Neftoriens, pour les reunir avec l'Eglife Romaine, & pour
j , les obliger a foufcrire à la Profclhon de Foi du Pape Pie IV. ce qui arriva
„ fous Alexis de Menefes Archevêque de G o a , qui vint aux Indes avec un
i. Bref de Clement VIII. pour informer contre Mar Abraham. L'on voit
„ dans toLice cette narration un grand zclc des Chretiens Neltoriens de ce p^ùsi
, là pour défendre leur Foi, qu'ils prétendent confcrvcr comme ils croyenc la-
„ voir reçue de [a) St. Thonijs : Se ils en vinrent jufcjii'à cet excès que de mcrtre
leurs mains devant leurs yeux à Li Mefîe des Latins, quand le Prêtre é-
„ levoit l'iioftiepour la faire adorer à ceux qui etoienc prcfens. {(j) Ils fe mon-
„ ftrerent fur tout zèles envers leur Patriarche de Babylone ; Qc quand on leur
„ demandoit, fî le Pape nctoic pas le Chef de l'Eglife, ils réponcïoienc qu'il
j, ctoit le Chef de l'Eglife de Rome, qui elt une Eglife particulière, autrement
„ de rEghfc de St. Pierre, & non de l'Eglife de St. Thomas, distinguant a-
, , vec opiniâtreté ces deux Eglifes, comme indépendantes l'une de l'autre, ils
„ s'oppofei-enc d é p l u s , (c) torcemenc au Sacrement de la Confirmation, que
„ l'Archevêque Menefes leur vouloir adminiftrer; & ils Taccufoienc d'envie ôc
„ d'ambition, ajoutant qu'il tàchoit de renverfêr la Religion de St. Thomas,
„ pour leur faire embraffer la Romaine, {d} afin que par cet artifice il dcmeu-
„ ràt le maître de toutes les Eglifes de l'Inde. Voilà pourquoi, difôienc-ils,
„ cet Archevêque médit des Patriarches de Babylone j proteftant qu'ils perfe-
„ veroient dans la fôumifTion Ôc robéïflance dues à leur Patriarche, ôc qu'ils ne
5, quitteroient jamais leur Religion pour prendre celle de Rome.
„ Nonobflant toutes ces oppofîtions de la parc des Nefloriens, l'Archevé-
5, que Menefes continua toujours de leur faire voir, que leur Patriarche écoic
J, un Hcretique ôc un excommunié; Se partant qu'on ne pouvoir prier Dieu en
„ particulier pour lui. Ce qu'il fit avec tant de vigueur, n'épargnant pas mc-
„ me l'argent de fa bouriè, qu'à la fin il les adoucir. Il ufa auffi quelquefois
„ de violence, & il courut fouvent rilque de fa vie. Car (bus pretexte qu'il a-
» voie
t^) Cette tradition e!î fî confiante chez eux, qu'ils regardant comme un crime de la contredire.
M; h 'Offî-ff ti-aitc de fable la venue de l'Apôtre St. Thomas aux Indes, & femble difpofé à croire que
k prétendu St. Thomas étoit un Tliomas difciple de Mines. D'autre côté le P. le Bfun a raflemblé
en peu de mots les raifons qui peuvent doiinér lieu à croire cette million de St. Thomas, & tâche de
refuter tout ce qu'on oppofe à l i venue de VApotre aux Indes. On peut voir ià-deffus i'Hift. d,( ChriJÎ.
des Indes par M. la Croz.e & les Liturgies du P. le Brun. Tome III.
(.b) Voy. l'hiftoirede ces difpiues, la conduite de Mcntz.es, & les fuites qu'elle eut dans i'HiJî dit
Chrijiian. d s Indes L. I. & II. L'Archevêque ne démentit nullement en cette occafion l'impatience du
Zcle Ecclcfiaftique • ni cette fainte impecuofité fi fouvent confondue avec la Religion, ni cette ardeur
lî connue de ceux qu'on pourroit appcller des ConfierAus Iplrituels, qui femblent allier h gloire de forcer
les àmcs avec celle de J. C . & de fon Eglife. C e f t en vertu de ce caraflère que l'ardent Menezcs
apptlloit fa caule U c.iufi de D-eit, Si dccïdoit comme par infpiration, que Dieu la foutiendroit.
(c) Ils regardèrent ce Sacrement, le figue de Croix fur,le vifagc, & le foufljt, qui marque l'affranchi
lTem:nt fpiritucl du confirmé, comme des marques de l'efclavage auquel les Portugais vouloierjc
les reduire ; ajoutant qu'ils ne fouifriroient jamais que ces étrangers portalTent la main fur le vifage di
•leurs femmes & de leurs filles.
(d) r.a conduite de Menezés prouVe que cela ^toit vrai. Un des moyens qu'il employa pour divifei
ces Chrétiens & fe faire parmi eux un parti confiderable, fut de publier une folennelle adminiftratiori
des Ordres. Par cette publication l'Archevêque Portugais Vouloir profiter de deux circonflànces avantageufes.
L'une écoit que les Ecclefiaftiques Indiens demeurafTent fidellemcnt attachés au Prélat qui leur
avoit donné les Ordres; l'autre que depuis deux ans perfonne n'y avoit été promu à caufe des ti'oabL'Si
On peut voir dans l'Ouvrage de Mr. de la Cra<.e, comment cela lui reulTm
Tome III. Part. I. Xx
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