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l e dire, cft plutôt celle du Baptême des Coptes d'Egypte que de celui des A -
byflîns : mais les différences ne font pas afTés confîderables pour m'étendre for
ce dernier. Seulement je remarquerai {a) que des MifTionnaires ont accufé les
Prêtres Abyffins de changement & d'abus dans la formule du Baptême , en
dilânt, je te haptife dam les eaux du Jourdain y au lieu de ces paroles, je te haptife
au nom du Pere-^ & qu'ils n'attendent pas le terme prelcrit pour le Baptême
de l'enfant , lors qu'ils le voyent en danger de mort. Cependant on
nous affure en même tems (h) , qu'ils croyent le lâlut des enfàns morts fans
Baptême , pourvu que ces enfans foient nés de pere & de mere fidelles ;
ajoutant même que Venfont ell &n<5lifié dans la vertu de la Communion
que la mere reçoit après la conception. On leur attribue auflî de croire que
i'ame eft engendrée comme le corps, (c) Ce fentiment ne leur eft nullement
particulier, & a même trouvé des parti(âns diftingués.
L'Epiphanie des Abyflins a quelque chofè de remarquable. On îâit que
chés les Chrétiens du Rite Grec, cette Fête eft la commemoration, ou l'anniver&
ire du Baptême de Jedis Chrift : mais je n'oublierai pas que la plupart
des Miffionnaires & des Voyageurs ont regardé les ceremonies des Abyffins
comme une rebaptifation réelle, & par confêquent comme une erreur capitale.
Cependant un (d) Evêque Etliiopien a déclaré que cette rebaptifation prétendue
n'étoit pratiquée ni comme un Sacrement, ni comme une inftitution
capable d'ajouter quelque chofe à la regeneration que le fidelle acquiert par la
vertu du premier Baptême : & la preuve de cela, dit Brereivood, c'eft la nouveauté
d'un ufâge qui ne remonte qu'à peine à cent ans. D'autres prétendent
que c'eft un véritable Baptême, que les Abyfrms croyent capable de remettre
les péchés. On le prouve par l'ordre qui fut donné de feire un Baptême general
dans toute l'AbyfTmie, après qu'on eut chafle les Jefuites & aboli la Religion
Romaine. Après ces remarques, voici la delcription de cette Epiphanie
des A b y f f i n s , telle qu'elle eft décrite dans un extrait de la Relation du P.
Alvarez (e) „ Le quatre Janvier 1 5 x 1 . . . les Prêtres Abyffins s'aflcmble-
„ rent en grand nombre dès la veille, & chanterent toute la nuit pour be-
„ nir le lac. On jetta de l'eau benite dedans. Le Roi y arriva fur le mi-
„ nuit j il fut baptifé le premier avec la Reine & X'Ahma . . . l'étang où le
, , faifoit le Baptême étoit un quarré long, revêtu de planches couvertes de
„ toiles de coton cirées. On y defcendoit par fix degrés, l'eau entroit par un
„ tuyau au bout duquel on avoit attaché un fàc pour la recevoir & la rendre
, , plus nette. La prefle fut très-grande dès le matin. Un bon vieillard qui
„ avoit été le précepteur du Prêtre Jean étoit dans l'eau jufqu'aux épaules,
„ il plongeoir la tête de ceux qui fe préfentoient en leur d i f a n t , Je te haptife
„ au nom du Pere y du Fils ^ du Saint Efprit. Tous étoient nuds & n'a-
„ voient rien pour fè couvrir. Ceux qui étoient de moyenne taille ne def-
» cen-
(a) Dijfcrt. de l'Abbé k Grand fur le Baptême ubi fup.
0) Je rapporte ces opinions fur la bonne foi de Brerewood ubi fup.
( e ) Entre ceux qui ont foutenu que notre ame eft e n g e n d r é per nos parent, les uns ont c r û que
l ' A m e produifoit l ' A m e , les autres que l ' A m e ctoït dans cette portion de matière qui produit l'homme,
& que ejjluebat cum ftmine, CHJUS CÙAM /nhilior pars erat. Cette dcrniere opinion fuppofe que
l'âme ëft une portion de matiere plus fubtile que le corps. J e m'imagine que la premiere fuppofe à peu
près la même chofe: car il n ' y a poinr de generation entre les efprits. La mariere feule eft capable de
cette d i n b l u t i o n , de cette augmentation de matiere, & de cette addition départies homogènes, qui font
les fuites de ce q u ' o n appelle ^ f w r a / w « . A cela près la generation des ames fait afles bien concevoir la
propagation du péché originel.
(d) Brerewood ubi fup.
(e) Dijfert. fur le Baptême &c. ubi fup,
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j , ccndoienc pas tous les degrés ". Si ce qui fuit ell bien véritable , on doit
croire que les Abyiiîns regardent au moins la rebaptiiâtion de ceux qui ont
erre dans la foi comme necelTaire. „ Le Roi demanda à Alvarez ce qu'il pen-
„ foit de cette ceremonie. Celui-ci répondit qu'elle ne pouvoir être reftifiée
, , ni exculee que par la bonne intention, . . . Mais, reprit le R o i , que
„ peut on Bire pour reconcilier ceux qui après avoir apoftalié reviennent à
l'Eglife? . . . Le Portugais repondit , il faut initruire les apoftats , prier
„ pour eux, les brûler, s'ils ne veulent pas fe convertir". On fent combien
ce raifonnement eft convaincant ôc conforme à l'efprit de l'Evangile. Mais
je ne laiflèrai pas que d'y trouver un autre défaut capital, dont les fuites (croient
dangereules pour les Orthodoxes. C'eft que les heretiques, lors qu'ils ont k
force en main, font en droit de brûler leurs apoftats & leurs relaps, après avoir
inutilement prié pour eux Se travaille (ans fruit à les ramener à la foi de
leur Eglife. On auroit beau leur vouloir prouver que leur Sedte n'eft point
l'Eglife : cet argument ne tiendroit pas devant le feu materiel. „ Le R o i , nous
„ dit enfin Alvarez, approuva ce difcours, & ajouta que fbn ayeul avoit com-
„ mandé ce Baptême par le confeil de gens doâes & habiles , de peur que
„ tant de gens, qui avoient manqué à Dieu ne periffent faute de fecours ".
Enfin on trouve dans quelques Relations , qu'après le Baptême de l'enfant
on le ftigmatiiè au f r o n t , ôc l'on a débité autrefois que les Chrétiens de N u -
bie avoient aufTi le Baptême du feu. A l'égard des A b y f f i n s , Alvarez dit:
„ Qu.int aux marques que nous voyons porter à quelques efclaves noirs fur
„ le nés entre les deux y e u x , ou bien fur les fôurcils, elles ne font pas Eaites
„ avec le f e u , ni pour choie qui concerne aucun point de la Religion Chré-
3, tienne, ainfi qu'on a fâufiemenc prélûmé ".
La Confirmation des Coptes confifle en de longues prières & en la réitération
des Onftions faites à l'enfant qui a reçu le Baptême. Chés les AbyfTins le
Prêtre fait l ' O n d i o n avec le Chrême en forme de croix fur le front des baptilés,
en diCinr, ce foit l'Oucîion de la grace du Saint Efprit^ Avien. Au
nez & aux levres, il dit, c'e/î le gage du Royaume des deux. Aux oreilles ,
l'Onllim. fainte de Kotre Seigneur Jefiis Chriji. Aux bras , aux genoux &
aux jambes, je "Vms oim de l'OtiBim fainte au nom du Pere &c. Enfin le
Prêtre dit fur les enfans baptifés &c enfuite confirmés une oraifôn en forme
de benediâion, leur met des couronnes fur la tête & leur donne l'Euchari-
IHe.
Ce qui a été dit de ce Sacrement, en parlant des Coptes n'empêchera nullement
la defcription de plufieurs ufages qui le concernent chez les Abyffins.
D'abord on nous dit [a) que ces peuples communient fouvent , qu'ils afïistent
à la MelTe avec une grande devotion, (è) n'ofant ni cracher, ni fè moucher
pendant la Meife. Un autre nous d i r , (c) que le jour de leur Communion
il ne leur cft pas même permis de cracher jufqn'au coucher du Soleil.
Il ajoute que les AbylTins ne (è confefTent jamais fans communier ; & ils fë
confeifent auffi-tôt qu'ils ont commis un péché. De plus (d) il n'y a que les
Prêtres & les Diacres qui entrent dans le Sanftuaire oil eft l'Autel. Lors que
l'Empereur d'Ethiopie marche, on porte toujours une tente pour la Chapelle
(a) Rct.it. du P. Uho.
ib) Le Brun DilTert. fur les Liturgies.
(c) Hrcrsiuood citan: Zagd-Z^ha ubi fup.
((/) .^Ivureh ubi fup. cité par le P. le Brm,
Tome I I L Part. I. Fff
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