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4 D I S S E R T A T I O N SUR LA
incertitudes iiifurmontables à ceux qui voudroicnt s'clevcr au dcffus de leurs préjugés;
& cette foi chancelante, cjui fe termine à l'indifferencc ou à l'indolenc
e , &c fouvent auffi â l'irréligion.
A voir du premier coup d'oeil l'ancien Paganifme, ne dira t'on pas qu'il a;
été plus pacifique, plus tolérant & plus charitable que la Religion Chrétienne
Les Paycns s'entrecommuniquoient leurs D i e u x , & leurs dogmes. Il fc fai-l
foit entr'eux une cfpece de commerce d'idées & d'opinions qui ne les entraina,
jamais au danger d'être frapés par les foudres de leur Eglife, ou par les Jmthemis
de leurs Conciles. Dans le culte qu'ils rendoient à leurs D i e u x , ces Dieux '
f i differens les uns des autres dans leurs f o n a i o n s & leurs Attributs, ils fembloient
aller d'affés bonne foi au même b u t , & n'excluoient des Chams Elifees
que les impies & ceux qui rcnoncoient aux devoirs moraux en s'abandonnant
au crime & au vice. Les differences manières de fervir les Dieux n'empccherent
jamais l'union & la fraternité des Payens de differens cultes. Pourquoi faut-il,
dira-t'on, que le Chrillianifmc nous prive d'un fi noble privilege. Je répons
que bien loin de nous l ' ô t c r , il nous le donne dans toute Ion étciidue. A Dieu
ne plaife, qu'être Chretien foit autre chofe „ q u ' ê t r e humam, charitable & pa-
„ cifique, conformément aux regies & aux principes que la Morale de J.
„ C. nous donne de l'humanité, de la charité & de la p a i x , à quoi la Reli-
„ gion ajoute la confiance S: une foi fmple, que la dignité, la v e r t u , & la
„ fuperiorité du Lcgiflateur exigent de n o u s , , Cms y mêler ces idées complexes
& embaraffées, ces definitions fubtiles, qui peu à peu ont multiplié les opinions
, formé les f c f t e s , détruit la tolerance & la charité envers ceux qu'il ne plaifoit
pas à Dieu d'éclairer de fes lurniercs. C'efl .à cela que fc termine le véritable
Chriftianifme. J . C. prêchant l'Evangile n'a demandé d'autre railônncmeni:
à fes difciples que celui qu'ils devoient faire pour comparer la doéirinc avec &
conduite, &; fa miffion avec les ancicnes prophecies: pour les niilleres il n'a
voulu que (a) de la docilité, parce qu'il n'y a point de proportion entre les
milkres & notre raifon. C'efl: en vain qu'on a cherche à les lui proportionner
par de nouveaux termes & par des définitions recherchées, que la
Thcologie a reçu de i l s s l t e n j f i f ç k & à la naiflauce des opinions. En adoptant
la nouvauté des termes &c deslipTcPTions', 'notre r-iifon a pris J e nouvelles idées,
s'eft chargée de préjugés & de pallions, qui ont produit l ' H e r e f i e , leSchifineSc
la defunion. J e m'arrête, fans creufer davantage dans les defordres que ces trois
mfms des ienehres cauferonc fans doute jufqu'à la dertruaion du Monde. J e ne
dois pasoubher que je ne fuis qu'hifl:orien: je demande feulement la perniiffion
de faire ici trois remarques donc on ne reconnoitra que trop lajufteife. i.^ueks
divifms de Religion fe terminent en general, comme les émotions populaires, me
efpece d'opprejftm: on impofe de nouveaux droits, on met de nouvelles taxes,
qui ne diminuent jamais, i. Qii'apres que ces divifions ont commencé d'éclat
e r , on a c rû bien reparer les brèches q u e les faifoient à la R e l i g i o n , par des honneurs
extérieurs, 8c par des expreflions hyperboliques, affés iemblables à celles
dont les flateurs & les courtilàns honorent les Princes : au lieu qu'il falloir travailler
à rétablir les idées fimples, & ramener les expreflions naturelles, 5.Q,u'en
confequence de cette reparation prétendue, on s'eft attaché à ces expreflions
comme àl'eflence de la Religion , par oîi les difficultés & les objeaions Ce multipliant
à l ' i n f i n i , la charité a diminué & rendu la reconciliation inipoflible.
Que le L e f l e u r applique ces remarques comme il lui plaira, je ne me déclarerai
(a) Nejcire vtlU qua AiA
JjHcre aûH viéit, tr»i w/eiiiih
R E L I G I O N D E S G R E C S . 5
rerai pas davantage. Je me contente de fouhaiter comme Chrétien cette reconciliation,
à laquelle diveis pattis du Chriftianifme travaillent depuis long tems
fans le moindre fiuit ; parce que chacun s'y prefcnte en état de guerre , armé
de fes idées, dans le deflein de communiquer fes préjugés, ou tour au moins
de les infinuer avec des modifications éblouïflantes, & refolu de ne rien ceder
de ce qui fait l'eifentiel de la difpute. Il arrive de là qu'après la rupture des
conferences, la haine augmente , on fait des livres nouveaux pour colorer fi
conduite, & reprelènter avec emphafe toutes les avances qu'on croit avoir faites.
On s'entend moins que jamais les uns les autres, & cependant on s'attribue
un triomphe imaginaire.
Tous ces défauts fe remarquent dans les Ouvrages des Catholiques & des
Proteftans , où chaque parti tache de mettre les Grecs de fon côté. On a
reçu avec un emprcCfement extraordinaire les gros Traités que les deux partis
ont publié pouf revendiquer une Religion defigurée par l'ignorance Se la mauvaife
foi des D o a e u r s qui l'enfeignent, & des Peuples qui la profelTent. Dans
l'efperance de mieux perfuader les Lefteurs , on s'efl: mutuellement reproche
(es détours & fes fophifiiies. Souvent on n'a pû gagner fur foi d'épargner les
injures & les invedivcs. Qu'eft il arrivé' que les Ecrivains & les Lefteurs ont
o-arJé leurs préjugés, & font reliés dans leurs premieres idées.
° Ces préjugés 8c ces idées dont on fe défait fi difficilement, parce qu'on vit
avec des perlonnes, ou dans un parti qui s'y trouve engagé comme nous ,
qui ne celfe de nous les faire v a l o i r , font les deux écueils que je vais tâcher
d'éviter en donnant ici l'abrégé de la croyance de l'Eglife Grecque : mais avant
que d'en venir là,il &ut raporter en peu de mots l'origine du Schifme des
G r e c s , Se f i continuation jufqu'à notre fiecle. Quoique la quellion touchant
la Proceffion du St. E f p r i t , que l'on donne generalement pour la^ principale
caufe du Schiliiie entre les Grecs 8c les Latins, eut commencé dêtre agitee
avant le (ixieme fiecle, elle refla comme refl'errée dans les bornes de la Theolo<
rie de ces tems l à , malgré l'anatheme de quelques Conciles contre ceux qui
iwcroii-oiept pas que le St. Efprit procédât du Pere Se du Fils. Dans le millieu
du neuvieme fiecle cette difpute ne devint plus fcrieufe Se plus important
e , qu'à caufe de. la jaloulie & de l'ambition, qui s'y melerent. P/M/MX piqué
contre le Pape, 8c comme Patriarche de Conlbntinople fe croyant ég.\l
à lui reveilla une queftion qu'il auroit peut être moins fait valoir dans un autre
tems. Ainfi l'hotius élu Patriarche de Conftantinople en l'année [a) 85 8.
doit être regardé comme le véritable Auteur du Schifme. A ce que je viens
de dire il fiut ajouter, qu'il vivoit dans un tems où les La'iques & le Clergé
étoient également ignorans Se corrompus. Photius lui-même, d'ailleurs trèsfavant
très-éclairé, (h) étoit un de ces Ecclefiaftiques politiques Se diflimulés,
qui ne craignent pas de le rendre complaifans aux vices de leur Souverain,
pourvîi qiùl maintienne les droits Se l'autorité qu'ils s'arrogent : à cela
près, zélés pour les droits de la Religion 6c pour la Dodrine Orthodoxe. Il
joit'noit à cette criminelle complaifance beaucoup de fubtilité, une hypocrific
fpécieufe.que le lavoir Se l'éloquence rendoient capable d'éblouir. Tel étoic
Photius, s'il faut ajouter foi au caraftere que lui donnent des Hiftoriens eftimés.
Quoique Laïque , il fut élevé fut le fiege de Conaantinople à la
place d'Ii-nace, par la f w e u r de Bardas Oncle de Michel troifieme.qui regnoit
° / alors,
(a) Le jour de Noël.
W Voy. Hill. Hcclef. de Fliurj, Tom. XI. Ed. m i i . & auusi.
Tome III. 'Part. I. B
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