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282 D I S S E R T A T I O N S SUR LA
les Cardinaux, jufques là qu'il invice les (îens à tremper leurs mains dans le (àng de cette
racaille de la Sodome Romaine. Tel eft le nom dont il honore le Clergé Romain.
Avant que de fuivrela Religion des Communions Protcitantes^ôc de décrire leurs
ufàges, il faut donner en peu de mots un abrégé hiftorique de leur reformation.
Lors que Luther commença de fe déclarer en 1 5 1 7 . il y avoit environ cent
deux ans que Jean Hus & Jerome de Prague avoient été brûlés au Concile
de Confiance. Mais outre que les fcntimens de ces deux hommes ne périrent
pas avec eux, comme cela parut affés par les guerres & les defordres qui
fuivirent leur fupplice^ il y eut toujours depuis eux jufqu'à Luther comme une
fermentation des écrits. On ne cefToit de déclamer contre la corruption de
ja Com- de Rome, contre le pouvoir fans borne de cette Cour, & les excès de
fes partifans. Souvent auffi l'on alloit julqu'à attaquer (ans aucun ménagement
divers ufages établis par la difcipline, ou du moins par la prefcription
du tems. On n'épargnoit pas des fuperftitions & des abus, qu'une longue
ignorance avoit rendu venerables. Enfin l'on ofbit même attaquer des points
de dodrine. J'olê inferer de la, que le deßr d'examiner la doBritie, & la hardieffe
de l'examen font deux chofes dues à la corruption des Chefs de l'Eglife:
car rien n'eft plus capable de rendre une dodlrine fufpede que les dercgiemens
des Pafteurs, & les vues intereffées qui les guident dans l'exercice de la Religion
, dans l'obfèrvation de la di{ciplinej& dansTa pratique des autres ufages de l'Eglife.
Auffi n'a t'on jamais vû que les auteurs des Schifmes ayent oublié de
déclamer contre ces excès, pour fe former plus légitimement de nombreux
partis. Cependant ce levain , qui forma les Schifînes de Luther &c de Calvin,
venoit de plus loin encore. Long tems avant le Concile de Confiance , les
Vaudois, les Albigeois & leurs Chefs, (a) Valdo, Pierre de Bruys, Arnaud
de BrelTe , Amaury &c. en répandant & enfeignant des chofes ablôlumenc
contraires aux Dogmes & aux Décilîons de l'Eglife, méloient dans leur doctrine
des plaintes continuelles contre les defordres de cette Eglife 5 bien plus
fans doute, pour fe faire des fedateurs, que par le véritable defir de voie
l'Eghfe purgée. Il eft trop ordinaire à ceux qui veulent abandonner un parti de
s'en plaindre & de le décrier, pour qu'il ne (bit pas néceflàire d'examiner de bien près
les motifs de leurs invedives. Les Beggars,les Apoftoliques & les Lollars vinrent
enfuite. On dit des Beggars, qu'ils dcclamoient vivement contre les Papes
& contre leur autorité ^ des Apoftoliques ôc des Lollars, qu'ils méprifbienc
outre cela les Sacremens & les Jeunes, qu'ils nioient l'intercelîion des Saints
8c qu'ils préparèrent les voyes à ceux qui reduifirent en figne & figure le
Sacrement de l'Euchariftie. Arnaud de Villeneuve avança vers le millieu du
quatorficme ficcle, que les Moines feuls ont corrompu la dodrine de J . C .,
que la fondation des MelTes eft inutile. Les Fratricellcs foutinrent aulli alors
rAnti-chriftiani(me du Pape & de Rome. iMclef, qui n'étoit pas moins ennemi
du Pape que tous ceux dont Je viens de parler, alla bien plus loin qu'eux
vers la fin de ce même fiecle. Mais le {yfteme des Dogmes de ce dernier
ctoit beaucoup mieux lié que ceux de tous {es prédecelïëurs , q u i , s'il en faut
croire les auteurs contemporains, & ce qui nous a été conferve de ces (yH^
têmes, y avoient mêlé beaucoup d'extravagances & de fanatifme. Soifïànte &
dix ans après Jean Hus & Jerome de Prague, Jean Laillier Licentié en Théologie
n'en fit gueres moins que Wiclef en pleine Sorbonne en 1 4 8 5 . Je ne
dis
(4) On doit lire l'hiftoire de la Dodrine de tous cfiî Heretiquej dans VHißeirt dn MAnkhdßne Mcitn
C- Moderne publiée pai- Mr. de Beanfobre cette année (17J5.)
RELIGION DES PROTESTANS, 283
dis rien de Jerôme Savonarole , qui fut brûlé en 1 4 3 8 . pour avoir parlé
(«) trop librement fur la néceflité de reformer l'Eglife dam le chef é- dMs les
viemires. Entre les erreurs de (h) Pierre d'Aranda, cjri vivoit dans le même
tems, on remarque furtout, qu'il foutencit Yinatilité des litdulgemes , que
les Pupes les a-voient intentées pour le profi qu'ils en retiroient -, qu'il nioit le Purga^
tqiiï dr n'ohferuoit point le Carême. Les freres de Baheme, qui avoient fuccedé
aux Huffites, & aux Taboritcs, continuèrent auffi de fe multiplier , juf
qu'àcc que nous les verrons fc confondre (c) avec les premiers Luthcriens en i 5 0 4 .
Cependant ces fcflaires parloient encore en plufieurs chofes comme les Catholi- •
ques, mais ils nioient que Jefus Chrift dût être adoré dans le Sacrement, &
rejettoient divers cultes comme des fuperftitions En 1 5 0 5 . ils s'éloigncrent
encore plus de la Dodrine de l'Eglife, Je palfe (implement fur l'appel de
rUniverfité de Paris contre {d) le Concordat du Roi de France avec le Pape.
Cet appel fut interjctté au mois de Mars de l'année 1 5 1 7 . Non feulement il
attaquoit vivement l'infaillibilité du Pape , ce qui n'ell pas extraordinaire en
France, il attaquoit auffi perfonnellement Leon X. il l'accufoit de ne penfer
qu'à la^iiïne de l'Eglife en conférant les benefices à des gens indignes fans
aucun égard pour les perfonnes de mérite.
Ce petit détail fuffit pour montrer quelle étoit depuis long tems la difpofition
des efprits, lors que Leon X . voyant fes tréfors épuifés par des dépenfes
exceffives & par des m.ignificences plus convenables fans doute à des Princes
temporels qu'au 'Vicairc de Jefus Chrift, s'avilà de mettre, pour ainfi dire, k
falut de tous les Chrétiens en Mmopole. Refolu d'achever le fomptueux édifi.
ce de la Bafilique de St. Pierre commencé par Jules I L , & fe trouvant hors
d'état de fournir à cette depenfe, il s'avila de propolér à prix d'argent des Indulgences
plenieres à toute l'Europe , „ à des conditions fi aiféts, (e) dit un.
„ auteur, qu'il auroit &llu n'être gueres foigneux de fon f a l u t , pour ne les
„ pas gagner. Pour faire cette levée d'argent , „ le Pape divifà toute la
„ Chrétienté en divers départcmens , ôc l'on établit dans chacun des collcc-
„ teurs qui devoient recevoir l'argent. De plus on fit choix de certains Pré-
„ dicateurs, qui étoient chargés d'inftruire les peuples de la vertu des Indul-
„ gences, éf des Jifpojltions tiécefaires pour Us gagner". C'étoit bien le moins
qu'on donnât de belles couleurs à un trafiq qui avilit alors fi honteufement le
Chriftianifme & la dignité du premier Chef de l'Eglife. Ceux qui furent commis
pour ces levées travailloient uniquement à perliiader au peuple, qu'm étoit
affuré de fon falut, quand on awit compté la fomrne requife pour gagner l'Indulgence.
On tenoit les bureaux dans les cabarets & l'on y voyoit ces prédicateurs
confumer en débauches une bonne partie de l'argent qu'ils recevoient.
Ce filt contre ces Indulgences que s'éleva Martin Luther en 1 5 1 7. lôutenu
de Jean Staupitz Vic.iirc general des Auguftins. On a dit generalement que
le Vicaire & fon Ordre avoient vu avec chagrin qu'une fi riche commiffion
fut
(a) Sous le Pontificat d'Alexandre V I . On affiire que François Pic de la Mirandole lut à la derniere
felTion du Concile de Latran qui fînit fous Leon X. en l'année 1 5 1 7 . un difcour? ou il ne parloit pas
moins librement que Savonarole de l'irréligion du Clergé, du trafiq des chofes faintes Se de la fuperftij
tion du ficcle.
( t ) Evâque de Calihorra.
(c) Ils emrerent dans les intérêts de Ltitlicr. Voy. ci-après.
Cd) Le Concordat catfa la Pragmatique Sandion établie auparavant pour borner en France la jurisdiction
du Pape fur les Benefices & pour empÉcher les brigrtcs & les follicitatious des François à la Cour
de Rome. Confequcment elle nuifoit beaucoup à l'avarice de cette Cour.
(0 SmKàiiVBJlme Ecçle]!aJli!iiK dt£Mé Flcury ssin. l'ii'j.
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