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298 D I S S E R T A T I O N S SUR LA
qu'il eut deux femmes, & qu'ainfi il étoit ncceflaire de trouver un moyen
qui accordât la Religion & fes befoins. Les Dodeurs Proteftans s'afTemblcrent
à Wittember^, & par une tolerance que la Reforme crût alors néceffaire
pour le bien d e l à catife Evangelique, ((i) on décida contre l'Evangile ^
que le Prince pourroit prendre une autre femme, mais en fecrec, afin doter aux
Lutheriens un grand fûjei de fcandale & la connoiflànce d'une adtion cotitraire
au Chriftianifme.
En l'année 15 40. il Ce tint une Dietcc à "Wörmes, où les principaux Théologiens
des deux partis furent invites pour conferer enfemble fur les difFérens de
Religion. Il y eut d'abord, comme, à l'ordinaire, des altercations & des fubterfuges:
mais l'Empereur fit rompre cette aflfemblée & remettre l'affeire à Ratisbone,
où les débats des uns & des autres continuèrent (ans aucun fruit.
Te ne dirai tien du Concile de Trente indique la premiere fois par une Bulle
de convocation au mois de Novembre de l'année 1 5 4 1 . ôc la fécondé pour
le mois de Mars de l'annce 15 4 5 . quoiqu'il ne s'ouvrit qu'au mois de Décembre
de la même année. Le détail qu'on pourroit en donner eft inutile, l'hifl
toire de ce Concile étant connue des moindres ledeurs. Calvin, qui étoit revenu
triomphant à Geneve, profita de fon credit pour donner une forme convenable
à la Religion du parti. Il établie des Confiftoires, des Colloques, des
Synodes, des Anciens & des Diacres : en un mot, il regia toute laDifcipline des
Egliics Reformées à peu près comme elle eft aujourd'hui. Depuis ce tems-là
Geneve eft devenue le refoge & Tazile des perfecutés en France & ailleurs. Les
Moines défroqués & les Prctres débauchés n'y ont pas moins couru que les
autres.
On met à l'an 1 5 4 5 . l'établiffement de la premiere Eglife Reformée de France
à Paris. Le Miniftre de cette Eglife fut un nommé la Riviere. Le dixième
de Janvier de l'année fuivante la Meflè fut abolie à Heidelberg, èc le Sacrement
de la Cene adminiftré en langue vul^ire & fous les deux espèces, lëlon
l'u/âge des Proteftans. Les Miniftres forent établis dans tout le Palatinat. A Ratisbone
il fe tint une conférence entre des Théologiens Catholiques & des Proteftans.
Luther mourut pendant cette conférence, qui ne dura qu'environ huit
ou dix jours, à la compter du cinquième Février, qu'elle commença. Le parti
des Proteftans ne foufFrit aucune diminution par la perte de ce (h) Reforma-
( a ) Par un A â e conçu en mauvais Latin, comme l'Inftruftion que îe Lantgravc doftna à Bucer.
Cet A a e . a u f l î curieux pour le f a i t , que fingulier & hardi par fa d « i f i o n , f u t figne' par Luther Se fepc
autres nouveaux Dofteurs. On le trouve à la fuite du Livre V I . de VHiftoire da VarUt. par Boifutt
Les Proteftans 1« plus raifonnables atrribuertt à^la néceffité du tems & à !a crainte de perdre'le Lanteravê
le confentement donné â la polygamie de ce Prtnce. Mars on repond que des Reformateurs de h Reli,
gion Chrétienne devoient marquer plus de courage Se meprifer la politique du fieclc ; que des exceptions
faites dans un cas fi important en peuvent autorifer bien d'autres en d'autres cas. C e u x qui auroient voulu
récriminer auroient pu oppofer la taxe de U Chancelerie à la decifiôn de Luther : mais j'aimerois mieux avoneringenuement,
comme M . Basnage dans fa Reponfe ï M . de Meaux (Boffuet) que Luther ne devoir
pas accorder cette difpenfe.
{h) Je rafTemblerai ici plufieurs chofes qui font da relTort de cette DifTertation. On a reprocfiÉ
avec juftice à Luther les excès de (â violence & de fes emportemens: mais tout le monde ne fait pas,
o u ' i l avoit pris les devans & demandé grace au ledeur pour ces défauts, ^m omnia, dit-il lui-même
dans la préface de fes Oeuvres, oropiu/u UElorem. . . . ut hgat cum judich, imo csm multa miferatione,
(irfc'it me jyijfe aii^nando MonAchum ^ Papiflam infamjfmurn &c. C'eft beaucoup d'avouer fes défauts,
d'avoir gi^nc fur foi de prévenir les lefteurs, afin qu'ils fe garantifTcnt des fautes dont nos défauts
font l'origine. Refte à favoir fi un tel aveu juftifie des rechutes perpenielles, & fi Luther Reformateur
du Chrirtianifme a reparé par cette déclaration les fautes qu'il a faites contre les devoirs de fa nouvelle
miOion. Claude dans fa Défenfe de la Reformatio» Tom. II. p. ^ u - le jufti fie avec efprit: mais il
rejette avec plus de fubttlité que de raifon fur la neceffité des tcms le 'ftile peu mefuré du Reformateur:
à quoi Bajle repond fort b i e n , datis fon Didionaire, Article de Luther, „ q u ' i l eft vrai que les mau-
„ vaifes
RELIGION DES PROTESTANS. 299
teur hardi, qui durant le cours des revolutions qti'il excita dans la Religion, ft
fin un mente devant Dieu Se devant les hommes de ne rien ceder ni aux Catholiques
ni aux Zwingliens.
Une des fuites de la ligue de Smalcalde fut la giierre des Proteftans en Allemagne,
pcn(iant que le Concile fe tenoit à Trente felon les préjugés & la volonté
de la Cour de Rome: aufTi difoit on alors, que le courier de Rome portait
le Saint Efprit au Concile. Pour le dire en paffant, le Concile fot transféré dé
Trente à Boulogne & la Seffion de cette aflèmblée s'y tint au mois d'Avril de
l'année i s 47. L'Eledeur de Saxe & le Lantgrave, deux gfans mobiles de là
guerre des Proteftans contre l'Empereur, furent mis au ban de l'Empire: le
motif de cette guerre étoit, felon ces deux chefs, d'empêcher l'oppreffion de la
Doarine Evangehquc & de U liberté de l'Allemagne: ce qui leur fît prendre
dans
„ vaifes qualités des homme? font plus propres en certain tems que leurs Vertus l l'exécution des decrets
„ de D i e u , mais que ce feroit très mal raifonner, que de coticlurre que la violence & l'empofte-
„ ment font buables, fous pretéxte que la corroption du monde a beioin d'être durement traitée."
Qui ne voit auffi qu'on pourroit juftifier bien d'autres excès par de pareilles raifonsl S'agit il d'ailleurs
de h neceffiî-é des tems dans les emportemens de Luther contre les Sacramentaires, comme lui Réformateurs
, & ennemis jurés du Paf ifme ?
O n trouve un ample detail de ce que k paffion lui a fait écrire & faire contre eux dans la fecônde
paitie de VHiftoire Sacramentaire d'Hofpinien, de même que des incertitudes de Luther fur divers points
de D o f t r i n e , & de fes variations fur I'Euchariftie. On y en compte fix capitales à l'occafion de ce
Sacrement, y comprife YVbicjuité{oMtzmit après Luther à toute outrance par Brentius, Jaques d'André
Schmidîin &c. Outre ces Variations le même Hofpmien en a rafTemblé plufieurs autres fur la manducation
orale, l'adoration, la MefTe, la fraâion du pain, ia Communion des méchans &c.
Le P. Alexandre i-aporte page 100. de fon Hijhiré Ecclejiap^ue au Tome V I I Î . que pendant le ft^
jour de Luther dans le Monaft^a« d ' E r f o r t , on remarqua en Ini quelque chofe de Jingulier, ff r a t r i h s wn
nihilFIN^laritatit habere viftts,) & Con attrihttoit cela AU commerce cpt'U avoit avec K Demon, OH K dei
accès de haut mal. (Seit ex occubo cum eacodamone commercio, fe» ex morbo ctmitiali. Il ajoute que
Luther étant Un jour à la Mefle pendant h lefture de cet endroit de l ' E v a n g i l e , où il eft dit que T.
C . chaflà le Demon du corps d'un homme né fourd Se muet, on le vit tomber tout à coup en criant,
je ne le fuis pas, je ne le Jitis pas. C'cft-là un de ces contes qui fervent à gâter tout ce qu'on peut dire
de bon pour fa propre caufe. Rien ne fait plus de mal à la vérité que de l'aflaifonner d'un mauvais menfonge.
On eft beaucoup mieux fondé à relever le Patriarche des Luthériens fur ce qu'il a écrit du mariage
dans un fermon prononcé à Wittemberg. Il y declare net que la continence eft impraticable, parce
que la conjônftion des deux Sexes eft une chofe abfolument naturelle. „ L'Oeuvre du mariage eft
„ plus nécefiaire, dit-il que le boire, le manger &c. " divinum opus. . . magis necefarinm ^nam tdere,
bibere, furgare, mwHm emkngere, fotmo^ excubiis intentsem ejfe. Inpa efi Hutura at^ue indoles ^ Mué
ac membra ^HS eopertinent. On peut lire, outre ce que je raporte i c i , une longue note de Bayle à'i'anicle
de Luthen On y trouvera des choies curieufes fur cette matiere, que le Réformateur à poufTée fi
l o i n , qu'il femble même avoir voulu exclurre la monogamie. Lyférus auteur du livre intitulé Poly^amix
Tri»mphAtrix, n'a pas negHgédemettre àprofit quelques endroits des écrits de Luther, qui femblenc
favorifer ce defenfeur de la pluralité des femmes. V o y . Thef. 88. § a. & 89. § 6. Polygamia Triumphatricis.
On y tl'ouve aufli que le Jurifconfulte Oldendorp prit à l'exemple du Lantgrave fon Souverain
une fécondé aide pour fournir à les befoins. A Oldendorp on peut joindre encore Caracciol, qui s'étant
retiré A Geneve, après s'être fait Calvinifte, y prit une fécondé femme à caufe, difoit-il, que celle
qui étoit reftée en Italie avoit refufé de le fuivrc. A u refte, pour revenir aux expreflîons outrées de L u -
ther & de quelques autres de fes Seflateurs contre îe Jeune du Célibat, je crois qu'il faut les comparer à
l'impetuofité d'Une eau retenue par une digue. Lorfque la digue eft rompue, l'eau fe déborde ordinal*
femenc avec beaucoup de violence.
Je paffe à un autre excès : c'eft le déchainement de Luther contre les U n i v e r f i t é s , q u i , | ce que je
penfe, eft l'origine d'un reproche qu'on a fait à ce Reformateur, d'avoir VOHIH ramener U barbarie, par
une efpece de fanatifme (jui lui mit dans l'efprit ^u'un Chrétien ne doit étudier ^ue VEcriture Sainte. C'eft
ainfi que s'exprime le P. Simon Tome I. de fa BibliotheijHeCrititjue Ch. j i . Si cela eft véritable, Melanchton
penfoit bien différemment. ÏD'autre côté les Catholiques attribuoient les progrés du Lutheranifme
aux étudesi Habent novHm dogma fed fimpliciter infanum, lotos has mmultHS exortot ex Unguis & bonis lit«
taris. C'eft ainfi que parle Erafme dans une de fes lettres. (Quoiqu'il en foit on peut voir dans Bayle
plufieurs baffes & fades pkifanteries de Luther contre les Univerfités de fon fiecle. Je ne crois pas qu'on
Jjuiffe excufer dans aucun Ecrivain des groffieretés de cette efpèce.
O n trouve dans Bayle à l'article de Catherine de Bore deux circonftances remarquables du nîariaK de
Luther. L'une, qu'il vanta fon mariage comme un coup du C i e l , l'autre, qu'il fe maria pour fe dépouiller
, anunt t^u'il lui étoit pojfible de fa vie Papiflirjue. Cela forme un contraftc -qui montre alTés combien
la haine contre le Papifmt éclatoit dans toutes les aâions de Luther.
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