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35ro D I S S E R T A T I O N S SUR LA
Luthériens on ne fonne les cloches ni pour Vêpres ni pour Matines , mais
pour aflèmbler les Fiddles & les inviter à fc rendre au prêche ou à la priere.
On les fonne à midi , non en vertu de l'inftitution du Pape Calixrc III,
les Luthériens ne veulent pas reconnoitre cette origine : mais par une
coutume originaire de l'ordre donné par l'Empereur en 1 5 1 5 pendant que
les Turcs affiegeoient Vienne,pour avertir chacun d'implorer le fecours divin,
tant en public qu'en particulier. On fonne auffi les cloches à l'honneur des
morts & dans le tems de leurs funérailles. On a l'u&ge des orgues dans les
Eglifesj non feulement pour la melodie, & s'il faut aiufi dire, pour la majellé
du chant des fidelles, mais auffi pour les guider & pour foutenir leur voix.
Aux fêtes folemnelles de l'année les Cathedrales & même pluficurs autres Eglifes
des grandes Villes ont, outre les orgues, le chant en mufique & la fymphonie.
L'hiftorien des Ceremonies de Saxe raporte , cju'.à la premiere fois
que la Paffion fut chantée avec une fymphonie de douze violons & de plufieurs
autres inftrumens dans une grande Ville de cet Eleftorat, beaucoup de fidelles
forent fcandalifés d'une nouveauté qui convenoit mieux aux Fêtes d'Ifîs ou de
Cybele dans un Opera, qu'aux myfteres du Chrillianifmc.
Avant que d'aller plus loin, je ne dois pas oublier, que dans le Lutheranifae il eft
relié des lieux de retraite pour les femmes & pour les fil es,que l'on ne peut pas appele
r Couvens, quoi qu'il s'y trouve de la conformité entre les uns & les autres.
Sans parler ici de l'Abb,iye de Quedlinbourg fort connue dans l'Hiftoire d'Allemagne
, il y a de ces maifons religieufes dans les Etats du Roi de Pruflè,
en Saxe & ailleurs. Voici ce que dit un voyageur (a) de celles qu'il a vues
en Dannemarc. ,, On voit (à Rofchild) un Couvent de Religieufes Luthe.
„ rienes , mais elles n'ont point de voeux qui doivent durer autant que leur
» vie '' y Abeffe & fix Religieufes, qui cou-
„ chent deux à deux dans des chambres afles propres. Chacune a ion petit
„ cabinet où elle travaille, s'applique à la Icaure, ou prie Dieu , comme elle
» juge à propos. Elles ont une Chapelle . . . où l'on prêche les Di-
„ manches & les Vendredis . . . . leur Prêtre fe fert d'une efpèce d'étolc
„ de velours cramoifi avec un crucifix brodé d'argent fur la poitrine, quand
„ il lit les prieres devant l'Autel . . . mais pour monter en chaire , il ne
„ garde que le furplis . . . ces Religieufes font habillées comme les autres
„ Danoifes . . . & peuvent fonir de leur retraite pour fe marier . . . "
J e ne trouve rien qui reflèmble à ces établiffemens dans les pais qui reconnoiffent
la Reforme de Calvin, que ces petites communautés qui fe formèrent
en Hollande, au commencement du refuge des Proteftans Calviniftes de France,
(bus le nom de Sociétés. Elles furent compofées de filles & de femmes
jref^ue toutes devotes & déjà fur l'âge, fous la diredion de quelques Dames reùgiees
comme les autres, mais d'une condition qui pouvoir leur attirer du
refpeft dans le refuge , & la qualité d'AbbeCTe de la communauté, autant
que la Communion des Reformes le peut permettre. On y prioit Dieu &
l'on y fâifoit la lefture de la Bible & des livres de devotion en commun : mais
on n'avoit dans ces Sociétés ni prédication, ni adminiftration du Sacrement de
la Cene. Dans ces retraites ces pieufes Refiigiées devoient aulTi renoncer à la
médiûnce & à la curiofité du lîecle, & fuir les tracaferies mondaines &c.
Quelques-unes de ces Sociétés fubfiftent encore. Je ne dois pas ouUier quelques
M Rtl/uim d'Hft vB^A^e en Emimm k U Julie de l'Envasé d'^i^lclerre ï Rotterdam 1707,
RELIGION DES PROTESTANS. 351
ques autres communautés établies depuis long tems en Allemagne & en Hollande,
Se qui tiennent en quelque chofe de la retraite des Couvens. Ce
font des maifons où fe retirent les perfonnes âgées & infirmes, ou qui fe trouvent
trop peu de bien pour fubfifter fans rien frire, & qui n'ont plus ni courage
ni capacité pour entretenir ce bien & vivre du travail de leurs mains.
Ces perfonnes achetetit leur -vie, c'eft à dire fe retirent dans ces maifons pout
le relie de leurs jours, moyennant une fomme qu'elles donnent à la communauté.
Cette fomme eft proportionnée â leur .âge, & il eft à remarquer encore,
que le refte de leur bien appartient à la communauté après leur mort; à
moins qu'elles n'ayent dispoté de ce bien par teftament avant que de iè mettre
en retraite.
Les Luthériens ont retenu beaucoup de Fêtes après leur Reformation. Il
y a beaucoup d'apparence que cet ufage a fubfiftc malgré le Reformateur, &
que ne pouvant venir à bout de le fupprimer, de peur de revolter le peuple
en exigeant trop, il a cru devoir condelcendre de bonne grace à la foibleflè
des ames vulgaires, (a) Plut à Dieu, dit-il quelque part, qu'il n'y eut d'.iutre
Fête chez les Chrétiens que le Dimanche & que toutes les commemorations
fuffent renvoyées à ce grand jour ! les occupations des jours ouvrables
cmpêcheroient les gens de mal 6ire, & le pais s'apauvriroit moins. Ce r.iifonnement
eft fort jufte à le prendre en un certain fens. Cependant il eft
nécelTaire d'avoir au moins certaines Fêtes folemnelles, non pour oes ames de
haute 'ziolée, qui, pour ainfi dire, s'uniffent à Dieu tous les jours, & comme
il leur plait, mais pour ces ames groffieres qu'il faut comme contraindre de penfer
à leur devoir en les tenant fous le joug de la coutume & de la ceremonie.
En un mot, je ne crois pas qu'un Etat s'en trouvât beaucoup mieux pour gagner
tous les ans unedouzaine de jours fur le Calandrier : d'ailleurs je ne connois aucun
païs dans le monde, où les hommes fe retranchent la liberté de prendre
autant de tems qu'il leur plait pour taire exception à leurs devoirs. Le fuprême
Legiflateur a laifie des Fêtes aux Juifs , comme pour les delalfer de ces
devoirs. L'Eglife Chrétienne a prefcrit les Fêtes pour la fandification de fes
fidelles, mais elle n'a pas laiffc de comprendre que les fidelles du commun avoient
befoin de fe delafler comme les Juifs. Concluons donc que les fêtes
ne font pas abfolument inutiles, pourvu qu'elles ne foient pas â charge à la
focieté par l'excès, & venons à celles des Lutheriens. Ils celebrent trois
jours de Fête à (h) Noël. En quelques païs Lutheriens la nuit de la Nativité
de N. S. chacun s'en va à l'Eglife avec une chandelle ou une bougie
allumée à la main. Les fidelles alfemblés dans l'Eglife y pafient la nuit à
chanter Se à prier Dieu à la lueur de leurs bougies. Souvent même on y brûle
de l'encens en fi grande quantité , que la fumée forme une efpèce de
tourbillon dans lequel on diroit que les dévots font renfermés. C'eft auffi
I-Ulâge en Allemagne de regaler fes enfans Se fes amis à Noël Se de faire
des préfens aux uns & aux autres; fut tout aux cn6ns,"que l'on amufe en
W Citation prife des Oemirei de Luther dans l'ffijî. des Oremauie! &c. ubi fup.
(a) Le nom Alleman de cette Fête fignifie proprement 7Vu/t de confeermon ou depitrijicathn,Wëyh»acke.
D'autres prétendent que ce mot lîgnifie nuit du vin, fondis fur je ne fai quelle Tradition populaire qui
veut qu i la m,(Tance de J . C. toutes te fontaines ayent acquis le gout du vin. Cette Tradition ell
meme li bien gravée dans l'efprit du peuple Alleman, qu'il s'imagine bonnement, qu'à minuit quand
N oel commence, 1 eau fs change par tout en vin. Jt rapporte ceci fur la foi de l'auteur de la Differtation
des mafciradcs de Noël {de Urvis Ntialiius) & j'ajoute que l'on peut comparer i ces 0-
pinions populaires les fontaines changées en vin par Bacchus.
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