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254 in. D I S S E R T A T I O N SUR LA
, , pour les bons. Ils eftiment beaucoup les prières, les aumônes & les au-
,, très actions pieufês que l'on fàic pour les morts, parce cjue cela contribue
„ au foulagement Se au repos des ames. Ils ont une cfpcce d'Office deftiné
„ à cela, où font marquées les prieres qu'on doit faire aux enterremens, &
„ les Surrates ou Chapitres de 1'Alcoran qu'on doit dire fur la foffe du mort;
, , lefquelles lectures étant finies, ceux qui ont été employés à cet Office,
„ diiènt tout haut, Nout donnons de hon coeur à ce mort le wêrite de toute na~
„ tre leBme. Ce n'eft pas par vanité qu'ils font élever des pierres fur leurs
„ folfes, mais afin que les paifans fe fouviennent de prier Dieu pour le re-
, , pos de leurs ames.
„ Les Mahometans ne s'acquitent pas feulement des ades intérieurs de la
j , foi, ils s'accufent de plus de tous leurs péchés, dont ils iê confèlîent en
„ la préfence de Dieu & à lui lèul. La pénitence, difent-ils, n'eft autre
„ chofe que de fe repentir d'avoir commis tel & tel péché, en prenant une
„ ferme refolution de n'y plus retomber.
„ Leur Morale confilfe à faite le bien, & à éviter le mal : c'eft ce qui fait
„ qu'ils examinent avec foin les vertus & les vices ; & leurs Cafuiftes ne
» fou pas fubtils que l e s ] Je rapporterai ici quelques - uns de
leurs principes , d'où l'on pourra juger plus facilement de leur Morale.
„ Ils font tellement prfuadés, que toutes les affions qui ne font point ac-
„ compagnées de la foi font des péchés , qu'ils tiennent que celui qui la
„ renie perd le mérite de toutes fes bonnes oeuvres ; qu'autant de fois qu'il
3, couche avec fâ femme, il commet autant d'adultérés ; en un m o t , tout ce
„ qu'il Élit pendant ce tems-là ne peut être agreable à Dieu, juqu'à ce qu'il
„ ait fait pénitence de fon péché ; & alors il devient Mufulman ou Fidèle
„ tout de nouveau, & il faut qu'il fe marie pour la fécondé fois : & s'il a Édc
,, le voyage de la Me(^ue, il faut qu'il en faffe un autre, parce que toutes fês
j , bonnes allions ont été effacées par ce reniement, & la pénitence ne les fâic
„ point revivre.
„ Quand ils demandent quelque chofè à Dieu dans la prière , ils doivent
j , s'abandonner entièrement à fà volonté, & lui dire. Mon Dieu, je vous fupj
, plie de ne pas m'accorder ce que je vous demande , Ci ce n'eft pour mon
„ bien. Et qu.ind ils ont obtenu de Dieu la grace qu'ils demandoient, ils
„ l'en doivent remercier, en témoignant qu'ils lont indignes des faveurs qu'ils
„ ont reçues, & qu'ils ne peuvent rien faite d'eux-mêmes.
„ Il n'y a rien qu'ils recommandent tant que la confiance en Dieu, qu'ils
, , reconnoiflent être leur appui ; & ils louent particulièrement l'humilité, qui
, , confifte, félon eux, à efiimer les autres plus qu'eux-mêmes.
„ Ils donnent de très-beaux préceptes pour fe défaire des paffions, & pour
'„ éviter les vices. Si tu veux, difent-ils , que l'Enfer ferme fes fept portes,
„ prens garde à ne point pécher de tes fept membres, qui font les yeux, les
„ oreilles, la langue , la main , le pied , le ventre & la partie qu'on n'ofè
„ nommer : & ils font le détail de toutes les chofès dont chacune de ces
„ parties doit s'abflenir. La médiânce eft un des vices contre lequel ils
, , crient le plus i & il n'y a rien qu'ils condamnent t a n t , que les jugemens
„ qu'on fait d'autmi, quand même ils feroient véritables. C'eft fur ce prin-
, , cipe qu'eft appuyée cette maxime , qu'on ne doit point parler des chofês
3, qui nous font cachées, ils défendent, par exemple , de dire, un tel eft
j , mort, ou il mourra dans la Foi, parce qu'il ne nous appartient pas de ju-
„ ger des chofes que Dieu a cachées: cela, difent-ils, fe peut faire feulement,
, , Jon
R E L I G I O N DES GRECS, aj^
„ lors que le Prophete en a parlé; & ainfi l'on peut alTurer , qu'Abubekir,
, Homer, Hofinan & Hali font dignes du Paradis. C'eft aufli pour la mê-
,, me raifon, qu'ils difent qu'il n'efl pas permis de dire, un tel eft mort dans
, l'infidélité, ou il eft digne de l'Enfer ; à moins qu'on ne parle de ceux qui
, font nommés expreffémcnt dans le Prophete, comme le Diable, Abufaheb
, Se Abugehel.
„ Je paffe fous filence le refte de leur Morale, d'autant que ce que j'en ai
, rapporté fuffit pour montrer quelle elle eft; & je puis affurer, qu'elle n'efl
, point fi relâchée que celle de quelques Cafuiftes de notre fîecle. J'ajoute-
, rai feulement, qu'ils ont quantité àe beaux préceptes touchant les devoirs
, des particuliers envers leur prochain, où ils donnent même des regies de
, la civilité. Ils ont aufîi écrit de la maniéré dont on fê doit comporter en-
, vers fon Princej & une de leurs maximes eft , qu'il n'eft jamais permis
, de le tuer, ni même d'en dire du mal fous prétexte qu'il eft un Tyran.
„ La dévotion des Mahometans s'étend jufqu'aux noms faims : comme
, quand ils prononcent le nom de Dieu , il faut qu'ils faffent la reverence,
& qu'ils ajoutent, très-haut, très-benit, très-fort, très-excellent, ou quelque
chofe de femblable. Si l'on vient à prononcer le nom du Prophete
Mahomet, il faut ajouter, que Dieu lui augmente fes graces : au nom des
autres Envoyés l'otl ajoute, que Dieu en eft fatisfait: & enfin au nom des
autres Do6leurs l'on ajoute , que la mifèricorde de Dieu foit fur eux,
j . Il n'y a point de Conftitutions Monachales qui obligent t.mt les Moines
à obeïr à leur Supérieur , que les préceptes des Docteurs Mahometans obligent
les difciples à refpefter leurs Maitres, auxquels ils font tenus d'obeïr
en toutes chofes, fans ofèr les contredire, ni même parler trop haut en
leur préfence.
„ Comme ils diftinguent ce qui eft d'obligation divine d'avec ce qui n'efl
que de conftitution humaine, & ce qui eft de précepte d'avec ce qui n'eft
que de confeilj aulïî fè trouve-t-il parmi eux des dévots, qui s'acquitent
auffi exadement des confeils que des commandemens, comme, par exemple,
d'aller à la priere de neuf heures du matin , qui n'eft point d'oblic^ation,
&: de s'y profterner deux fois au moins, ou huit tout au plus. Enfin
, outre ce qui regarde la créance & la Morale parmi les Mahometans,
ils ont encore leurs ceremonies, qu'ils obfervent atlèz à la lettre. Pour fe
diftinguer des Juife , qui ne font obligés d'aller que trois fois le jour
à la priere, Mahomet a obligé fes Sectateurs de faire cinq fois le jour la
priere, pour marque d'une plus grande fâinteté. Ils ont un gr.and nombre
de traditions touchant la maniéré de prier,qu'ilferoitennuyeuxde rapporter,
„ Il y a des prieres qui font d'obligation divine & de necefTité , d'autres
qui font feulement de confeil & de bienfeance. Il y a de certaines conditions,
q u i , n'étant point obfèrvées , rendent la priere nulle. Par exemple ^
dans les prieres de midi &: d'après midi, qui font d'obligation divine , la
leéture fè doit fiite bas ; mais dans celle qu'on fait le foir avant que
de fè coucher, & dans celle du matin, l'on doit lire à haute voix, s'il
y a un Imam, e'eft-à-dire, un Prêtre: mais fi l'on prie feul, cela eft indifférent.
De plus, les hommes doivent d'abord lever leurs mains jufqu'au
bout de leurs oreilles , & les femmes jufqu'à leurs mâchoires feulement,
Qiiand ou eft debout, & qu'on a la main droite fur la main gauche , fî
c'eft un homme, il doit placer fês mains au deflbus du nombril ; & fi c'eft
une femme, elle les mettra fut fon fein. Pour prier avec ordre , il faut
S f f 1 „fuim