
344 D I S S E R T A T I O N S SUR LA
DU cinquante ans, pour la plupart fugitifs de Boheme ôc de Moravie , qui alloicnt
prêcher le Dimanche de lieu en lieu & principalement à la campagne.
Ils fiifoicnc leur prêche après que la dévotion du Dimancheécoit finie, & pour
le faire ils demandoient feulement une table & une chaifc, l'une pour y pofër
leur Bible, l'autre pour s'afTeoir : après quoi ils prononçoient fur le champ
Se fans avoir médité auparavant leur texte, un très long difcours au millieu
d'un auditoire prefqne tout comporé de gens du commun. Le zele & la vchémence
de ces prédicateurs etoicnt, dit-on,dcsplus (urprenans. Ils tonnoient
contre les péchés,ils dcnonçoientles jugemens de Dieu aux méchans &:c. Se
tout cela peut être dans une funplicité de coeur infiniment plus agréable à Dieu
cjuc la délicatelTc d'un (crupuleux orthodoxe qui tonne au millieu d'une Cour.
Le Miniftre ambulant fi:cqucntoit ordinairement les villages où il n'y avoir point
d'Eglife. C'cil-là que l'auditoire étoit nombreux & la dévotion animée. Après
le prêche les auditeurs apportoient à ce prédicateur du pain, de la viande
& plufieurs autres provifions, qui recompenfoieiit affés bien les peines du prédicateur.
Pour venir à l'Ordination desMinirtres Luthériens je ne ferai mention qu'en
deux mots de cette fameufè quelHon qui roule fur la validité des Ordinations
Proteftantcs. De nos jcuirs celle des Anglicans a excité de grans débats pour Se
contre, & caufé enfin la fuite ou l'exil (a) du favant qui plaidoit pour elle.
Les Catholiques objectent à peu près la même chofe aux Luthériens qu'aux
Anglicans. Pas M'mijïres^ di(ènt-ils aux Lutheriens, n'ont pint de 'vocation legitime
, farce qu'ils fient pdf été ordomiés par des E~oë^ues. Les Lutheriens repondent
cntr'autrcs chofes, qu'il n'ell pas abfblumenc nccefiaire qu'un Evêque ordonne,
que ce droit d'élire ordonner appartient à toute l'allemblée des fidelles,
cjue comme ces fidelles font en droit d'éviter le Pajïcur qui fe metamorphofe m
iotipy ils ont de même celui d'élire un autre Pajîeur à la place de ce loup ; qu'une
preuve qu'il n'eft pas néceflaire qu'un Pafteur inférieur foi: élu par le fliperieur,
c'efi: que les Evcques éiîfênc & ordonnent le Patriarche, & que les Cardinaux:
clifent le Pape. Que le leûeur juge de la folidicé de ces reponfes,OLi il femble
qu'on élude la difficulté , plutôt [h) qu'on ne la refout. Le jour étant pris
pour l'Ordination,le Cmididat ferend à l'Eglife où il doit être ordonné en prélence
des Minières, des Juges Ecclefiafliques de l'affemblée des autres fidelles.
Il commence par fe confclTer avant ou pendant le prêche. Dans la priere
qui fuit le prêche on fait expreifement mention de ce Candidat^ Se l'on prie
pour lui en ces termes : Xjn tel devant être reçu ordonné Minijlre par l'impcfiîion
ia) Le P. le Coursier. Il demeure en A n g ' c r î J ï e , où il c-ft eftimc de tous ceux qui rendent jufticc
au vrai mérite & à Ja vertu.
(b) M . Claude De/, de la Reform. Tom. I I . pag. S. deTend beaucoup mieux la validité' du Minifterc
des Reforme's, que l'Auteur Saxon celle de l'Ordination Lutheriene, „ la vocation , dit-il , eft pro-
„ prement une relation qui refulte de l'accord de trois volontés , favoir de celle de Dieu, de celle de
, , l'Eglife & de celle de la perfonne appellee. Ces trois confentemens font l'eflence de k vocation ; les
„ autres chofes qu'on y peut ajouter, comme l'examen, l'cleftion, l'ordination, font ou des conditions
„ préalables, ou des lignes & des ceremonies exterieui'cs, qui regardent plus la maniéré cîe la \o.cation,
, , que k vocation même. . . . On ne peut remarquer dans une vocation que trois intérêts, . . . .
„ celui de D i e u , puis que l'appellé doit parler , & agir en fon nom, celui de l ' E g l i f e , qui doit ctre
„ inftniite, (crvie & gouvernée & celui de l'appellé, qui doit remplir les fonctions de fa chai'gc . . . .
j , d'où il s'enfuit que la vocation eft fufiifamment formce, lors que Dieu, THglife & l;i perionnc ajipel-
„ Ice en demeurent d'accord la volonté de l'appelle ne tombe pas en queftion . . . . poiu-
„ celle de l ' E g l i f e , on ne peut pas . . . . defavouer, que naturellement ce ne foit celle de tout le
j , corps & non fimplement celle des P j f t e u r s , q u i y doit intervenir. . . . Quant à la volonté de Dieu,
„ nous convenons les uns & les autres, qu'il ne la fait plus connoitre aux hommes cxpreffement &: im-
„ médiatement & c . ^ On peut voii" le partage tout entier.
R E L I G I O N DES PROTESTANS.
tim des mém felon tufage apofioUque, prims tous pour lui que Dieu lui wemlle donnerfon
St. Efprit é' k comUer de fes dotis &c. Le Prédicateur étant defccndu
de chaire, on entonne le rjeni Spiritus Smîle , & pendant le chant ie Surintendant,^
qui ell le plus eminent du Clergé Lutherien fe rend à l'Autel accompagné
de fix Collègues (je les (lomme ainfi après l'Auteur Aileman) &
iuivi ia Candida! qui fe met i genoux devant lui. Ici le Surintendant s'adrcffant
a fes fix Collègues, après leur avoir communiqué le defir du poftulant,
les invite à joindre leurs prières aux fieniies, & lit enfuite le formulaire
de l'éleclion, qui ell fuivi d'une autre priere, après laquelle il parle en ces termes
aux fix Pafteurs: „ Mes cliers Freres en J . C. je vous exhorte à-pofer vos
„ mains (îir ce pollulant qui fe préfente ici pour être reçu Miniftre de l'E-
„ glife de Dieu, felon l'ancien ufage apottolique, & de concourir avec moi
„ pour le revêtiir du faint Miniltere ". En achevant ces derniers mots , il
pofe le premier les mains fur la tête du pollulant, & lui dit, fis, tnaneafme
ecnfecratus Deo, ce qui veut dire à la lettre, foyés é- demeurés cmfacré à Dieu,
Les fix Collègues repetent après le Surintendant la ceremonie de l'impofition
des mains avec les mêmes paroles; après quoi le Surintendant s'adrelfe de la
maniéré fiiivante au nouveau Pafteur. „ Etant alTemblcs ici avec le fecours du
„ St. Efprit, nous avons prie Dieu pour vous & nous efperons qu'il aura ex-
„ aucé nos prieres; Cell pourquoi je vous ordonne, je vous confirme, je
„ vous établis, au nom de Dieu,Pafteur & condufteur des âmes dans l'Eglife
„ de &c. gouvernés la dans la crainte de Dieu, veillés fur elle en Pafteur fi-
„ delle&c". Ces paroles font proprement l'effence de l'Ordination. En achevant
de les prononcer le Surintendant defcend de l'Autel, & le prédicateur ûr^
dinaire s'en aproche revêtu de fes (a) habits facerdotaux, pour lire l'inllitution de
la Cene & con&crer le pain & le vin dont il communie le nouveau Ministre,
qui reçoit la Communion à genoux. Quelques Cantiques & la {h) be^
nediaion ordinaire font la clôture de cette ceremonie. Après cela tous ces
Pafteurs rentrent dans la facriftie. On félicité en Latin le nouveau Pafteur
fur fa vocation : le Surintendant lui Élit de nouvelles repréfentations touchant
les devoirs de la charge paftorale. Voici quelques-unes des obligations de cette
charge, telles que je les trouve dans quelques livres des Lutheriens. Le Pafteur
Lutherien doit fe regarder comme le pere de fon troupeau, il ne doit pas s'écarter
de l'Ecriture, ni abandonner le grand chemin de l'orthodoxie, pour fuivre de
nouveaux fyftêmes, ni inventer de nouvelles routes, fous prétexte d'aller à la
vérité. Il ne doit point négliger fon Eglife , ni la quitter legerement pour
une autre. Il ne doit point fe mêler de politique, ni d'affaires d'Etat,ni d'affaires
de famille, à moins qu'il ne s'y agilfe de mettre la paix dans un ménage
& de réconcilier les efpiits. Il ne doit point lui être permis de trafiquer, ni
d'exercer aucune profelfion méchanique, ni de s'interefter dans quelque commerce
que ce foit. A la vérité s'il a des vignes, ou des jardins, ou dei
champs &c. il eft jufte qu'il en débité le provenu. Enfin pour abreger le détail,
& finir par un article qu'on peut appeller la croix des Ecclefiaftiques , il
doit vivre en paix avec fes Collègues Se les fupporter charitablement. Il 'leur
eft auffi défendu .à tous des'accufer mutuellement d'Herefie pour des mots mal entendus
& decabalerles uns contre les autres dans les Confiftoires & dans lesSy^
nodes.
M Je traduis jinfi M h g i w m d , mot à mot k b i t de MelTe. Je n'ai pû me refoutlre i traduire"! to
me par habits pontificaux : cela die trop.
La Bencdiaion Ecclefiaftique, c'cft-à-dire celle par laquelle on congédié l'aiTemblce des fidelles
Tome III. Part. II. Ssss
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