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aoo m. D I S S E R T A T I O N SUR LA
ja die, & qui efl: auffi étranger dans les matieres de Religion, que dans les
maniérés du païs, tant on le dépeint ignorant, avoir autrefois une fi grande
autorité, que le Roi n'étoit point reconnu Roi, qu'il n'eut été fàcré par les
mains de cet Ahma. Aujourd'hui toute fa fonftion ne confifte guércs qu'à
adminillrer les Ordres & faire des Prêtres autant & plus ignorans que lui, &
de fort mauvaifes moeurs. On ajoute aufli qu'il ne met aucun interftice dans
la collation des Ordres, & qu'il en conféré plufieurs à la fois. Pour décrire
les ceremonies de cette Ordination des Abyflins, je me (èrvirai du récit d'un
auteur qui les rapporte comme témoin oculaire.
(a) L'Ordination eft ordinairement de cinq ou fix mille perfonnes à la fois."
Celle dont on nous parle ici étoit de deux mille trois cent cinquante fix. Pour
cette ceremonie „ on avoir drefle une tente blanche , \'Ahima arriva flir iâ
3, mule bien accompagné, & iâns mettre pied à terre fit un difcours en A-
„ rabe, dont le fens étoit, que fi parmi cent qui fe préfentoient il y avoir
j, quelqu'un qui eut plirfieurs femmes, il eut à fe retirer, fous peine d'ex-
„ communication. . . . Enfuite il defcendit de fa mule, & s'affit près de
„ & tente, pendant que quelques Prêtres rangeoient fur trois lignes ceux qui
„ devoient être ordonnés. En même tems ces Prêtres les examinèrent & leur
,, prefenterent un livre, feulement pour voir s'ils favoient lire : à meiùre qu'ils
„ les approuvoient , ils les marquoient fur le bras. Ceux qui furent ainfi
„ marqués fê retirèrent ; \'Ahma entra dans fil tente, on fit défiler devant lui
j, ceux qui avoient été admis, il mit la main fiir leur tête & recita en lan-
„ gue Copte, la pricre qui commence par ces paroles, gratia dhina qme m-
,, frim fanat Sec. . . . Ayant ordonne de la forte chacun de ces Prêtres en
„ particulier il recita d'autres prieres & donna des benediaions avec une pc-
„ tite croix de fer. Puis un Prêtre liit l'Epitre & l'Evangile . . . Enfuite
„ VAbtma dit la McfTe Se donna la Communion à tous ces Prêtres" admis
aux Ordres avec auffi peu de choix pour les qualités du corps, que pour
celles de l'efprit, puis que parmi eux on y voyoit indiftéremment des aveugles,
& des manchots &c. Il paroit auffr par le rapport de l'Auteur cité ici,
que la bienfèance eft peu ménagée dans cette ceremonie : entre ces ordonnés
plufieurs étoient abfolument nuds.
On donne la Clericature aux enfans qui font encore à la mammelle , &
depuis cet âge jufqu'à quinze ans. Pour être Clerc il ne fairr pas être marié
, mais un Clerc peut fe marier avant que de fè prefènter pour être Prêtre
, & quand on eft Prêtre on ne peut plus fe marier. Dans la ceremonie
de l'Ordination du Clerc, du Soudiacre Scc. on paffe à la file devant l'Al^ma^
lui eft afiis dans un fauteuil placé dans une tente élevée au millieu de l'Egli-
Il leur coupe un peu de cheveux en cinq endroits en forme de croix, les
oint avec du Chrême au font, & leur fait toucher les clefs qui ouvrent la
porte de l'Eglife. On met une nappe fur la tête de ces ordonnés, on leur
donne des burettes entre les mains, pour marquer qu'ils doivent fèrvir à l'Autel.
Apres cette ceremonie ['Aima dit la Meffe & communie ces ordonnés.
Il y a, continue-r-on, en Abyffinie des Chanoines & des Moines, & parmi
ceux-ci deux fortes d'Hermites. Les Chanoines fe marient, & leurs Canonicats
paffent fbuvent à leurs enfans. Cette prarique eft d'autant plus remarquable,
qu'aucune Religion, excepté le Judaïfme, ne fiuroit alleguer des exemples
(n) Phares cité par l'Abbé le Grdtid ubi flip.
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emples d'une fucceffion héréditaire aux charges eccléfiaftiques. Entre les Prêtres
le Komos {l'Heguffiene) eft chez les Coptes & les Abyffins le premier dans
l'Ordre de Prêtrife après le MetropoUtain & les Evêques. Les Moines ne fc
marient poiirt. On affure qu'il y en a de deux fortes, les uns qui ont un General
& forment une congregation , les autres qui ont une regie commune,
(ans que leurs Monafteres ayent auctrne relation enfêmble. Ces Moines ont
beaucoup de credit, même dans les affaires d'état. Ils font des voeux. On
r.ipporte à cette occaficn, qu'un Abyffin difoit des Moines de fon pars: Nos
Hieligkux projîemés contre terre promettetit tout haut à km Supérieur de garder la
chajietéj mais en faifant tout has celte refiriBim , comme vous la gardés mon
pere. Ils s'acquittent de mcme des autres voeux. En cela l'Europe ne doit rien
à l'Abyffinie: mais après tout, diront les Moines, on ne fera jamais en droit
de tirer des confequences du particulier au general.
Il n'appartient qu'aux Prêtres & aux Diacres d'entrer dans le Sanfluaire.
L'Empereur lui même n'y entreroit pas s'il n'étoit promu aux Ordres. De là
vient que ces Princes fe font ordonner Diacres & quelquefois Prêtres, quand
ils parviennent à la cotlronne. Je placerai ici les ceremonies obfèrvées au couronnement,
mais il faut dire auparavant en deux mots, que les Souverains de l'Ethiopie
prétendent defcendre de Salomon par la Reine de Saba. (a) Cette
origine vraye ou fauffe eft foutenue de quelques preuves hiftoriques mêlées
de beaucoup de fiftions ridicules : fi elle étoit véritable, on pourroit croire avec
quelque raifon, que les Mages qui vinrent en Judée pour voir le Sauveur,
croient des Etlùopiens : ce qui me porteroit encore plus à le croire fèroit
le Judaïfme fi generalement répandu dans le Chriftianifine de cet Empire &;
qui iëmble être une fuite de l'origine des Monarques Abyfîins. Quoi qu'il
en foir ils font obftinés dans cette croyance, en vertu de laquelle les Rois
Abyftiiis fè qualifient Rois d'ifra'el. Fondés fur une origine fi glorieufè à la Nation,
les peuples font diftribués en Tribus, comme autrefois les Hebreux;
ils confcrvent beaucoup de noms Juifs, Se leurs chantres mêmes Ce vantent
d'être de la race des anciens Scribes. 'Venons au couronnement, (h) „ Au-
„ trefbis on tenoit (c) les Princes du Sang comme prifonniers fur la monta-
„ gne de Guexen^ on s'informoit des tiroeurs & des inclinations de chacun d'eux,
„ & lors qu'on croit convenu du Prince qu'on devoir placer fur le trône, le
„ 'Vice-Roi de Tigré alloir avec quelques-uns des principaux & une partie
„ des troupes prendre le nouveau Roi. Ce Vice-Roi rangeoit fon monde
„ au pied du rocher, montoit avec les premiers au logis du Roi élu Se lui
„ attachoit une borrcle d'or à l'oreille, ce qui croit la premiere marque de
„ fa dignité: enfuite on mandoit à tous les autres Princes de venir recon-
„ noitre leur Roi & le faluer. Ces Princes étoient auffi - tôt renfermés, le
„ nouveau Roi defcendoit de la montagne Se le montroit à les troupes. Les
„ Officiers . . . le (àluoient Se le conduifoient dans la rente qu'on lui avoit
„ préparée. Il y entroit à cheval , puis étant defcendu, un des principaux
„ Eccléfiaftiques l'oignoit d'une huile de fenteur, pendant que les Prêtres
„ chantoient des Pieaumes. On le couvroit d'un manteau royal, on lui mec-
„ toit la couronne fur la tête , & uue épée nue à la main. On le plaçoit
„ fur Con trône; enfuite le Grand Aumônier montoit fur un lieu élevé Se an-
(rt) Voy. /àr U Reine de Saba dans les Vougei du P. Loia.
Ib) J'employe ici la defcription que donne l'Abbé /e Grand dans fa Dijfert.fitr lu Rais d'j^JJînit.
(e) Cet ufagc eft aboli. V . Dif de l'Abbé h Brand.
Tme III. Part. I. Eee
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