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), forte que nous pouvons nous pcrfiiader fans trop de crédulité, que non (eu-
„ lemcnt ces Religieux font moralement gens de bien, mais aulTi qu'ils font
,, en quelque maniéré touches de l'efprit de Dieu, & que l'obeiïrance qu'ils
,, lui rendent leur devotion les conduiront peut-être pms fùrement au Ciel
„ que la fagelTe des plus profonds Philofoplies, ni la fcience des Theologiens
it les plus éclairés".
Les Chrétiens Grecs vont en pelerinage à ce Mont Athos, & y vifitent les
Eglilès & les Reliques. Telles font quelques cheveux de la Sainte Vierge, (à
ceinture, une petite portion du fang de N. S. des lambeaux de Ces langes, le
pié & le foulier de Sainte Parafceve. Les devotions & les charités qui en proviennent,
les preiêns que ces Moines reçoivent, & les quêtes de leurs Pandoqnes
ou quêteurs leur font de très beaux revenus. Ricaut me fournit ce petit
détail, & nous affure que ces quêteurs, qui palTent pour fort entendus dans
leur métier i rapportent ordinairement des richelTes coniiderables des pais fournis
à la Religion Grecque. Pour mieux encourager leur indufttie, celui qui
a te plus apporté eft d'ordinaire elû Prieur l'année fuivante. Ecoutons encore
cet Anglois fur le caradère des Moines, qui reçoivent, & fur celui des dévots
qui donnent. Le caraftère des premiers ne laille pas de diminuer un peu le
grand mérité qtl'il attribue à ces fèveres Religieux.
„ Ces Caloyers fe plaignent continuellement de leur pauvreté & de la mi-
„ fère de leur condition : ce qui furprend ceux qui voient leurs diréfors. A
„ moins que nous ne difions qu'ils font. , . comme ces riches qui meurent
„ de faim au milieu de l'or & de l'argent. . . . fi l'on confidere la magnifi-
„ cence & les richeflès de leurs Autels & de leurs Eglifes, on aura de la
„ peine à fë perlùader qu'ils foient auffi pauvres qu'ils afFedent de le paroî-
„ tre". Ces biens font dévoués aux Couvens, & au fervice divin, diront les
Moines. Il ne leur refte donc que le produit de leurs champs, mais ce produit
n'eft pas abfolument mépri&ble. Avec cela un Moine qui fait profeflion de
vivre en retraite, & avec plus d'aufterite que le refte du genre humain, peutil
fè plaindre d'être milêraole î Enfuite Ricaut nous p.irle de leurs riches ornemens,
entre lefquels il y en a de couverts de perles & de pierres prccieufes ;
d'un nombre infini de vaiilèaux (acres d'or & d'argent, de leurs croix d'or
garnies de pierres précieufes; de leurs Rituels & autres Livres d'Eglife couverts
d'or, •foutes ces richeffes „ fourniflènt à ces Caloyers ( du Mont Athos )
„ le moyen d'aller en Proceffion avec toute la magnificence polfible les
„ grandes fêtes de l'année. Et même la Proceffion qu'3s font tous les jours
„ pendant le lervice eft accompagnée de tant de pompe & de tant d'éclat,
„ que frappant le peuple d'une veneration & d'une devotion extraordinai-
„ res. . . . perfonne ne fe retire fins donner des marques de fon zélé par
„ (es préfens. . . fans cela, on ne croiroit pas avoir eu la part de la bene-
„ diâion ". Voilà pour ce qui regarde le caraflcre de ces Religieux, & voici
les fuites de celui d'une partie des dévots qui leur portent des préfens. „ Les
„ Grecs, dit le même Ricaut, font pour l'ordinaire avares ou pauvres. Et
„ cependant, foit vanité dans les uns, ou devotion dans les autres, ils s'efti-
„ ment obligés de donner l'aumône pour la Ciinte Montagne. Il s'en trouve
„ même, qui ayant pillé le peuple, & vécu de rapine & de violence, croyent
„ appaifer la colere de Dieu, & obtenir la remiffion de leurs péchés, en fa-
„ crifîant à cette Montagne une partie de leur butin". Il ne fiut pas aller chercher
en Levant cette forte de dévotion : nous la trouvons en Europe, Se dans
toutes les Communions. Elle a cela de commode qu'on entre en compofiiion
avec
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avec Dieu à qui tous les biens appartiennent, & que pour l'amour de lui on
en cede une parue aux pauvres qu'il appelle fes membres: après quoi l'on
jouit du refte eu toute (urete de confcience.
„ («) Le nombre des Caloyers de la Montagne peut aller à fix mille, en y
„ comprenant les Prêtres, les Diacres, & les Freresdais. De ces (ix mille il
„ y en a ordinairement deux mille hors du Couvent, que l'on envoye à' la
„ quête". Ricaut nous dit enfuite, que les Couvens de cette montage font
au nombre de vingt, qu'i l'exception de trois que la pauvreté affranchit des
taxes, les autres payent au Grand-Seigneur un tribut de mille écus par mois
mais qu'ils font taxés inégalement, les uns à plus & les autres à moins, felon
leurs moyens ; que ces Couvens font exempts de la jurifdiûion (b) du Patriarche,
& qu'ils ne lui rendent aucune marque de reconnoifTance ; que toute fon
autonte confifte a établir fur eux deux Archevêques, dont l'un fe tient à (c)
Cams, & l'autre à Sidero-cafti, tous deux relevant du Métropolitain de Theffalonique.
„ Ces Prélats, continue i l , ne fe mêlent de quoique ce foit, que de li-
„ re la Liturgie & de donner les Ordres. Chaque Ordinatfon leur vaut un
„ fequin. . . . tout le gouvernement eft entre les mains des Supérieurs ou des
„ Prieurs. . . . De plus entre ces vingt Couvens, il y en a neuf oli le Pa-
„ marche n'a pas même le pouvoir de mettre un Evêque pour y conferer les
„ Ordres, parce qu'ils fe font rachetés de cette marque de foumiffioa
„ Dans les autres Couvens (de la Grece) le Patriarche a le droit, non féule-
„ ment de conferer les Ordres aux Prêtres, mais auffi de nommer des Supe-
„ rieurs, & de donner les Prieures à qui lui Élit le plus de préfens. . Les
„ Couvens du Mont Athos, & celui de Mum-a-Mola fur le Bofphore, ont le
„ Bojiafigt Bachi pour protedeur. Il nomme tous les ans un Aga, pour aller
„ recueillir le tribut annuel de douze mille ecus, dont dix (d) bourfa lui font
„ affedees . . outre cela chaque Monaftere lui donne une brebis tous les
„ mois, fins compter les préfens d'agneauï, de chevmux &c. qu'on lui fait
„ a Pâques. L'Aga refide i Cards, & y ell fervi par trois ou quatre Domefti-
„ ques de fon fexe. . . . Tous ces Couvens y ont une Maifon ou Halle
„ commune, dans laquelle ils tiennent leur Synode, . . . où fe reglent les
„ intérêts des Couvens. Ce Synode eft appelle \AffimlUe des Anckls.
„ chaque Couvent fe cottife ou eft taxé à proportion de fes revenus, pour en-
„ tretenir les bâtimens publics & les perfonnes qui y demeurent, & pour
„ fournir aux fraixdes chandelles, de l'huile, & des lampes, comme auffi i la
„ fubfiftance de ceux qui hfent la Liturgie toutes les femaines, c'eft-.à-dire tous les
„ jours de marché. Ils ont fous l'Aga duquel ils dependent une fi .rrande li-
„ berté, foit .i l'égard des afEiires qui rcg.irdent la Religion, on des feculieres,
„ qu'il n'y a point de Turc qui ofe mettre le pied fur la Montagne fansfaper-
„ miffion". ^
L'occupation des Caloyers ordinaires eft de trav.iiller à des Ouvrages mechaniques.
Ils font jardiniers, vignerons, tailleurs, tifl'erans, bonnetiers &c
le tout au profit de la communauté. Celles des Religieux Grecs, nous dit lé
mê-
Ci) Ricaift iibi fup.
(S) Notes cependant,que Mr. de h Haye, dm! fon Voyjge de Conttantlnople , dit poCtivement
que te Mt>,nes du Mont-Athos recounoiffint le Pitri.rclie <Je Coufeminople. Il ne lilloi, pa, dire cef
l ' "?'""/ r™," "'-f' P'i" 'l'»'"" »ytnt changé depuis cet AmbalTadcur.
M Ville fituee fur le milieu de la Montagne. Voyés en la defcriptlon dans Rium ubi fun II „••(>
tas permis aux femmes de fe trouver aux marchés qui fe tiennent diiii cette Ville. C'eft là Le les Caioyc"
vendent les ouvrages auxquels ils s'occupent. ^
(i/J Chaque bourfe cil de 500 ecus.
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