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i M i 44 D I S S E R T A T I O N SUR LA
„ 0recs latiniÉs. Il fuffic que je Eiffe voir , que Gabriel de Philadelphie,
„ n'dl point le premier auteur du mot litrmlum;^ puis qu'on le trouve dans
„ des livres Grecs compofés plus de cent ans avant lui. Au moins ne pout-
„ ra-t-on pas dire j que Gabriel j qui s'en efl: ièrvi, ait été corrompu par les
„ Latins, comme l'affûre Mr Smith, fans en apporter aucune preuve. Cela
„ eft fi éloigné de la vérité, qu'on trouve un Ouvrage de Gabriel de Phila-
, , delphie contre le Concile de Florence , s'étant déclaré ouvertement pour
j , le parti de Marc d'Ephefe, contre ceux dé fon Eglilè qui avoient adhéré à ce
„ Concile ; outre qu'il étoit lié d'amitié & d'intérêt avec un certain W
„ Meletius , grand ennemi de l'Eglilë Romaine. J'avouë qu'il a étudié à
„ Padoue, où il avoit appris la l'héologie Scholaftique , dont il employe
„ les termes dans fes livres. Mais Cyrille Liicàr, qui a écrit une Cbnfeffion
„ de Foi en faveur des Calviniftes, & qui eft prelque tirée mot pour mot
„ des Ouvrages de Calvin, avoit auffi étudié à Padoue, & étoit encore plus
„ favant dans la Théologie, que Gabriel, qui ne s'eft fervi des termes des
„ Théologiens Latins, que parce qu'il a crû qu'ils expliquoient là créance a-
„ vec plus de netteté , &: non pas pour autorifèr une nouveauté. Cette
„ affeilation de parler le langage des Scholaftiques, laquelle paroît dans tous
„ les Ecrits de Gabriel, ne regarde que les expreflions & la methode , &:
„ non pas le fond des chofes ; & ainfi il ne peut être blâmable , que d'a-
„ voir introduit de nouveaux termes datis fon Eglife : & bien loin de con-
„ clurre avec Mr. Smith, qu'il y ait en même tems apporté des nouveau-
„ tés, on en doit inférer au contraire, que le mot fttTa&Àii des Grecs , qui
„ fignifie feulement un changement, & qu'on trouve dans les anciens Au-
5, teurs, n'eft autre chofe que le terme Trmfiihflantiatw, inventé par les La-
], tins; puis qu'un Grec favant dans les cxprefTions des Grecs & des Latins,
„ & d'ailleurs ennemi déclaré des Latins , fe fert indiffétemment des mots
, , /imÊo^i &c f u T a m i t , qui eft le même que trunfuhflamidtio , pour expri-
J, met le changement des Symboles au Corps & au Sang de Jefus Chrift.
„ Mais Jeremie Patriarche de Conftantinople, qui a confâcré Eveque Gaj,
briel de Philadelphie, Se qui a feit de favantes reponfes aux Théologiens
„ de Wittemberg fur cette matiere, ne s'eft, dit-ort, Jamais fervi de ce mot
„ ^ïTscrffflffiî. Il eft vrai que ce Patriarche fè fert du mot fisraSoxii, parce qu'il
„ eft Grec, & que /itTs<7iW ne l'eft pas. Il n'a pas voulu mettre en ufa-
„ ge un mot (h) barbare & inconnu aux Anciens. Cependant il fait afTez
„ connoître , que par le terme fiirxQ>\ii, il entend la même chofe que
J, fisTsriW, ou Iranfuhjlantiatio des Latins. Les Théologiens de 'W^ittemberg,
„ qui ont fait imprimer fes reponlès , & qui n'ont pas moins d'averfîon
„ pour la Tranfubftantiation, que les Proteftans d'Angleterre & de France,
„ étoient fi fortement perfuadez, que le Patriarche vouloit marquer la Tran-
„ fubftantiation de l'Eglife Romaine par le mot ^teTtteâAAeTcu , qu'ils ont a-
„ joûté
JournAlijles tU HdUtids ripondit à cet Extrait far ttn petit Supplément. Pour revenir à Gennadius, Mr."
Simon s'eft attaché à prouver que ce Patriarche s'appelloit auparavant Oeerge Scholatiui.
( a ) Meletitii SpgHtt Protoryncelle & D o r e u r de l'Eglife de Conflantinople. Il a refuté Cyrille
par les arguntens dont le Cardinal Belbrmi» l'ejl fervi centre les Reformés, nous dit-on dans la Bibhothe'-
tjne Vniverfellet p. i j a . du Tome V. ou plutôt le P. Simon. Comme il eft bon de connoître le pour
& le contre , on peut voir ce que les Journaliftcs répondent ii cette remarque du P. Simon , & J
quelques autres chofes qui concernent ce Meletius,
ib) Ou remarque dans l'Extrait ubi fup. que le P. Simon a fait une addition & une correftion i
ce partage.
R E L I G I O N DES GRECS. 45
joûtc à la marge vis-à-vis de ce mot, celui de fitrB&laiFii^ comme figni-
'liant la même â o f e dans la penfce de Jeremie; & à la marge de la Vcrlioii
Latine ils ont mis vis-à-vis de muîan, le terme îranfuhjîantiatio. Ces mcmes
Théologiens dans leur reponfe au Patriarche montrent évidemment, qu'ils
rcconnoiflent pour (ynonymes dans la queilion qui ctoit entre lui & eux,
les mots jttiTaÇctAXîcC;^, être changé, & f^erstriScC^, itre îranfuhfiantié. Jeremie
leur avoit efcrit, que {a) felon la créance de l'Eglilë Catholique ^ le pain
àc le vin après la confécration,étoient changés par le St. E(prit au corps Se
au fang de Jefus Chrift. A quoi ceux deWirtemberg répondirent, (h) qu'ils
croyoient que le corps &c le Ging de Chriil étoient véritablement dans l'Eucharirtiej
mais qu'ils ne croj^oient pas pour cela, que le pain fût changé au
corps de Chrift. Ils ne fe fervent point dans leur réponfe d'autres termes
pour exprimer la Tranfubftantiation des Latins, que du verbe Grec ft^Tadont
le Patriarche s'écoit fervi. Enfin, jeremie après avoir lu là
réplique des Théologiens de Wiccembcrg, leur fait encore cette réponlè,
que (c) le pain devient le corps de Chrift, & le vin ôc l'eau fon fang, par
le moyen du St. Efprit qui les change ; & que (d) ce changement eft au
deflus de la raifôn humaine. D'où il eft facile de juger, que ces mots
TaWïitri?, jueraêoAïi, fxiTa.<t'oi^iiaiTi5, & autres femblables, dont les Grecs (è fervent
ordinairement pour marquer le changement des fymboles, fignifient la
même chofe que le mot barbare ^eTBtriWu, qui a été formé fur celui de
tranfuhflantiatio par les derniers Grecs qui ont lii les Ouvrages des Latins, èc
qui ont étudié dans leurs Ecoles. Les nouveaux Grecs n'ont adopté ce m o t,
que parce qu'ils ont jugé qu'il exprimoic très-bien ce changement du pain
&c du vin au corps au fang de Jefus Chrift, & qu'il convenoit entièrement
avec leur créance. Et ce qui mérite le plus d'être remarqué dans
cette affaire, c'eft que Gabriel de Philadelphie n'en employe prefque point
d'autre que celui là, dans une Apologie qu'il efcrit exprès pour ceux de fa
Nation contre quelques Théologiens de l'Eglife Romaine, qui les accufoienc
injuftement d'idolâtrie.
„ On oppofe de plus que depuis Gabriel de Philadelphie, le mot ^iTBcmais
ne fe trouve gueres dans les livres des autres Ecrivains Grecs, & non pas
même dans les deux Synodes de Conftantinople tenus contre Cyrille Lucar.
Mais cette objection paroît encore moins fondée que les précédentes. On a
, imprimé à Veni(è en i 3 y. fous le nom d'un Pretre & Moine Grec, nom-
, mé Gregoire, un petit Abrégé de la Théologie des Grecs, en forme de
, Catechilme, où fè trouve non feulement le mot i^vrwlami^ mais où même la
, maniéré dont la Tranfubftantiation fe fait eft déclarée fort au long. L'Auteur
, rapportant la différence qu'il y a entre l'Euchariftie ôc les autres Sacremens,
, dit que les autres Sacremens ne contiennent que la grace, au lieu que l'Eu-
, chariftie renferme Jefus Chrift préfent-, &c que c'eft pour cela qu'on appelle
le
{a) UEglift Catholique croît ijutipris la confécrnthi
via dans le propre Jang, par le St. Efprit.
(h) Le corps ^ te ping du Seigneur font véritablement dans la cene du Seigneur, mais nous n
pas eependant ^hc le pain foit changé au corps de Chrift.
« te pain efi changt dam le propre corps de Chrift & le
'e prtfujnoni
(c) Le pain devient le corps de Chrift, le vin & l'eau fon fang, par l'intervention du S. Efpth qui
fait ces chofes d'une maniéré <jui eft au dejfus de U Raifon & de l'intelligence.
(d) Teremic s'exprime tout aufli fortement en d'autres endroits, & plus fortement encore j en fe fervant
de la plus haute hyperbole rk l'égard de ce miilere incompréhenfible. Pdur enlever le te'moignage
de ce Grec aux Catholiques, l'Auteur de l'extrait cité ci>-deflus, nous àix^que Calvin & 'Be'.e ont parli
0j)eit près de même de l'Euchariftie, fans croire la Tranfubftantiation.
Tome III. Psrt. L M