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256 III. D I S S E R T A T I O N SUR LA
„ fuivrc tout bas l'Imam , & l'imiter en tout ce qu'il &it. Je fcrois trop
„ long, fl je voulois rapporter par le détail toutes les poftures qu'ils font
j, dans leurs ptieres, particulièrement quand ils le profternent qu'ils tou-
„ chent la terre de leur nez & de leur front : cela s'entend beaucoup mieux
j , en les voyant fiiire eux-mêmes leurs prieres.
j. Leur modeftie dans leurs prieres eil d'autant plus grande , qu'ils font o-
,, bligés d'oblèrver une infinité de choies, s'ils veulent être exaucés ; car leurs
„ prieres font elHmées nulles, s'ils parlent on s'ils rient en priant, de forte
„ qu'on les puiflè entendre : de même s'ils pleurent tout haut, à caufe de
„ quelque malheur qui leur foit arrivé , ou pour d'autres raifons , à moins
„ que ce ne foit à caufe qu'on 6it mention du Paradis ou de l'Enter ; cax a-
, , lors la priere ne laiflè pas d'être bonne, il y a encore un grand nombre
„ d'autres cas qui rendent leurs prieres nulles, comme de Ce grater trois fois
3, en quelque endroit, de palier devant l'Imam pendant un profternement,
„ de marcher l'efpace de deux rangs, de détourner ion vilàge de la Kiblé, de
„ commencer la priere quand on entend commencer un autre que fon [mam,
„ de faire quelque faute dans la ledlure, de laluer quelqu'un volontairement;
„ car quand le dernier arrive par mégarde , l'on eft abfous de cette faute,
5, en faifant un profternement, qui eil la pénitence ordinaire en ce cas-
„ là.
„ Il leur eft de plus défendu de prier Dieu avec un habit, dont on le (êrt
„ ordinairement dans la maifon pour le travail , Se avec lequel on ne ren-
„ droit pas vifite aux perlonnes de qualité. Ils ne peuvent au(E prier Dieu
„ devant le feu: ce qui n'empêche pourtant pas, qu'ils ne puiffent faire leurs
„ ptieres à la chandelle ou à la lampe. Mais nous n'aurions jamais f a i t , li
„ nous voulions rapporter exaftement tout ce qui leur cft défendu de faire
3, pendant la priere. Diiôns maintenant quelque chofè de leurs ablutions. Il
„ eft d'obligation divine parmi les Mahometans , de fe laver la bouche, le
„ viCige, & enfuite tout le corps: & la Tradition de Mahomet porte, qu'on
, , fera cette ablunon avec intention de la faire ; que pour bien nettoyer le
„ corps, on verfera delTus par trois fois de l'eau, en commençant de l'épaule
„ droite à la gauche, puis fur la tête, & enfin fur toutes les autres parties du
„ corps. Si on lâche quelque vent pendant l'Abdeft ou ablution, ce qu'on
, , a fait ne fert de rien-, car l'ablution eft alors nulle.
„ Ils mettent entre les commandemens de Dieu, de Ce laver une fois le vi-
„ fage & les bras jufqu'aux coudes, de fe mouiller la quatrième partie de la
„ tête, & les pieds une fois : & la Tradition de Mahomet a ordonné de fe
„ laver les mains par trois fois, de fe nettoyer les dents avec un certain bois,
„ de fe laver après cela la bouche par trois fois , & le nez autant de fois,
„ fans difcontinuer, quand on a une fois commencé ; puis de Ce mouiller les
„ oreilles du refte de l'eau dont on s'eft fervi pour fe laver la tête. Il faut
„ toujours commencer à fe laver par la droite : & quand on fe lave les mains
„ & les pieds, on eft d'obligation de commencer par les doigts. Il y a anffi
„ plufieurs chofes qui rendent nulles ces ablutious : mais nous ne nous fom-
„ mes que trop arrêtés fur ces ceremonies.
„ Ce que j'ai produit jufqu'ici de la Religion des Mahometans , eft extrait
„ d'une Théologie Mahometane écrite par un de leurs Dodeurs , qui vivoic
„ dans le dernier fiecle. Ce Doreur faifoit profeffion de fuivre la Doûrine la
„ plus reçue à Conftantinople, & la plus approuvée des gens de bien : ce
„ qu'il eft à propos de remarquer ; parce que les Mahometans font partagés
R E L I G I O N DES GRECS. 257
„ entre eux en un grand nombre de Seftes, fans parler des Perfans, qui difR-
„ rent beaucoup des Turcs. Et afin qu'on ait quelque intelligence de ces
„ SecSes, je rapporterai ce que ce Théologien Mahometan en a dit alfez ju^
„ dicieulêment, & qui mérité d'être remarqué.
„ Il afSrme que les chofès qui regardent leur Religion font, à la vérité, écrites
dans les Livres facrés-, mais qu'il y en a une partie qui eft obfcure &
„ difficile à entendre, ôc qu'il n'y a que les Savans qui les puilTent penetrer:
„ ce que Dieu a fait, afin que les Savans s'occupaflênt dans la leûure de ces
„ Livres, & qu'ils enfeignaflènt Ca volonté aux autres. Comme ces Livres
font oblcurs, il arrive que les Interprétés fe trompent fôuvent j mais leurs
„ erreurs ne font point des péchés, & Dieu même veut que ceux qui ne fè
^ font pas appliques à l'étude fuivent le fèntiment des Doifteurs, fins exa-
„ miner trop fcrupuleufement, s'ils difent vrai, ou non, parce que c'eft i
„ eux à fè ioumettre; &: s'ils font trompés, ils ne pèchent pas pour cela.
, , Ceux qui fuccederent à Mahomet, quoi qu'ils ayent écrit beaucoup
„ de choies pour l'établiffemenE &c l'explication de la L o i , ii'ont pû néan-
„ moins tout écrire ; outre qu'il n'y en avoit pas grande néceffité en ces tems-
„ là, où il n'y avoit pas tant de nouveautés & tant de cas de confcience qu'il
„ en eft arrivé depuis. Mais après que le nombre des Fideles s'eft augmen-
„ té, l'on a commencé à être partagé en fèntimens , & il a été néceffairè
, , qu'il y eût des perlonnes qui s'appliqu.ilïènt à l'étude de la L o i , pour redi-
„ ger par écrit les préceptes qu'ils tiroient des. Livres divins. Et c'eft ce qui
„ donna occalion aux différentes Se£les de Doèleurs : car chacun expliquoit
„ la Loi felon la-^eapadtc de fon efprit, & donnoit au peuple les interprétations.
De lôrte que le peuple prit parti en peu de tems : les uns fùivoienc
„ Abuhaiiifé, les autres ChafiUè; d'autres Maliké, d'autres Ahmed , d'autres
„ Dudzabimé, en un mot, le nombre de ces Doèteurs fut très-grand, & cej
, la a toujours continué jufqu'à prélènt.
„ A u refte, ces Sefles ont toutes la même créance en ce qui regarde l'ef^
5, fennel de la Foi, mais elles different beaucoup entre elles pour la Morale Se
„ les Ceremonies : laquelle diverlîté eft fans doute arrivée, difent - ils , par la
„ permiffion divine ; & il n'y a point de danger pour ceux qui les fuivent,
„ car il n'y a point de Sentes où l'on ne pnilfe le lâuver. Cependant il fiuc
„ préferer la Sefte d'Abuhanifé à toutes tes autres, parce qu'étant le plus an-
„ cien Se le plus éclairé, il a mieux expliqué les difficultés : & on le doit fui-
, , vre principalement quant à la Morale. C'eft pourquoi il y a plus de mérite
„ à fuivre fes fentimens, que ceux des antres Doéleurs qui font venus après lui :
5, & c'eft en ce fens qu'on doit entendre ces paroles : Je fuis de la SeSe d'Ahuha-
„ mfcftMt^ ce pi regarde les a3i(ms, le culte de Dieu les ceremmies. Je reçois
y, tout ce qùil a tiré des Livres divins ^ des Traditions. J'ai choift fes fentimens
„ pour regler mes avions. Voilà en peu de mots la penlee de notre Do6teur M.aj,
hometan toucliant les Se6les qui font en grand nombre dans là Religion, Se
3y qui ne caulênt point de Schifme ni de divifion qui puilTe apporter préjudice
3, à rEt.it : car les articles fondamentaux du Mahometifrnc conlîftent feulement
„ à fiire profelfion qu'il n'y a qu'un Dieu, & que Mahomet eft fon Envoyé,
„ i 6ire exaiftement la priere & l'aumône, à faire le pelerinage de la Méque,
„ & à obferver le jeiine de Ramaz.in. Ces cinq articles principaux en con-
„ tiennent plufieurs autres moins importans : car celui de la priere doit tou-
„ jours être accompagné de tout ce qui peut rendre la priere pure comme font
Torm III. Part. I. Ttc „ le?
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