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encore ne fut elle qu'exterieurc. A peine même s etendoic elle au delà du Cierge
Latin à cjuelques Grecs ciui renonçoienc au Schifme par des vues pardculieres,
ou prefles par la mifere de leur condition. Car ceux cjui étoient le plus obftinés
dans le Schifine portoient (a) l'horreur cju'ils avoient des Latins à rebaptifer
ceux qui en avoient reçu la baptême, & tenoienr pour prophane un autel iûr
quoi un Latin avoit dit la Meffe. Quoiqu'il en foit les véritables Grecs s'établirent
un Patriarche à Nicée de Natolie où Theodore Lafcaris s'établit aullî Empereur.
Il eft bien vrai qtie ces Grecs témoignèrent quelque envie de fêreiinir,
& même Germain leur Patriarche écrivit à ce fujet une lettre au Pape & aux Cardinaux
en l'année 1 1 5 z. mais il y a beaucoup d'aparence que ces nouvelles demarches
furent l'eifctdela crainte qu'on avoit des Latins qui tenoient encore Conllantinople
8c menaçoient les Grecs de Nicée, Cependant l'Empereur Latin Jean
de Brienne, qui regnoit alors en même tems que Vatace regnoit à Nicée, étoit
fort peu en état de faire 4 u mal aux Grecs, qui de leur côté ne cherchoient
qu'à gagner du tems & à ruiner par des détours, & des délais le peu
de forces qui reftoienc encore aux Latins. Les conferences des Ecclefiaftiques ne furent
d'aucun {ùccès, parce que les Députés du Pape ne voulurent rien relâcher,
ni les Grecs rien rabattre de leurs opinions, & le refultat d'un Concile tenu à
Nymphée pour traiter de la reiinion ftit de (è féparer plus ennemis que jamais,
& de fe regarder mutuellement en Hérétiques excommuniés. Vatace fit (emblant
d'être affligé de la condnuation du Schifme, mais dans le fond les Laïques furent
bien ailes de la rupture d'une négociation dont le fuccès les auroit rendus efclaves
ic l'Eglife Romahii. C'eft ainfl qu'ils regardoient tousles Chrétiens d'Occident.
La reiinion tentée encore en 12.49. par Jean {h} de Parme General de
l'Ordre des Mineurs, que le Pape Innocent W . envoya comme fon Légat en Grece,
fur quelques efperances qu'avoir conçues un autre Frere Mineur nommé Laurent
, (embloit devoir être fuivie d'un heureux fuccès, puilque l'Empereur Vatace
& le Patriarche Manuel Caritopule envoyèrent des Députés au Pape : mais
les Députés ne purent arriver auprès d'Innocent. La mort de ce Pape, fuivie
quelques mois après de celle de l'Empereur Vatace acheverent de détruire toutes
les melûres prilçs pour la reiinion. En vain le Pape Alexandre I V . travailla pour
renouer avec Theodore Lafcaris la négociation commencée avec Vatace : elle
ne reuffit pas mieux que tant d'autres qui l'avoient précédée. Il paroit par les
demandes des Grecs, que cette négociation ctoit aulîî un effet de la politique.
Ces demandes tendoient uniq^uement à recouvrer l'Empire de Conftantinople.
Une reiinion fondée fur de tels motifs auroit eu (ans doute le fondes converfions
interelfées, où la Religion eft toujours le jouet de l'avarice ou de l'ambition.
Le dernier Empereur Latin de Conftaminople fut Baudouin II. les Latins perdirent
cette Ville après l'avoir poflèdée cinquante-fept ans. Ce fut en i z c î i.
que (c) Michel Paléologue la furprit dénuée d'hommes, d'argent &; de vivres.
On peut croire que le Pape fit des efforts pour recouvrer cet Empire, Se il ne tint
point à lui que les Latins ne le croifàfïènt contre les Grecs : la Croizade fur prechée
en France par les Frétés Mineurs fideles amis du Roi St. Louis. Cependant
Michel Paléologue prévoyant qu'il alloit s'attirer la guerre de la part des
Latins, & craignant d'autre côté les fuites de l'excommunication qu'Arfcne venoit
(a) Niellas dans fon Hiftoire les traitée de préciirfeurs ilt l'Attechrifl. Cet Auteur étoit témoin oculaire
de leurs defordres & nous en a conferve' la Relation.
( i ) Cru Auteur de \Bvmgilt Eternel, & dépofédu Generalat en i i j f i .
(c) Il gouvernoit alois pour Jean Lafcaris, mais il fit aveugler ce jeune Prince afin de régner en fa
place. L e Patriarche Arfene l'excommunia pour ce crime.
R E L I G I O N DES GRECS. 15
noit de lanecr contre lui prit le parti d ccrire au Pape (a) & de liii demander là
paix de (on amitié, comme un moyen, difoir il, de parvenir cn(uite plus ciiicacement
à la reunion fi defirée. Le Pape lui envoya des Nonces avec line lettre
qui élevoit extrêmement la puiHànce du St. Siege, l'utilité de (à médiation
dans les diiFerens des Princes, proteifïion envers les fbibles & les oprimés,
& far toutes chofcs cette autorité formidable par laquelle le Pape faifoic tom-i
ber alors les armes des mains des Princes qui pretendoient devoir foutenir leurs
droits par la force: car cell: ainfi qu'il faut entendre la connoiflance que la
Cour de Rome de ce tems làprenoitdes affaires temporelles des Princes, connoidîuice
qui ne manquoit pas d'etre fuivie d'anathenies & d'excommunications
contre ceux qui refufoient de fe foumetcre à fes décifîons. Je ne fai fi l'obrtination
avec laquelle Arfêne refufi d'abioudre Michel di(jx)ia le Prince en faveur
du Pape, ou fi cette difpofition fiic feulement l'effet de la crainte que lui
infpiroicnt les préparatifs des Latins pour recouvrer l'Empire de Conftantinople.
Quoiqu'il en foit la reunion paroiffoit fe négocier ferieufement entre l'Empereur
& le Pape (h) qui la lui reprelentoit comme un moyen facile de fè délivrer de
toute crainte. Le Pape lui mfinuoit en même tems, qu'il ne devoir point rejetter
fur (on Clergé le refus de l'obeiflànce qui lui étoit due, car, dit-il, i>oux
wvés fur eux plus de pouvoir qu'il nejî con'vevahîe. Michel (c) continua de flater
le Pape, lui promit {d] de redoubler iës efforts pour faire çeffer le Schifme, &
cependant employa beaucoup d'argent à (f) corrompre les Cardinaux : mais le
Clergé Grec répondoit mal aux intentions (ƒ) de Michel, & fè flattoit que le
projet de cet Empereur auroit le fort des précedens j qu'ainfi leur Eglife ne tomberoit
pas fous la dépendance des Latins. Malgré cela le projet ne laifla pas
d'être pouffé affcs vivement: le Patriarche Jofeph,(g) bon nomme, fimple &
(anslettres, fclon les termes de Maimbourg, le traverlâ ouvertement.
Comme l'Empereur paroiffoit vouloir fînceremenc la reunion, il fit auffi
tout ce qu'il pût pour gagner le confentement du Clergé. Il n'y eut aucune
fubtilité que ce Prince ne mit en oeuvre. D'abord il fit une convention avec le
Patriarche, par laquelle celui-ci cedoit abfolument fon fiege au cas que la négociation
reullit, mais on devoit le lui rendre fî elle (ê terminoic fans fruit.
En attendant la deciiion cette grande aflaire, qui fut portée au Concile de
Lion convoqué au mois de Mai de l'année 1 1 7 4 . ^ Patriarche devoit quitter fon
palais & fè retirer dans un Monaftere. Après cela Michel effaya de gagner le ref^
te du Clergé par la douceur 6c par des raifons Ipecieufes. Enfuite il paffa aux
menaces &: même aux voyes de fait contre ceux (è) qui voulurent lui refifter.
Le Schifme fut abjuré au nom de l'Empereur Michel, & la reuiiiori fè fie en
plein Concile d'un maniéré fi autentique & fi conforme aux idées de la Cour
Romaine, qu'il ne fcmbloit pas qu'on dût Ibuhaiter rien davantage. On verra
ue tout le mauvais levain relloit encore. En le réunifiant fi abfolument, Milel
demanda que le fymbole continuât de fe dire comme avant le Schifme: il
deman-
X
(a) Urbain I V.
(ù) Clement I V . en
(0 Ea izyz.
(d) Voyez Pacl-iymc
( f ) S'adrefTint à eux
chymere. Ibid,
E L. V . chap. 8.
pii'CC qu'ils font Itsgon
fur Icfquels tourne le Pape , qui eft comme la porte. Pa-
. . . - . . . . i p r o j e t , fperant que comme auparavint,
' ( f ) V o v . Pacliymerc, qui dit que le Clergé !>'oppofa foiblement
il fiirviendvoit des obdacles i la reunion.
M Pacliymere, qui vaut bien Mnimbourg, park plus avantageurement de Jofeph,
( l ) V o y . le detail dcs violences de Micliel dins Pachymere L. V.
D i