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206 III. D I S S E R T A T I O N SUR LA
& un Autel portatif! Alvarez le nom me la pierre facréc. Cet Autel eft dans
un coffre que quatre hommes portent fur les épaules pendant le voyage. Huit
Prêtres deftincs à cette fonction Te relevent les uns les autres. Deux Clercs
marchent devant cet Autel portatif, l'un portant la Croix & l'Encenfoir, l'autre
une Clochette, au fbn de laquelle tous ceux qui font dans le chemin s'arrêtent,
& ceux qui font à cheval mettent pied à terre par refped. Tant d'attention
jointe à une pureté fi grande & fi recommandée, le refped extraordinaire
du Prctre & du peuple, perfuadcnt tout au moins aux Catholiques, que
les Abyffins croyent la Préfence réelle : tandis que les Proteftans convertiflent
hardiment cette Mefle des Abyffins enfimpleC^f, ni plus ni moins que toutes les
autres de l'Orient, & le défient de tous les rapports des Miffionnaires,
quelque raifbn qu'on puiflè leur allcguer, pour autorifer ces récits. Je vais
cxpolêr tout fimplemenc au lecteur les Ceremonies qui concernent l'Euchariftie
: peut être qu'après un fimple détail, il jugera mieux de ce qu'il doit
croire (ur cet article.
D'abord on nous afllire {a) qu'autrefois les Abyffins ont affilié {ans fcrupule
à la Meffe des Latins, y ont {h) vu élever & adorer la fahte Bofiie, fans
dire qu'on en Eiifoit trop. Il ne paroit pas qu'après qu'on eut chalTé les
Latins d'Ethiopie le Souverain de cet Etat ait fait exiger une retraâiation
(ôlemncllc de la croyance des Latins fur l'Eucharillic, ni qu'on ait reproché
cette croyance à ceux-ci , comme on leur a reproché l'interruption de la
Circoncifion &c. Voici les ulâges. Le Corhan ne fe prépare ni avec moins
de pureté, ni avec moins de decence, ni avec moins de devotion que chez
les Coptes. Il y atout près de l'Eglife un lieudeftiné a le préparer, & il n'eft
pas même permis aux femmes de toucher à la farine dont il eft fiit. Le Corhan,
ou pain deftinc au facrifice étant porté de la Sacriftie à l'Autel eft précédé
de croix, d'encenfoirs & de fonnettes. Pendant la Meflè il y a un rideau
tiré, qui ne permet pas au peuple de voir ce qui fe fàit à l'Autel. On communie
fous les deux Efpcces : mais avec cette reftridion, nous dit le Pere h
Brm^ ,, que chez les Ethiopiens, aufti bien que dans les autres Eglifês Orien-
,, taies. . . . le Celebrant donne feulement aux Prêtres le fàng à boire dans
„ le Calice, aux Diacres dans une petite cuilliere , & ne donne à tous les
,, Laïques que des particules trempées dans le fang, excepté le R o i , à qui
„ l'on donne les deux Efpèces". Faute de vin , on garde dans les {àcrifties
des grappes de raifin qu'on fait tremper dans l'eau pendant plufieurs jours.
On les laiiTe un peu fccher au Soleil, en fuite on en prend le fiic. Le raifin ne
doit jamais approcher du feu &c. & il n'eft permis de le conferver que dans
un vafè conficré au miniftere de l'Autel. Le Célébrant, après s'être communié
, communieceux qui l'adiftent à l'Autel, enfuite il communie les Laïques,en di-
(ânt ces paroles i (c) Voici le Corps Saint^ précieux, 'vivant ^ vrai de notre Sei-
^eur ^ de notre Sauveur fejus Chrijî &c. Ceciejî le pain de vie, t^ui ejî defcendu
(M) Le Brun Explic. des Liturg. ubi fupr.
On lit dans Brerewood^ que les Abyflîns ne font pas l'élévation du Sacrement, qu'Us le gardent
couvert & qu'ils n'en refervcnr rien après la Communion. Brertivood a tiré cela de quelques Rkutons
Portu^^ifes, dont les Auteurs condamnoient fans refiriftion prefque tous les ufages des Abyffins;. Maison
lesjuftifieenfoutenanr, „ qu'ils different des autres Orientaux en ceque ceux-ci élèvent le corps dans
„ la patene en difant, (ces paroles de la ConfelHon avant la Communion) SanB» SanShs , au lieu qiis
„ les Ethiopiens ne l'élevent de même dans la patene qu'en difant ces mots (de la même ConfelTion)
X/omine Jefit Sec. Voy. le P. le Brun.
(c) Tradudlion littérale des paroles de la Lituriit des Ethiopiens qui fe trouve dans les Liturgies du
p. le Brun.
R E L I G I O N DES GRECS. 207
du Ciel, c'ejl ici en •vérité le Corps itEmanuel mtre Dieu. Le Communiant répond
Amm. Après avoir communié , on évite en fe retirant de tourner le
dos à l'Autel. Si par malheur le Prêtre laifle tomber une parcelle du pain,
ou une goûte du vin <]ui font devenus après la confccration le Corps & le
S.ang de Jefus Chriil:, il ne lui eft permis de celebrer la Meffe, ni de communier
que quarante jours .après, [a) Il doit jeunet pendant tout cetems-là,ne
iti.anger rien de gras, fe relever la nuit pour fe profterner cinquante fois.
Avant que de pader à la defcription des .autres Sacremens, voici encore
quelques uLiges qui méritent d'être remarqués. Les Eglifes des Abyffins font
tournées de l'Occident à l'Orient, afin qu'en'priant on foit tourné vers l'Orient.
L'Autel eft ifolc dans le Sancftuaire fous une efpcce de dôme foutenu par
quatre colomnes. Les Ethiopiens donnent le nom A"Arche ,à cet Autel ; & il
a, difent-ils, la figure de l'Arche des luifi. Ils prétendent même que cette Arche
fubiîlle encore aujourd'hui dans l'Eglife d'Axama. Devant le Sanduaire il
y a deux rideaux avec des fonnettes au bas, en forte que perfonne ne peut entrer
ni fortir fins les fiiire fonner. Comme on fe tient debout pendant les
Offices il n'y a point de banc dans les Eglifes. Seulement on permet de s'appuyer
fur des potences, il y en a bon nombre hors des Eglifes. Au refte
on a remarque quelque chofe de pareil dans celles des Grecs. On entre
dans ces Eglilcs pieds nuds, & à caufe de cela nous dit un (h) Voyageur trcsmoderne,
le pavé eft couvert de tapis. On n'y entend ni parler, ni moucher,
& on n'y tourne point la tête. Les hommes font féparés des femmes. Celles
ci fe tiennent dans l'enceinte la plus éloignée du Sanduaire. Les lampes
brûlent en plein jour dans les Eglifes, &; l'on y allume fouvent une quantité
prodigieuiê de cierges.
Les Ethiopiens (ont fort exaûs a porter des offrandes à l'Eglife. Les pauvres,
comme les riches, s'acquittent de cet aétc religieux. On offre de l'encens,
des cierges, du blé, & ces offrandes fe font avant que de commencer la
Melfe. On dit .luffi de ces peuples, qu'ils font extrêmement charitables, Se
que cela contribue à entretenir dans l'Abyflmie un nombre infini de gueux &
de fiineans.
(c) Autrefois les Abyffins avoient une Confeffion p.irticuliere qu'ils appelloient
la Cmfeffim de ftacenfoir. Elle confiftoit à mettre de l'encens dans un
encenfoir. Dans cet encens on mêloit d'autres aromates, on mettoit enfuite
la bouche fur la fumée qui fortoit de l'encenfoir. Se dans cette pofture on repetoit
plufieurs fois ces mots fui péché, après quoi l'on fe croyoit abfous de Ces
fautes. On obfervoit encore une autre coutume , par laquelle on prctendoic
fiippléer ,à la pénitence. Le Prêtre,après avoir encenfé l'Autel, faifoit le tour
de l'Eglife & encenfoit le peuple, qui croyoit faire une véritable confeffion, en
criant pendant cet encenfement fai péché. Ces abus ont été abolis : mais cepend.
ant le peuple fe confeflè rarement, s'il 6ut croire les Auteurs dont l'Abbé
le Grand emprunte le témoignage. Peut être que ce que j'.ai dit ci-devant,
les Ahyjfmsne fe cmfeffint jamais fans communier. S" Us f e cmfeffent aujjt-tôt ft ils
mt mimis m péché, ne s'accorde pas tout à fait avec ce récit. A quoi Brere-
'wood
ta) Exirmtl de Liturgies dans liné Diferutio» de rMé le Grand ubi flip.
( i j La conduite de ce Voyageur nommé Poncée rend fa fidélité fort fufpeae:â caufe de cela je n'ai
pas jugé à propos de le citer en ce qui regarde l'Eucliariftie. C'eft ce que le P. le Brwt n'a pas obfervé.
Voy. fur ce Pmeet quelques lettres qui font i la fin de la Retarim du P. Lel^,
(e) Dijferl. de l'Abbé te Grand à la fuite du J^ojage d» P. Lat^o.
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