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¥ Ï82 III. D I S S E R T A T I O N SUR LA
cjui ont été en pelerinage à Meliapour au fepulchre de St. Thomas. Corn,
me je ne m'attache qu'à ce cjui a quelque rapport à la Religion ; je n'cn-
Hcprens pas la defcription de leur manicre de s'habiller: je remarquerai feulement,
qu'ils marchent toujours armés, mais qu'entrant dans leurs Eglifcs.ils
Jainent leurs armes à la porte, en forte que l'entrée de ces Eglifes paroit celle
d'un corps de g.irde. Un Gentil Indien qui frappe un Chrétien cil condamné
à la mort, & ne fe rachette qu'en offrant dans l'Eghfe du lieu où il a frappé
une main d'or ou d'argent. Prévenus que rien n'approche de la pureté de
leur nobleflè , ils portent leur ridicule vanité jufqu'à ne toucher jamais les
perfonnes d'une tribut inférieure, & même ils ont l'infolente précaution de
crier de loin à ceux qui fe trouvent dans leur chemin, de s'éloigner du paffage
&: de leur ceder le pas. Ils ont même le droit de tuer ceux qui
refofent de s'écarter. Tels font les privileges qu'un ancien (a) Monarque
du païs leur accorda & qu'une longue preïcription leur conferve , (h) quoi
qu'ils ayent perdu les lames de cuivre fur lefquelles ces privileges ctoient
graves en Malabare. Au refte, je dcfie qu'on puiflè accorder ces derniers
uûges avec l'efprit du Chrillianifme : mais ces Chrétiens de St. Thomas alfortilTent
bizarretnent, comme le refte du genre humain, leurs défauts avec une
aveugle prévention pour les Dogmes héréditaires : & de là on doit conclurre
que les hommes ont par tout le même entêtement pour la Religion
qui leur eft tranfinifc Se le même éloignement pour en pratiquer les devoirs.
C'eft ainfi encore, que malgré le faftueux appareil de la devotion des Portuguais
aux Indes , & le refpea qu'on leur connoit pour les Prêtres, les Eglifés &
les aucifîx, il liroit tout aulii difficile d'accorder les moeurs de ces redoutables
leftateurs de la R.eligion habituelle avec la pratique du véritable Cliriftianifrae.
On nous dit que ces Chrétiens avoient mêlé infenfiblcment dans leur Religion
des Dogmes & des nfages abfurdes & fuperllitieux. Avant que d'être
réunis à la croyance de Rome par les foins de Menexés , plufieurs d'entr'eux
avoient reçu le Dogme de la Transmigration des ames, d'antres celui d'un Deftin
aveugle Se inévitable. Queltjues-uns avoient reçu des Indiens Gentils cette
efpcce de Dcïfme, qui étabht que toutes fortes de Religions font agréables
a l'Etre fuprème, que ce font autant de ruiffeaux ^c) qui conduifent à cette
fource immenfe de félicité que l'on cherche en Dieu, & qu'en un mot il lui
eft agreable que chacun l'adore & travaille à fe fauver felon les principes de la
Religion dans laquelle il a été élevé. On trouve auffi qu'ils fe fervoient de
plufieurs livres fupcrftitieux des Indiens, tels que celui qui porte le nom de
Partsman, d'où ils tiroient diverfes pratiques fuperftitieufes, & où l'on trouve
des fecrets de Medecine, & divers moyens de chaffcr les demons du corps des
poftedcsj {d} \Ameau de Salomon qui enfeigne à choifir les jours propres à
fe marier , à fe mettre en voyage &c. le Haudh, qui contient des experiences
fondees fur la Magie &c. Ils avoient auffi reçu des Idolâtres l'ufaee
des Talismans & de certains billets fupeiftitieux qu'ils portoient pendus au
col.
W Ct'om Pirumal Empereur du Malabar dans le dixième Cccle.
(h) Voyez Hiß. du Ckriß. de: Indu Livre I.
w „pondit un Roi Indien ä
! Archeveque Menezes c|u. le f o l l j c r a t à fe faire Chrcrlen. Les Indiens fo„ perfiL-idé c,„e toutes te
R e l p o n s viennent de D.eu &c. Voyez Vaß. du Chrißim. d,. l„d., p. 5 , j . £ fuiv. 8:^(11 p V
c o u f e „ ° T L Ï , vouloir eonvertir. L'Arcl,ev6que finif le difbrafqutmem
le Ko. Indien au jugement univerfel.
R E L I G I O N DES GRECS. IG^
col. Toutes ces fuperftitions continuent chez les Chrétiens qui ne font pas
réunis à Rome.
Je viens à leurs ufageS religieux & à ceux qui s'y peuvent rappotter. On
a oblervé chez eux entre les ceremonies de Pâques un repas qui a quelque
conformité avec les Agapes des premiers Chrétiens. Ce repas, qui eft fort
mediocre & compofé ordinairement d'herbes, de fruits & de ris, fê fait dans
l'avant-cour que l'on trouve à l'entrée de l'Eglifè. Les Prêtres y ont une double
portion , mais celle de l'Evêque eft triple. A ces Agapes il faut joindre
la cetemonie que les Chrétiens de St. Thomas appellent le Cajuré. C'eft
comme un fymbole de charité fraternelle. On prend dans l'Eglife les mains
du plus ancien des C<î/iiK<îf« (ou Prêtres de ces Chrétiens) & en cet état on reçoit
fà benedidion.
Ces Chrétiens prennent comme nous à la porte de leurs Eglifês
nne eau qui tient la place de notre Eau benite. (a) Ils la prennent en
faifant le iigne de la Croix & difant une Oraifon à l'honneur de Neftorius.
Elle ne confille qu'en de l'eau commune où l'on mêle de la terre prife des endroits
où St. Thomas a paffé. Au défaut de cette terre on jette dans l'eail
quelques grains d'encens. J'ai dit qu'ils ont des croix 6c des repréfentations
de la croix dans leurs Eglifes. On noùs dit auftï que les Prêtres portent des
Crucifix en ptoceflîon & les font baifèr aux devots qui affiftent à la proceffion.
(i) Cette devotion a paffé jufqu'aux Gentils. Il y a des croix dans les rues,
même dans les grans chemins Se dans les lieux écartés. On les place fur un
picdeftal dans lequel on a fait un trou pour y tenir une lampe allumée, & l'on
affûte que les Gentils coritribuent fort fouvent à entretenir l'huile de ces lampes.
Je ne fài s'il faut admettre ici la reffemblance dont parle Mr. (c) la Crozi
du Liagam des Indiens avec la Croix. Si cette reffemljlance ctoit jufte, j'a-
Vouerois qu'elle pourroit tromper ces Idolâtres. Au refte il eft du relTort de ceux
qui connoiffent les figures des feft. Entreliens d'examiner fi le rapport de l'un i
l'autre eft,exa£t, & s'ils le trouveront tel auffi avec le Phallus Ass Egyptiens, qui
félon Mr. la Cme eft la Croix de Saint Antoine que l'on avoit toujours ptifê
pour (d) la lettre Tau.
L'ufàge des Cloches eft défendu à ceux qui vivent fous la domination des
Idolâtres, à caufe que félon ceux-ci le fon des cloches incommode leurs Idoles.
Cette idée ridicule n'a pas été inconnue aux anciens Payens : mais j'en
trouve chez nous une autre qui n'eft pas moins finguliere. C'eft que le fon
des cloches chaffè les Efprits malins.
Les Indiens Chrétiens ont la coutume de coucher par dévotion dans les Eglifes.
Se cela fe pratiquoit auCTi chez les Idolâtres de l'Antiquité. Je m'étonne
que cette devotion ne foit pas encore parvenue jufqu'à nos devots. La
maniéré de prier de ces Indiens eft de fe profterner le vifàge contre terre.
Je crois pouvoir mettre ici la defcription de leurs danfes, puis qu'on doit
les regarder au moins comme un dmi-aUe de Religion,moins bizarre pourtant, &
moins
(a) Citation dans le P. le Brm ubi fup.
ib) Le P. le Brun citation dam fon livre des ÎJtifrgîtt,
(0 H>fi. da Chrijl. dn Iiidei. p. 451.
(d) Le cliez les Egyptiens ctoit un hiéroglyphe qui defignoit la vie à venir. Les Indiens defigni
pre^
ta même chofe par le £ii«ff<iii>. ^.-ou plutôt ilsdefignentrimmenfe fécondité de la Natur e ,& l'éternité du p
micr moteur qu'ils conlonilent avec la Matiere.
Pour créer la Matiere, Dieu, diibnt-ils, prit la forle
me de la Mancre. C'eft ainfl tju'il contient en lui les principes de tous les Etres. Il cil j.
germe de
toutes cliofes. Il pofTede les faculte's des deux Sexes, qu'il a jugé à propos de féparer dans la création
des Etres animes. Voy. toucliant ce Ungum. le Tom. I. des Ctremn. la/l.
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