
560 D I S S E R T A T I O N S SUR LA
„ 1er relient alTis ( j L i f c j u ' à ce que les autres aycnc communie ; s'il ne le dit pas ,
„ je le ftipofe,)" Le Canticjue étant achevé, le Miniftre dkp'ims-. il chante
en même tems l'Oraifon Dominicale, & lorfijue l'aircmbice a dit Amen, il
chante les paroles de l'inllitution de la Cene. En quelques endroits toute l'at
fcmblce chante à haute voix avec le Minillre la priere &L l'inllitution ; ce qui
eft un véritable abus, puifque la voix de l'afTemblce ctoufFe d'ordinaire celle
du Palleur officiant. Un autre ufage, mais qui n'eft pas abfolumenr elTenticI,
c'ell de 6ire un figne de Croix fur l'Hollie, en prononçant ces paroles, ceci eß
Km corps & un autre fur le calice, en dilànt ceci &c. Ce font après tout desßgnes
commenioratifs de la Croix lie ]. C. qui n'ôtent, ni n'ajoutent rien : mais cependant
, comme le dit fort bien l'Hiftoricn Allcman „ que le Minillre oublie ces
„ fignes, des pcrfonnes auront la foiblelfe de fe former des fcrupules fur cet
„ oubli, & croiront que le Sacrement a perdu fa force. " Ce n'eft pas feulement
au ligne de Croix fait fur les Efpèces de la Cene, que le peuple s'attache
comme à une chofe eflentielle : il ne lui arrive gueres d'entamer un pain qu'il
ne l'ait auparavant ßgne d'un ligne de Croix avec le couteau.
En plufieurs endroits de la Saxe, & même dans des villes confiderables, lorf
que le Miniftrc confacre les Efpèces 011 fonne deux fois alïés haut d'une clochette.
Cet ufage eft fort inutile à des gens quui'adorem pas les Efpèces que leurs
Miniftres confacrent, & qui même ont une telle horreur pour l'adoration, qu'au
lignai donné par la clochette à la Mefle, ils tremblent & s'effrayent comme
fi le tonnerre ou le canon les alloit atteindre. L'Hiftoricn Saxon, qui étoit
Miniftre & par conféquent plus fufceptible de frayeur dans un pareil cas, quoique
peut-être fort courageux quand il s'agilfoit de quelque Exploit Theologique,
ou de livrer impitoyablement m afaut tie controverße ; cet Hiftorien, dis-je, déclare
fort ingenuement „ que la premiere fois qu'il lui arriva de faire la Cene
„ à Lipfig le fon de cette clochette le troubla tellement, & fa devotion en fut
„ fi diftraite, qu'il en oublia Imwej^ßiuk, c'eft-i-dire la mort de Chrift &
„ la participarioii-i fön Corps ôc^a fon Sang" plufieurs fidelles de (âCommunion
lui témoignèrent auflî que le fon de cette clochette leur caufoit ordinairement
la même firayeur & de femblables diftraétions, bien qu'ils dulfent y être
accoutumés. Un autre ufage que cet Auteur regarde comme un abus c'eft le
changement d'habits ou d'ornemens pontificaux, qu'il appelle tm refle de Papißme.
Dans la plupart des Eglifes Lutherienes le Pafteur, avant que de donner
la Communion, met le furplis, ôc par deflus le furplis un vêtement fur lequel
il y a des Croix, mais qu'il ne faut pourtant pas confondre avec (a) l'Etole
des Prêtres Catholiques, puifcju'il ne lui reftemble nullement. En quelques
endroits le Pafteur, après avoir lit l'Evangile devant l'Autel , ôte le fusdit vêtement
par deftus la tête, & le pofe fur l'Autel. Après le chant du Credo, il
monte en chaire & prêche en furplis. Apres le prêche il retourne à l'Autel & reprend
le vêtement. Cependant il eft beaucoup plus ordinaire de ne le prendre
qu'au moment que la Cene va commencer, Se c'eft-là, nous dit le Miniftre
que je copie, la maniéré la plus decente dans une ceremonie qui n'a été retenue
avec plufieurs autres par les Auteurs de la Reformation, que pour ne pas effrayer
les âmes foibles, & fur tout le 'peuple, qui s'attache tellement i c e qui frape les yeux,
qu'il ne faut pas efperer de pouvoir le deCibulêr facilement. Beaucoup de dévots,
nous dit-il encore, croyent avoir fait une oeuvre excellente, quand ils ont
frt) V o y . la figure ubi infr. En Allcman ce vçrcmcnt s'appelle M i s i n v a n d , ce qui veut dire hahti
u vêtement pour la MefTe.
RELIGION DES PROTESTANS. g6r
"crnc un Autel, ou une chaire, ou quand ils ont revetu le Miniftre de l'Autel
d'un magnifique habit de ceremonie. On en trouve quelquefois jufqu'à dix où
douze de relais dans les Eglilës.
J'ai déjà parlé de l'ufàge d'avoir des cicrges fur les Autels. On les allume
pour la Cene en plufieurs endroits & entr'autres à Warîburgy fort inutile-
,> ment à la vérité : car y a t-il rien de plus mal avifé, dit mon Auteur, que
„ d'avoir de la lumicre en plein jour dans lesEglilesî mais, ajoute-t-il, ces
„ Cierges allumes fur l'Autel peuvent rappeller dans le (buvenir des fidelles,
„ que Te Sauveur fitr & inftitua la Cene au commencement de la nuit, ^ qua-
„ îoYs on allume de la chandelle. " La vérité efi; que les Luthériens ont retenu cet
ufage des Catholiques, comme ceux-ci l'avoient hérité des autres Religions -, &:
c'elt tout ce qu'on peut dire de raifonnable for un tel fujet, fans avoir recours
aux emblemes & aux mifteres. A Wittemberg & dans toutes les Eglifes foumi{
ës au Confîftoirc de cette Ville on n'allume point de Cierges pour la Cene ;
en quoi vraifemblablement on fuit le règlement de Luther: mais dans les endroits
où cet ufage a continué il s'y eft gliffé parmi le peuple la même fuperftition
que l'on a remarquée dans les autres ceremonies, &: l'on a même vû, die
l'Hiftoricn Saxon, des gens alTcs fimples pour s'imaginer que les Cierges faifoient
une partie elTentielle de la Communion. A celle des malades les perfonnes
fuperftitieufes ne manquent jamais de faire mettre deux chandelles ou deux
bougies fur la table.
Mettons aufti au nombre des ufiges retenus celui d'employer des Hofties
au lieu de pain à la Communion. Sur ces Hofties on voit la figure d'un
Crucifix. Mon Auteur dit qu'il arrive quelquefois qu'on a trop d'Hoi];ies, Se
quelquefois auftî qu'on en a trop peu : fur quoi il fait ce raifonnement. „ il
„ vaut mieux en avoir trop que trop peu. S'il y en a trop, on en peutdon-
„ ner deux aux derniers Communians, afin de confumer par ce moyen tout
„ ce qui auroit pû rcftci, («) G. l'on n'aimp mïpux les garder pour une autre
„ Cene. " A la diftribution de la Cene le Miniftre prononce les paroles de l'inftitution
de la maniéré ftiivante : En donnantl'Hoftie, & failânt en même tems
„ un figne de Croix fur la perfonne „ prenés & mangés, ceci eft le vérita-
„ ble corps de J . C. qui eft mort pour tous vos péchés. Qu'il fortifie &
, , nourriffe vôtre ame & votre corps dans la véritable foi pour la vie éternelle."
En donnant le vin „ prenés & buves, ceci eft le véritable fang de J. C. qui
„ a été répandu &c. comme pour l'Hoftie. " Le (h) Diacre ne fait point de figne
de croix en donnant le vin, parce qu'il doit préfènter le Calice de la main
droite. A l'occafion des parolles de l'inftitution que j'ai rapportées, le Miniftre
Saxon propolè un doute aftés fingulier, qu'il eft bon de mettre ici, pour
montrer que le point d'honneur de ceux qui font nés ou élevés dans certains
païs peut aller quelquefois julqu'aux Autels, & qu'il eft fort poffible que
dans un ade de Religion, où l'humilité eft cflentielle, on conferve affcs
d'orgueil pour vouloir s'égaler à l'Homme Dieu, que le Prêtre ou le Miniftre repréfentent
à l'Autel en communiant les fidelles. Voici le doute. „ Quoique ces
„ pa-
( a ) Il racconte que les Hofties ayant manqué à un Pafteur Luthérien, celui-ci, pour communier
deux pcrfonnes qui reftoient, s'avifa de leur partager une Hoftie pour s'épargner la peine de faire une
nouvelle confccration.
(l>) Le Miniftre donne l ' H o f t i e , & le Diacre le Calice. V o y . ubi fup. p. 4 7 } . ch. 27. quelquefois
auflî le Miniftre donne l'un & l'autre. Si le nombre des Communians eft trop grand, deux Miniftres
prciêntent le vrai c»rps (c'cft ainfi que s'exprime l'Auteur Allcman) & deux autres Miniftres, ou deux
Diacres donnent le calice.
Tome in. Fart. II. ^ Yyyy