
iF
li
•
•Si
• • ' ' t e '
68 D I S S E R T A T I O N SUR LA
ment par une coutume qu'ils ne violent jamais. Ils ne dorment toits que
quatre heures, & il y en a qui n'en dorment que deux. Ils vont trois fois
le jour 6irc la priere publique dans l'Eglife, & ceux qui ne fc font point
appliqués aux Lettres, travaillent de leurs mains; de forte qu'il n'y a point
de Monaftere, où il ne fe trouve de toutes fortes d'Ouvriers.
„ (a) Leon Allatius parle beaucoup plus au long des Moines Grecs qui
, font aujourd'hui dans le Levant, ôc d'une maniéré affes exafle : ce qui
, m'oblige de rapporter ici en abrégé ce qu'il en a remarqué.
„ Quoi qu'il y ait parmi les Grecs difFérens Moines, ils tirent tons leur o-
, "igine de Saint Bafile, qui eft le feul Auteur de la Difciplinc Monaftique.
, Tous les Moines le regardent comme leur Pcre , & ce feroit un crime
, parmi eux de s'éloigner tant foit peu de fa Regie. L'on voit pat toute la
, Grece plufieurs beaux Monafteres avec des Eglifes bien bâties , où ces
, Moines chantent pendant le jour & la nuit. Ils n'ont pas tous néanmoins
, une même forme de vivre ; car il y en a qui s'appellent W Coenobites,
, c'eft-à-dire, qui vivent en communauté, d'autres s',ippellent d'un nom qui
fignifie vivant à fafantaifie. Les premiers font ceux qui demeurent enfemble,
, qui mangent dans un même Refecloir, qui n'ont rien de fingulier entre eux
, pour leurs habits, & qui enfin ont les mêmes exercices, n'y ayant perfonne
, qui s'en puitfe exempter. Il y a pourtant deux Ordres parmi eux ; car les
, uns font (c) àu grand & Angeliqtte Habit, lefquels font d'un rang nlus cle-
, vé & plus parfait que les autres, & font profeflion d'une façon de vivre
, plus parfaite : ceux-là font en plus grand nombre. Les autres qui font (</)
, du fetit Habit, autrement font d'urt rang inférieur, & ne mé-
, nent pas une vie fi parfaite. Les féconds, qu'on nomme . ' W , v i v e n t
, à leur maniéré, & comme il leur plaît, ainfi que leur nom le porte. C'efl;
pourquoi avant que de prendre l'habit, ils donnent quelque argent pour
avoir une cellule & quelques autres chofes du Monaftere. Le ( e ) Celerier
, leur fournit du pain &; du vin delà même maniéré qu'aux autres, mais ils
' pourvoyent eux-mêmes au refte : & ainfi étant exempts de ce qu'il y a
d'onereux dans le Monailere, ils s'appliquent à leurs lires. Ces derniers
lèguent par
teftament ce qu'ils pofTedent, tant dedans que dehors le M o n at
tere, à leui
ferviteur, ou à leur compagnon, qu'ils appellent Difciple, Se
qu'ils ont choifi d'entre ceux du Monaftere pour les aflGller dans leurs befoins.
Celui-ci, après la mort de l'autre, augmente encore par fon adrelTe
les biens dont il a hérité , & il laiffe par teftament à celui qu'il a pris
au/S pour lui fervir de compagnon ce qu'il a acquis : le refte du bien
qu'il poffedoit, c'eft-à-dire, ce que fon Maître lui avoit légué en mourant,
demeure au Monaftere, qui le vend enfuite à ceux qui le veulent acheter.
Il fe trouve néanmoins parmi ces derniers Moines, des miferables qui
font fi pauvres, que n'ayant pas dequoi acheter un fond, ils font obligés
de donner tous leurs foins & tout leur travail au Monaftere, & de s'appliquer
aux plus vils emplois. Ceux-là font tout pour le profit du Couvent
: c'eft pourquoi le Couvent leur fournit ce qui leur eft: nnéécee flàire : &
s'il
(S) Conformcmem i l'anciennc diftinaion des Moines, il n'y avoit des Cccnobites &: dts Amclioretcs.
Aujourd'hui il y a quelque différence.
(c) Toû i^Ej-iiAou ex^a^oi xtù àyysfjKW.
(d) TûiJ jiuîfD'j a^iiara;.
(t) C'eft le Religieux qui a foin de la dcpenfe de bouche pour tout le Couvent.
R E L I G I O N D E S GRECS. 69
s'il leur refte quelque tems après leur travail, ils le donnent à la priere.
,, Il y a un troKîeme Ordre de ces Moines , auxquels on donne le nom
d'Anachoretes. Ceux ci ne pouvant pas travailler, ni fupportcr les autres
charges du Monaftere, veulent cependant vivre dans le repos de la folitude.
Ils achètent une cellule hors du Monaftere, avec un petit fond dont ils
puifTent vivre, & ils ne vont au Monaftere, que les jours de fêtes, pour
alfifter à l'Oifice ; après cela ils retournent à leurs cellules, où ils s'employent
à leurs affaires, & ils n'ont aucunes heures arreftées pour la priere. Il iè
trouve néanmoins de ces Anachoretes, qui font fortis de leur Monaftere avec
le conlèntement de leur Abbé , pour mener une vie plus retirée , fie
pour s'appliquer davantage à la méditation &; à la priere. Le Monaftere
leur envoye une fois ou deux le mois dequoi fê nourrir , parce qu'ils ne
pofledent ni fonds, ni vignes : mais ceux qui ne veulent point dépendre de
l'Abbé, louent quelque vigne voifme de leur cellule, dont ils mangent le
raifin ; & il y en a qui vivent de figues ; d'autres vivent de cerifes, ou de
quelques fruits fembUbles. Ils fement aulTl des fèves dans la fiifon. L'on
en voit de plus, qui gagnent leur vie à deforire des livres.
„ Outre les Moines il y a des Moinefles qui vivent en communauté, & qui
(ont enfermées dans des Monafteres fous la Regie de Saint Bafile. Elles ne
fout pas moins aufteres que les Moines pour les jeûnes, pour les prières
& pour tout le refte de la vie Monaftique. Elles choifillènt une des plus
anciennes fîc des plus vertueufês de leur Communauté, pour leur tenir lieu
d'Abed'e; & ces Abbeftiîs font la même chofe à lent égard, que les Abbés
font à l'égard des Moines. Cependant ce Monaftere de femmes dépend
toujours d'un Abbé, qui leur donne un Moine des plus anciens & des plus
vertueux pour fe conrefler & pour leur adminiftrer les autres Sacremens,
Ce Religieux demeure proche leur Monaftere, afin de les aflTifter plus facilement
& plus promptement dans leurs nécelfités. Il dit auflî la MelTe
pour elles, & regie leurs autres offices,
„ Ces Religieufes portent toutes un même habit, qui eft noir, & un manteau
de la même couleur. Elles ont les bras & les mains couverts juf
qu'au bout des doits. Cet habit eft de laine fimple. Elles ont de plus
la tête r.afée, 6c ch.acune a une cellule féparée, où il y a dequoi fe loger
tant en haut qu'en bas. Celles qui font les plus riches ont une fervante
: elles nourrillent même quelquefois dans leurs maifons de jeunes'
, filles, qu'elles élevent dans la pieté. Après qu'elles fe font acquitées de
, leur devoir ordinaire, elles font des ouvrages à l'aiguille; & les Turcs, qui
, ont du refped pour ces Religieufes, viennent jufques dans leurs Monaf
, teres pour acheter des ceintures de lent fiçon. Les Abbefles ouvrent vo-
, lontiers les portes de leur Couvent aux Turcs qui viennent acheter le tra-
, vail de ces bonnes filles, qui retournent à leur appartement fitôt qu'elles
, ont vendu leur marchandife.
, , J'ai lû une Relation MS. de Conftantinople , où il n'eft pas parlé fi
, avantageufement de ces Religieufes. L'Auteur de cette Relation remarque,
, que les Religieufes nommées Calogeres, qui demeurent à Conftantinople,
, font des veuves, dont quelques-unes ont eu plufieurs m.iris, & qu'elles
, n'embraflcnt cette profellîon, que quand elles font fort avancées en âge:
, puis il ajoute, qu'elles ne font point de voeux , que toute leur {àinteté
, confifte à prendre un voile noir fur leur tête, & à dire qu'elles ne veulent
, plus fc marier ; qu'au refte, elles demeurent pretque toutes chez elles, où
Tme III. Part. I. S „ elles