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1 6 4 III. D I S S E R T A T I O N S U R LA
„ Il eft aifé de juger, cjue toute cette liiftoire touchant l'origine du Patriar-
„ chat des Neftoriens, a été dreffée exprès par le Patriarche Elic,quiavoit be-
„ foin de Rome. L'on doit porter le même jugement des lettres que les Nefto-
„ riens afTembles à Mo&l pour l'éleftion d'un nouveau Patriarche écrivirent au
„ Pape Jules 111. où ils lui donnèrent la qualité de Chef de tous les Eveques,
„ de la même maniéré que St. Pierre l'étoit de tous les autres Difciples. Ce
„ n'eft pas là le langage ordinaire des Orientaux à l'égard de l'Evêque de Ro-
„ me, qu'ils reconnoiifent, à la vérité, pour le premier des P.itjiarchcs ; mais
„ cette Primatie, felon eux, n'eft que d'honneur, & non de jutisdiaion fur
„ les autres.
„ Ce même Patriarche Elie joignit à fa lettre la Profellion de Foi de fon E-
„ ghfe, où il eft marqué entre autres articles, que le St. Efprit procédé du
„ Pere; que le Fils a pris un corps de la Ste. Vierge;qu'il eft parfait tant en
„ l'ame qu'en l'entendement, & en tout ce qui appartient à l'homme ; que
„ le Verbe étant defcendu en une Vierge, s'eft uni avec l'homme , & qu'il
, , eft devenu une même chofe avec cet homme , de la même maniéré que
„ le feu Se le fer font unis enfcmble;que cette unité eft&ns mélange ni con-
„ fufîon, & que c'eft pour cela que les propriétés de chaque Nature ne peu-
„ vent être détruites après l'union ; qu'ils croyent que Tefus Chrift qui eft en-
„ gendré de toute éternité du Pere quant à la Divinité, eft né d'nne Vierge
„ dans les derniers tems, &: s'eft uni avec la Nature de fon Humanité. Pour
„ ce qui eft du reproche qu'on leur fait, qu'ils n'appellent point la Vierge,
„ Mere de D i e u , mais Mere de lefus Chrift: il répond qu'ils parlent de
„ cette maniéré, pour condamner les Apollinariftes, qui prétendent que la
„ Divinité eft fans l'Humanité ; & pour confondre Themiftius, qui alfuroic
„ que Chrift n'étoit que l'Humanité fans la Divinité. Il ajoute de p l u s , q ue
„ cette créance eft celle de l'Eglife Romaine, & qu'il reçoit tout ce que cec-
„ te Eglife enfeigne; qu'il reconnoit le Pape pour le Chef de toutes les Egli-
„ fes ; & que hors de la même Eglifè Romaine il n'y a point de falut.
„ Comme Elie Patriarche de Babylone, autrement des Neftoriens, ne pût
„ pas venir lui-même à R o m e , i l dépêcha vers le Pape quelques perfonnes des
„ plus habiles & des plus prudentes pour faire la reunion des deux Eglilès.
„ Ils compoferent enfemble une explication des articles de leur Religion, où
„ ils expofcrent au long la maniéré de concilier leur créance avec celle de
„ Rome. L'Abbé Adam, qui étoit un des Députés, fut chargé de ce Com-
„ mentaire ou Exphcation ; & le Patriarche l'accompagna d'une (a) lettre au
„ Pape, où il traite de cette conciliation de créance, & il y fiit voir que les
„ deux Eglifes ne différent que de ceremonies ; mais que pour ce qui regarde
„ la doflrine de la Foi, toutes leurs disputes avec l'Eglife Romaine ne font
„ que de nom. Il réduit ces points de créance, dans'lefquels il prétend ne
„ différer que de n om d'avec Rome, à cinq chefs, (avoir en ce que les Nefto-
„ riens n'appellent point la Vierge Mere de Dieu, mais Mere de Chrift;en
„ ce qu'ils ne mettent en J . C. qu'une puiflànce & une volonté ; en ce qu'ils
„ ne reconnoiffent en J. C. qu'une perfonne ; en ce qu'ils difent /implement,
„ que le St. Efprit procédé du Pere ; & enfin, en ce qu'ils croyent que la lu-
„ miere qu'on fait le jour du Samedi Saint au lepulchre de notre Seigneur, eft
Le Patriarche Elie prétend, après
„avoir
t le ).
une lumiere véritablement miraculeufe.
^ f i ß . El. Pm. xd Pmt K
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, avoir pris l'avis des plus éciaircs, qu'en tous ces points-là ils ne s'entendent
, point les uns les autres. Et en eifct , ' l'Abbé Adam tâche de Ce juilifiei:
, dans un long difcours, dont nous ne rapporterons ici qu'un fommaire , &
, mcme nous ne parlerons point des deux derniers articles cjui (ont communs
, a tous les Orientaux : il n'y a que les trois premiers qui regardent particu-
, lierement les Neftoriens, & je trouve que cet Abbé Neftorien montre a-
, vec évidence, que le Neftorianifine d'aujourd'hui eft une Herefie de nom,
, Se qu'on ne les a condamnés, que parce qu'on ne les entendoit point.
„ Premièrement cet Abbé fait voir, qu'il eft facile de concilier l'Eglife Ro-
, maine qui appelle la Vierge Mere de Dieu, avec la Neftorienne qui l'ap-
, pelle la Mere de Jefus Chrift j parce que c'eft un principe reçû des deux E-
, glifês, que la Divinité n'engendre point, ni n'eft point engendrée, & qu'ain-
, Ti la Vierge a engendré Jefus C h r i f t , qui eft Dieu & homme tout enfemblej
, qu'il ne faut pas croire pour cela, que ce (oient deux fils , mais un fêul
& véritable fils : de forte qu'il n'y a en Jefus Chrift qu'une feule filiation,
& qu'une (êule perfonne vifible, que les Neftoriens appellent ^(Sj-Zô^^. Enfin
il conclut, qu'ils ne nient point qu'on ne puilTe appeller la Vierge Mere
de Dieu, parce que Jefus Chrift eft véritablement Dieu, & que cette
doctrine eft conforme aux paroles de St. Jean en fon Evangile, de St. Paul,
& de St. Grégoire de Nazianze. C'eft pourquoi, dit-il, felon ces principes,
l'Eglife Romaine reconnoit véritablement que la Vierge eft Mere de Dieu,
les Orientaux difent aufli avec raifon , qu'elle eft Mere de Chrift : èc.
ils ne différent pas pour cela de fentiment.
„ En fecond lieu , il examine la différence qui paroit être entre l'Eglife
Romaine, & la Neftorienne touchant les Natures & les Perfonnes de Jefus
Chrift. Il eft conftant que les Latins reconnoiffent en Jefus Chrift
deux Natures & une feule Perfonne : au lieu que les Neftoriens difent qu'il
y a en lui deux Perfonnes, ôc une parfopa ou perfonne vifible ; & outre
cela , qu'il n'y a aulTi en lui qu'une puifllince ou vertu, il concilie ces
deux fentimens,qui paroiflent d'abord fi éloignés l'un de l'autre, par l'explication
qu'il donne de ce myftere. Les Orientaux ou Neftoriens, conformément
aux deux Natures qui font en Jefîxs C h r i f t , diftinguent en leuren^
rendement deux Perfonnes ^ mais ils ne voyent de leurs yeux qu'un feul Jefus
Chrift, qui n'a que la parfopa ou apparence d'une feule filiation. Et
c'eft aulfi en ce fens que les mêmes Neftoriens ne reconnoiflent qu'une
puiflànce ou vertu en Jefus Chrift, parce qu'ils ne le regardent que comme
une' parfopa ou perfonne vifible : Se ainfi, à raifon de cette union par-
, fiiite & véritable qui ne Bit qu'un compofé des deux natures divine Se humaine,
ils ne diftinguent point une double vertu ou puiflànce, fiiifànt tomber
, ces termes fur l'unité de filiation. Au heu que dans l'Eglife Romaine,on
diftingue ces puiflànces ou vertUs, en divine & humaine, parce qu'on les
, confitlere par rapport aux Naturesi & l'on conclut facilement d e l à , que
, cette diverfité de fentimens n'eft qu'apparente, puis qu'en effet les Nefto-
, riens avouent avec les Latins, qu'il y a deux Natures en Tefus Chrift, Se que
, chaque Nature a fa puiflànce & fâ vertu : Sz de plus, les deux Eglifes re-
, connoillent, qu'ilnefefaitaucunmêlangeniconfufionde ces deux Natures,cha-
, cune retenant les attributs qui lui font propres. Enfin il ajoute ces paroles
, pour un plus grand, éclaircillement de fon opinion : Comme les PP. de l'Egli-
, fe Romaine reconnoifenî mie perfonne à caufe d'une filiation j auß eux Orientaux
, recomioijfenî une wertit on puijfmce à caufe d'une filiation.
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