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quittercctKEglifei-Untelaveucondamnclesfeparations. Mais c'eft tromper une
Société Rdigieufc, ajouté t'on, que d'y relier fans perfuafion. On repond que
le dc6ut de perfuafion n'autorifè pas les Schifmes, car fi cela etoit, tous ceux
qui ont des opinions particulières, tant chez les Catholiques Romains que chez
les Proteftans feroient obliges de fe fcparer. Or les Proteftans eux-mêmes conviennent
que de deux maux il faut éviter le plus grand, qui eft la defunion.
Au refte le défiut de perfuafion Ce trouve affés répandu dans tout le ChtiC
tianifme, à caufe de la difficulté des dogmes, & les Communions Proteftantes
renferment de même que les C. R. dans leur Reformation quantité de Sociniens,
de Latitudinaires, & d'autres gens qui n'ont que le nom de Reformés,
quoi qu'une profeflion extérieure des mêmes dogmes attache les
uns aux autres.
Telles font quelques-unes des raifons que l'on a alleguées contre les Schifmes
des Proteftans : je ne les rapporte pas toutes, & je ne ptens point parti.
Si la caufê des uns Se des autres fe plaidoit immédiatement devant Dieu,
nos différens feroient bientôt decides, parce que Dieu nous demande moins
que les hommes, Se ce qu'il nous demande eft bien différent de ce que les
hommes exigent de nous. Les fubtilités par lefquelles on a pretendu déterminer
l'évidence de la foi n'ont point d'autorité devant lui. Elle n'étoient
bonnes que pour des hommes, qui dans un efpace de dix fept fiecles ont conduit
les chofes de telle maniéré, qu'il a fallu gouverner les Chrétiens par des
Symboles & des formulaires. Ces moyens ont augmenté l'autorité du Clergé:
il s'en eft fervi pour intimider les peuples, & la pieté des peuples s'y eft arrêtée.
La pareffe & l'ignorance lui ont remis le filut des ames. Alors a commencé
de s'établir cette intolerance fatale, qui a feit du Chriftianifme un joug
dur & infuportable. Apres la decadence de l'Empire & la ruine du Pasanifme
ces Ecclefiaftiques intolerans commencèrent d'employer utilement le fcr & le
feu. N'entrons pas dans le détail de ces perfécutions, oà l'on a pû recriminet
contre les Chrétiens par tout ce qu'ils avoient reproché autrefois aux Payens.
Il fufEc de dire, que le Pag;anifhie les tenoit en crainte & reprimoit cette impatience,
qui dés les premiers tems avoir porté une partie des Chrétiens 3
examiner curieufement les dogmes 8c les myfteres, d'oii prirent nailTance des cabales
& des intrigues, qui dés lors auroient pû former de grans Schifmes, s'il
y avoit eu des Princes pour les foutenir, & des peuples difpofés à les fuivre.
Les uns & les autres n'auroient pas manqué peut-être de charger leurs Manifèftes
de raifons auffi fpecieufès que le font adjourd'hui la tyrannie des Ecclefiaftiques
& la corruption de l'Eglife.
Perfbnne n'ignore que les Proteftans n'ont à ceffé d'alleguer., comme des motife
de Reformation cette tyrannie & cette corruption des gens d'Eglife, A ces
deux morife ils ont ajouté la prétendue corruption des dogmes & du Culte
extetieur. A l'égard de celui-ci, on a remarque que le mélange des peuples
& l'indulgence qu'on 3 eue pour les profelyres foriis des payens font
furchargé de ceremonies & de pratiques auxquelles le peuple s'eft bien mieux
accoutumé qu'aux devoirs de la morale Chrétienne. Cependant le mal auroit
été moins dangereux, fi ce grand apareil de culte, qui donne beaucoup de
Majefté à la Religion, n'eut pas ufurpé les droits de cette Religion pour
mieux fervir l'avarice & l'ambition de l'Eglife. Oferai je dite, que dans les derniers
tems le Chriftianifme étoit femblable à un marché, où l'on voyoit des
marchandifes à vendre, des bateleurs & des Charlatans, qui amufoient le peuple,
beaucoup de clinquant, beaucoup d'ornemens qui cachoient les défauts de
la
RELIGION DES PROTESTANS. 281
la marchandi(ê. Pour les Dogmes, il eft certain que la decadence du Latin,
le melange des peuples baibares, & la corruption qu'ils introduifirenc dans
les Langues de l'Europe, les fubtilités des anciens Philolophes, colles des nouveaux,
le jargon des myftiques des dévots, celui des Ecoles & des Cloitrcs
altererenu en plufieurs maniérés la Théologie £c la Religion, & firent naitre des
difputes qui en augmentant de jour en jour l'obfcurité des Dogmes, & l'ignorance
des Chrétiens, donnoient lieu de plus en plus aux pratiques artificieulès
& mercenaires du Clergé. Avant Luther te Calvin , on s'ctoit plaine
afTes long tems des maux que ces defordres caufoienc dans l'Eglife. S. Bernard
avoit reproché aux Ecclefiaftiques de Ion tems, qu'ils -ne cherchoient point le falut
des ames, qu'on prenait la tonfure, qu'on fréqiientoit les Eglifes, qu'on celehroit
la Meffe pour l'amour du gain. Depuis S. Bernard on n'avoic pas moins cric contre
la licence des moeurs du Clergé, le relâchement de la Di/cipline & le refroidiiïemenc
de la véritable pieté. On avoit propofé la reforme de l'Eglilè aux
Conciles de Pife, de Conftance, & de Baie. Nicolas de Clemangis, qui vivoic
du tems de celui de Pi(è, avoit com pole un Traité de l'Etat corrompu de l'Eglife,
dans lequel il reprélêntoic vivement la neceflîté de la reformer. Alexander
V. qui fut élu pendant le Concile de Pifè,avoit promis (ôlennellemenc de
travailler à cette Reformation. Le fécond Concile de Pile tenu en 1 5 0 5 . devoir
aller au même but. A ce dernier on (è déclara expreficment pour la neceflîté
de reformer l'Eglife dans la foi ^ dans les moeurs ^ dans le Chef dans les mem-
In-esy afin d'éteindre les Schijînes, ^ les Hereftes. On voit par là que les efprits
croient préparés à ces Revolutions du fêifieme fîecle, que Luther, Calvin &:
c^uelques autres eurent la hardielTe d'exciter en qualité de Reformateurs. Pour
autonfêr le droit qu'ils s'attribuoienc de reformer & de retrancher, ils alléguèrent,
outre l'ignorance des peuples, la vie fcandaleufe &: l'avarice des Ecclefiafbi-
€|ues qui portèrent alors le trafîq des Indulgences à ces excès que chacun fait,
les mauvaifes inilrudions qu'on donnoit aux peuples, les fuperlHtions, l'excès
des ceremonies, les faux miracles, les f^xufTes Reliques &c. Cependant Luther
&c les autres Reformateurs ne penférent fcrieufement à leur reforme, qu'après
que plufieurs confiderations humaines eurent mis divers Princes dans leur parti.
Ainfî l'ouvrage de la Reformation fut en general le fruit de la pohtique,
& la Mifim des Reformateurs celui de la haine, qu'on avoit conçue par toute
l'Europe pour la Monarchie du Pape, & pour les émiflaires de la Cour de Rome.
Il ne taut donc pas être furpris que l'uniformité, la patience, la douceur & l'humilité
ayent fi peu accompagné cette pande Révolution, qui par conféquent
n'eft nullement comparable aux merveilleux progrès du Chrilhanifîne, fous les
Apôtres &c leurs SuccefTeurs. La preuve de ce que j'avance fè trouve dans la
diverfité d'idées, & d'opinions des Chefs de la Reformation, dans la différence
des Dogmes qui forma bientôt des Sedes & des partis, dans la violence des moyens
qui fervirent à établir le Lutheranifhie, dans l'aigreur des controverfès. Perfonne
n'ignore que dans cette ^ande ^ fohtnelle reparation des breches que l'4niechrifi
a^voit faites à la duSei^eirr. (C'efl ainfi que parloient les Protertans)
on employoit affés ordinairement des termes durs, & des exprefTions injurieufescontre
cette Eglife, dont on s'ctoit fèparé. On trouve dans les écrits de Luther des {a)
déclamations violentes cohtre le Pape, & contre l'EghfeRomaine,& il ne craint
pas même de mettre les açmes entre les mains de les Sedateurs contre les Papes &
les
(a) Voy. Tom. I. & 11. des Oeuvres de Luther in folio Edit, de Wittemberg.
Tome IIL Fart, IL Bbbb
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