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128 IL D I S S E R T A T I O N SUR LA
, , déparc du convoy les pleureulès recommencerent leur exercice , & fiir le
„ foir les parens envoyèrent dequoi fouper au mari, & allerem le confoler en
„ failànt la dcbauche avec lui.
„ Neuf jours après on envoya [a) le Calyva à l'Eglilè". On traduit ce mot
de Colyva par blé ou froment cuit. Ricaut^^nû qu'on vient de le v o i r , en
a parlé fort fuccindement. Toumefort, ou plus exa£l, ou mieux inftruit, ou
témoin d'un ufage pratiqué différemment, nous le décrit de la manière fuivante
: „ Les Grecs appellent Colyva un grand balTin de froment bouilli en
„ grain, garni d'amandes pelées, de raifîns fees, de grenades, de fèlame, &
„ bordé de bafilic, ou de quelques autres plantes odoriférantes. Le millieu
„ du baffin s'éleve en pain de fucre, furmonté d'un bouquet de fleurs artifi-
„ cielles que l'on fait venir de Venife, ôc l'on range en croix de Malte fur
„ les bords du baflîn quelques morceaux de fucre ou de confitures féches.
„ Voilà ce que les Grecs appellent l'offrande du Colyva , établie parmi e u x,
„ pour (J) taire fbuvenir les Fidelles de la Refurreétion des morts , fuivant
„ ces paroles de Jefus Chrift (c) en St. Jean . . . . Si k grain de fromint m
,, meurî après qu'on ta jette en terre , il demeure feul ; maïs quand il eß mon,
,, il produit beaucoup de fruit ". On ne peut nier que la pieté n'ait aidé à établie
ces fortes de ceremonies, mais il &ut convenir a u f f i , que par une fatalité ordinaire
aux inflitutions les plus pieufes, celle-ci, comme tant d'autres , 3 dégénéré
en fuperftition. Je ne dois pas oublier i c i , que cette ceremonie da
Colyva des G r e c s , décrite par Toumefort comme un ufiige tout particulier
aux funérailles, aux neuvaines, aux quarantaines & . a u x anniverfaires établis
chés eux pour les m o r t s , (è pratique auflî dans les grandes Fêtes de leur
Eglifë. Reprenons Towmefort „ on n'ajoute les confitures ôc "les autres fruits
„ que pour rendre le froment bouilli moins defagreable: le foffoyeur porte
„ lur là tête le baffin du Coljiua , précédé d'une perfonne qui tient deux
„ gros flambeaux de bois doré , garnis par étages de rubans fort larges,
, , bordés d'une dentelle de fil de demi pied de hauteur. Ce foffoyeur eft
„ fuivi de trois perfônnes : l'une porte deux grandes bouteilles de v i n , l'au-
„ tre deux paniers de f r u i t s , la troilième un tapis de Turquie , que l'on
„ étend fur le tombeau du mort pour y fervir la collation & le Colyva.
„ Le Papas dit l'Office des morts, pendant que l'on porte cette offrande
„ à l'Eglife. Il prend enfuite fa bonne part du regale : on donne à boire aux
„ honnêtes gens & les reftes font diflribués aux pauvres. Quand l'offrande
„ part, du logis, les pleureufès recommencent, tout comme au jour de l'en-
„ terrement: les parens, les amis, les voifins font les mêmes grimaces. Pour
„ tant de larmes on ne donne à chaque pleureufe que cinq pains, quatre pots
„ de v i n , la moitié d'un fromage un quartier de mouton, & quinze fols en
„ argent. Les parens font condamnés par la coutume des lieux à pleurer fort
, , fbuvent fur le tombeau. Pour mieux témoigner leur douleur, ils ne chanj
, gent pas d'habit dans ce tems-là, les maris ne fë font pas ralêr , les veuves
„ fe laiffent manger aux poux. Il y a des lies où l'on pleure continuellemenc
„ dans
(a) ColjbA ou Coljvtt, et mot me paroit corrompu de KiPMßau, qui dans quelques Auteurs Grecs
fignifie des confitures & des friandifes (hellaria.) Or ce qui orne & accompagne le Colyva des funérailles
n'eft autre chofe que des friandifes. J'ajoure i c i , que cette erpèce de rc-pas funebres fe rapporte
aulfi aux E^U ferxUt & aux Fartnttdin des anciens. Cependant des Auteurs Écckfiaftiqucs ont donne
une origine bien diiférenre au Ctiljva.
(l)) Selon quelques Auteurs cet ufage n'eur d'abord que peu de rapport à la Refurrcftion.
(c) Evangile felon St. J e an Chap. i i . v. 24.
R E L I G I O N D E S GRECS. 129
„ dans lesm.lifons, les maris & les veuves n'entrent pas dans l'Eglife, & ne
„ frécjuentent pas les Sacremens tandis qu'ils font en deuil. Quelquefois les
„ Eveques 8z les Papas font obligés de les y contraindre fur la menace de l'Ex-
„ communication, que les Grecs appréhendent plus que le feu ".
Voici une autre Cérémonie funebre, que le même Tournejort a vue à My
cme. Qlielques differences aflès remarquables empêcheront le ledeur de la
regarder comme une repetition de la précédente. „ Dès qu'une perfonne a
„ rendu l'-ime (a) on fbnne . . . les parens, les amis , les pleureufès font
„ leurs complaintes autour du corps que l'on porte à l'Eglife peu de rems a-
„ près, le plus foitvent même on n'attend pas qu'il foit fioid : on s'en dé-
„ barrafle fans feulement s'informer s'il efl véritablement mort . . . ou fi on
, , l'a crû mort, quoi qu'il fut encore en vie le convoy s'arrête au
, , millieu de la principale place ; on y pleure fôrt amerement, du moins en
„ apparence : les Papas difent l'Ofiîce des morts autour du corps ; après quoi
, , on le porte à l'Eglife, où il eft inhumé dès qne l'on a recité quelques O-
3, raifbns accompagnées de pleurs, de gemiffèmens, de fanglots. . . .
, , Le lendemain on fonne encore tes cloches : on fert un Colyva dans la
„ maifôn, fur un tapis étendu par terre : les parens & les amis fe rangent à
„ l'entour: on pleure pendant deux heures, tandis que l'on dit la Melfe des
„ morts à l'Eglife. Le foir on y porte un autre Colyva avec une bouteille de
, , vin : les parens ôc les enfans du mort, qui font mariés, en envoyent autant.
„ Les plats font diftribucs aux Papas qui recitent l'Office. Chacun mange
„ & boit comme il l'entend, à condition que l'on pleurera de tems en tems
„ par bienfeance.
„ Le troifiènie jour au matin on envoyé d'autres Colyvas, & comme l'on
„ ne dit qu'une Meffè par jour dans chaque E g l i f è , les Papas prennent leurs
„ plats, & s'en vont celebrer dans leurs Chapelles. Les autres jours, jufqu'au
„ neuvième, on dit feulement des Meffes: le neuvième on fait la même ce-
„ remonie que le troifième. Le quarantième jour après le décès , .à la fin
„ du troiflème mois, du fixième, du neuvième, & au bout de l'an, on re-
„ pete la même chofè que le troifîème jouri bien entendu que l'on ne man-
3, que pas d'y pleurer. Tous les ans les héritiers font porter le Colyva à l'E-
„ glife, le jour du décès de leur pete & de leur mere, & pour cette fois la cc-
3, remonie fè f i i t fins lamentation. Tous les Dimanches de la premiere an-
„ née du décès, & quelquefois même de la féconde, on donne à un pauvre
„ un grand g.îteau, du v i n , de la viande &: du poiffon : le jour de Noël on
„ fait la même charité. . . . les Papas en diftribuent autant qu'il leur plait,
„ & font bonne chere du reffe, c.ir toutes ces offrandes vont de l'Eglife chés
„ eux. Ainfi ces Miniftres Ecclefiaftiques ont plus de bien, qu'ils n'en fâu-
„ roient confommer, & d'ailleurs indépendamment du c.ifuel de l'Eglife, on
, , les accable de préfèns. Les héritiers, pendant la premiere année, donnent
3, foir èc matin aux pauvres la portion de viande, de pain, de v in de fruit,
„ que le mort auroit mangée, s'il eut vécu".
A l'égard du Purgatoire je renvoye à ma premiere Diffettation. Toartiefort
parle allés j u f f e , quand il dit que les Grecs ne favent gueres à quoi s'en tenir
fur cette matiere. Il eit bien vrai qu'en general ils renvoyent la décifion du
fàlut &c de la reprobation à la fin du monde. Cependant, ils ne fàuroient
déiti)
Sur cela il faut fuppofer qu'à Alymie on a l'ufage des cloches.
Tome III. Part. I. Kk
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