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214 III. DI S S E R T A T I O N SUR LA
„ Arménienne avec la Romaine. («) Cet Ouvrage eft divifé en deux parties,
„ dont la premiere n'eft qu'un extrait des Hiftoires des Armeniens: mais com!
„ me les Armeniens ont été partagés entre eux depuis plufieurs ficcles, &
„ qu'ils ont eu recours à Rome dans leurs bcfoins, auffi bien que les autres
„ Orientaux , j'ai reconnu tjue ces Hiftoires ne font pas toujours fmcercs
„ ni exaftes. C'eft pourquoi j'accompagnerai de quelques reflexions ce que
„ je produirai ici du livre de Galanus toucliant les Armeniens. Le même Ga-
„ lanus à ajouté des notes à fon Hiftoire : mais parce qu'il a été Miffionnaite,
V, Se qu'il a écrit à Rome, il ne faut pas, iîms l'avoir auparavant examine,
„ ajouter foi à tout ce qu'il dit. Ce livre contient néanmoins plufieurs chofes
„ affez curieufes touchant l'état & la Religion des Armeniens.
„ L'on remarquera donc L Qiic les Hiftoires Arméniennes traduites par
„ Galanus produifent un certain A&e de reunion entre l'Eglifc Romaine &
„ l'Atmenienne fous l'Empereur Conftantin &: Tiridat Roi des Armeniens,
„ Sylveftre occupant alors le Siege de Rome, &; Gregoire, qui eft le grand
„ Patriarche des Armeniens, occupant celui d'Armenie. Mais outre qu'il y a
„ plufieurs chofes dans cet Aflic qui paroilfent fàbuleufes, il y a de l'apparen-
„ ce que cette piece a été fabriquée pour la plus grande panic dans les fiecles
„ fuivans, principalement au tems du Pape Innocent IIL lorfque l'Eglife Ar-
„ menienne a voulu fe reunir avec l'Eglilè Romaine : car l'on y trouve des
„ maniérés de prier touchant la (ôuveraineté des Papes, qui n'étoient pas en
„ ufàge dans ces tems-là. Les Armeniens cependant, comme remarque Ga-
„ lanus, fe fervent de cet afte pour montrer l'antiquité de leur Patriarchat,
„ nui fût établi, felon eux, par le Pape Sylveftre: Se ils l'ont même produit
„ dans leurs dilputes contre les Grecs. Mais ce fondement patoitra foible à
„ ceux qui fçavent l'Hiftoire Ecclefiaftique, & qui confidercront la grande é-
„ tendue de Jurifditiion que le Pape Sylveftre prend dans cet Aäe.
. „ II. Tout le monde fait que les Armeniens font de la Sefte des Mono-
„ phyfîtes, qui ne reconnoilpnt qu'une Nature en Jefus Chrift: mais comme
„ nous l'avons déjà remarqué en parlant des Jacobites, cette Herelie eft imagi-
„ naire, & ne confifte qu'en des équivoques de nom. C'eft néanmoins ce
„ qui fait encore aujourd'hui de grandes difputes parmi les Armeniens ; & quoi
„ qu'ils foient la plûpart ignorans en matiere de Theologie, ils ne laiflent pas
„ de parler raifonnablement du myftere de l'Incarnation, & du Concile de
„ Chalcedoine qu'ils rejettent. L'on remarquera pourtant, qu'un bon nom-
„ bre des Armeniens (J) eft prefentement réuni avec l'Eglife Romaine, dont
„ ils
(a) Cala». C!er. Reg. in coticH. Eccl. Arm. cum Rom.
(b) Voici en peu de mots THiftoii'e du Schifme & des reunions ou faires ou projctt^cs. Le Scliif
me fut commencé par un de leurs Patriarches nommé Nierßj, qui décida dans un Conciliabule envi'
ronVan 5^5. qu'il n'y a qu'une Nature en J - C . mais le Schifme n'a venrablement commencé qu'en
Les Armeniens fe féparerent alors de telle maniéré, qu'ils voulurent faire une Ere de leur fcpanition &
compter dans la fuite leurs années depuis cette Epoque. C'eft cette Hr: que les Armeniens fuivent'en
core. Elle a dû commencer au mois de Juillet, mais les Armeniens fc font accoiitume's h commencer
l'année par le premier de Janvier 5 î z . C'.eft du moins depuis cc tcms-là, que le premier Evéque des
Armeniens s'etant rendu indépendant a pris le titre de Catho/icos, ou Patriarclic Univerfel. Dans k commencement
du feptième fiecle, fens les Empereurs Maurice & Heraclius une partie des Armeniens reçut
le Concile de Chalcedoine & confefla deux Natures en f. C. Cette reunion d'une petite partie des
Aimeniens dura, dit- •on, 105. 2ns. Le Schifrne recommença en 7 1 7 - par un Conciliabule qui rétablit
l'herefie des Monophyfites &c. Vers la fin du neuvième iîecle la reunion fut encore inutilement tentée
S. N i c o n , q u i étoit du dixième, y travailla aux dépens de fon repos, puifque les erreurs de fo? compatriotes
le forcèrent d'abandonnc l'Ârmsnie & de palier en Europe. Selon ce Saint, non feulement ks Armeniens
perfiftoient dans les mêmes erreurs, mais ils en avoienc adopté encore d'autres. La reunion de
l'Eglife Arménienne à la Latine fut auffi tentée au tems des Croi fades. Au refte la p)ûpart de? reu nions
ou fiites ou projettes furent prefquc toujoun chez les Anncnicns, comme c k z les Grecs, reffst de '.3
R E L I G I O N DES GRECS. aiy
„ ils fuivent les fentimens, & que Galanus a eu grande part à la'nouvelle reu-
„ nion fous le Pape Urbain VIII.
„ m. Il n'eft pas vrai, que les Arméniens nient la prefence réelle de Tefus
„ Chrift dans le Sacrement de l'Euchariftie, ainfi que le rapporte {a) Btere-
„ wod après un méchant Auteur: (b) car les Arméniens & les Orientaux n'ont
„ point tant difputé touchant ce Sacrement, que les Latins ont fait, principa-
„ lenient depuis le tems de Berenger: & d'autant que les Arméniens n'ont ja-
„ mais examine cette difficulté, ils font demeurés dans les termes généraux dti
„ changement des fymboles au corps & au fang de nôtre Seigneur. Galanus,
„ qui rapporte quelques uns de leurs Synodes & les difputes qu'ils ont eues a-
„• vec les Grecs, ne fait aucune mention de cela, mais feulement de ce qu'ils
„ ne mettent point d'eau avec le vin en celebrant la Liturgie, & de ce qu'ils
„ conCicrent en pain fans levain à la façon des Latins. Ce que le même Brere-
„ wod rapporte touchant le (c) Purgatoire, doit être explique felon ce que
„ nous avons dit ci-deffus des Grecs & des autres Orientaux : & il y a bien de
,, l'apparence, que ce qui eft dit au même lieu; qu'ils nient que les Sacrc-
„ mens ayent la vertu de conferer la grace, eft unechimere de quelque Dodeur
„ Scholaftique, qui s'eft imaginé que les Orientaux étoient inftruits de toutes
„ les
cininte de leurs v o i f i m , ou de qnclqu'autre bïfoin p r e r m t , ou de certaines vues de quelques tuniculiers,
on du defir d'etendre l'Empire i - J . C. & celui du Pape. Les Latins fe prévalurent beaucoup au
commencement du quatorzième ficcle du caraCfctt: que l'hiftoite donne à Hayton Roi d'Arménie, & dé!
JTordres d« « t Etat L'an 1 5 0 7 . on convoqua un Synode pour faire la reunion. Elle fe fit en effet
d u n e partie de 1 Eglife Arménienne, & lubfiftc encore : mais ce ne fut pas fans caufer des troubles, ni
fans rencontrer de nouvelles oppofitlonSj qui amencrent enfin la ruine de l'Etat.
(a^ Bro-av. des Lang, & Xtlig. chap. 14. ' ..
- ( i ) dit des Arméniens, „ i l s g o j e n t UT/anfubftandation dans le fens d e l'Eslife Romai™. "
Cet aveu eft fuivi d une reflexion un pcu forte "Frîrres avHes-lie g l o ioe & d,, Scheifes reçment
„ fans peine un Dogme (i profitable , & q u i infpire tant de veneration poUt les Minillres de l'Autel &'c
Il ajoute un peu plus bas. ,, Ce n'eft que depuis peu que les Atmeniens ont commencé à asitet k TO-
„ tiere d de e l la à Tranfubftantiation, dont même le i» D n o ^ e n'eft _'„a pas — univerfellcment —r is. _ reçu &.. c. " "Selon .
le P.
le Bytfn Tome I I I . de fes Lit^irgi
'eft avifc de queftionner les Arméniens fur le poiiit de l'EuI
chariftie qu'au ficde dernier; & quand on leur dit
„ q u ' i l y ; voir en France une nouvelle Seéte de
„ ,C hr é t i. ens , q'u i ne, cro^y oie-n t 'p as la 'p réfen, ce Ré..e lle Si & la , Tianfubftahriation &— qui — difeienr ""UU-.H lutuic même'que
uuc
„ les Orientaux ne la croyoient pas non plus, ils regardèrent cette penfce comme une extravagance "
Dans vme lettre écrite aux Schifmatiques Arméniens au commencement'du quatorzième fiecle, on leûf
reproche feulement de fe fervir de Calices de terre, de ne vouloir pas donner la Communion'fous uoe
feule Efpèce, & de b donner aux enfans avant l'âge de raifon. Il paroit auffi, par tout ce que Tonrntfm
rapporte de la Mefle des Arméniens, qu'ils croyent la Trahfubftantiation.
(c) iJ<wnr,dans i'Etat de l'Egbfe Arrmnicnve, s'explique plus en détail fur cette matiere. „ L e s Arme-
„ niens croyent qu'aucun. . . . Samt, à l'exception du Prophète Elie & de la Bienheureufe Vierge
„ n'eft dans le Ciel, ni en corps, ni en ame: qu'un fidelle mourant dans l'état de Grace ne va pas
„ immédiatement en Paradis, ni un reprouvé droit en enfer, mais que les uns & les autres font i-erenuç
i , en chemin & placés dans le même lieu, qu'ils nomment GajeyJ^, qui eft ce huitième C i e l , o u le Ciel
„ des Etoiles, dans lequel. . . . on ne fent aucune j o y e , on ne fouffre aucune douleur' qu'autant
„ qu'une bonne o u une mauvaife confcience eft capable de procurer l'une ou l'autre. Ceux qui forcent
„ de ce monde chargés de menus pecliés. . . . vont auffi dans le où par les aumônes & les
„ bonnes oeuvres des fiddles d'ici-bas, ils font délivrés des peines dues à leurs crimes. Les Ames des
„ juftes né j ouïront de la préfence de D i e u qu'après la Refurreftion. . . . jufqu'à ce jour-là elles font
„ remplies de certains rayons de la himiere & de la Gloire de D i e u . " Le P. Mo»kr dans (â Rekt de
fArmeme Tome VI. du RfCneil de Voyages ah Nord, npporte ce même fentimem en gros ^'ajoute enfmte,
„cependant les Arméniens dans les prieres publiques, demandent à D i e u , qu'il place les ames des
„ défunts dans le Royaume du Ciel avec les Saints, & ajoutent, que les Saints font dans la gloire
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les Anges. Voilà une contradiftion afiés marquée." Le méme'pere dit auffi. „ Ils croycnt que T.
„ C. dcfccndant aux enfers en retira les damnés, que depuis ce tems-là il n'y a plus de Purgatoire &
„ & que les ames feparées de leui-s corns font errantes dans la region de l'air. " Ce que Touruefon raporte
approche afies de ce GayMk^Aont parle Ricam. Voici l'endroit. „ La plûpart des Dofteurs Arméniens
„ font du (entiment, que les Ames attendent le jugement univerfel dans un endroit qu'ils placent entre
„ l e C i e l & l a T e r r e , o u elles fe flattent de jouïr un jour de la g l o i r e ." pourtant, commue i'il,dansl/t
crainte d'être condamnées à un fipplice éternel. Mais ce qui met le comble aux idées contradidoires de ce
Peuple, c'eft que le même ToHrnefort ajoute, „ q u e ne voulant pas entendre parler du Purgatoire, ils
„ ne laiflent pas de prier fur les tombeaux & de faire dire des MelTes pour les morts. "
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