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336 D I S S E R T A T I O N S SUR LA
les partis, & d'ordinaire j'ai choifi. les plus remrrquables. Il eft certain tjuc j'aurois
pu en rapporter beaucoup d'autres, & peut-être même de celles que l'on
trouvera marquées de quelque circonftance notable. Je pouvois donner auCTi un
détail hiftorique des conférences, des colloques & des controverfes qui auroienc
pu devenir des voyes de reunion. Ci l'un des deux partis eut voulu ceder,
ou qu'il y eut eu de part & d'autre dans ces combats de Religion autant
de bonne foi, de generofité, de vrai courage que les gens de guerre en exigent
dans une querelle qui (è vuidei d'homme à homme par les armes. Mais outre
que ces détails ne font gueres du reflbrt de cet Ouvrage, je ne crois pas que
j'apriflerien de fort interelTant au lecteur, en lui difânt par exemple, qu'en divers
tems un Jaques André Schmidlin, Theologien fort emporté, & fort turbulent,
Se qui méritoit plûtôt de relier à l'atrelier de fon pere, que de prefider
à des conférences de Religion, chercha toute (à vie à opprimer & les Reformes
Se les Catholiques Romains fous le poids de cette autorité perficutrice
que les Lutheriens reprochoient à Rome; (a) qu'en l'année 1 5 1 ; 4 il y eut un
Colloque à Mulbrun, fous l'autorité de l'Eledeur Palatin & du Duc de Wirtemberg,
entre les deux partis. Luthérien &: Reformé, pour voir de s'accorder
fur l'Euchariftie, cette pierre d'achopement, qui arrête depuis fi long tem.s
tous les partis du Chriftianifiiie : mais que pour défendre un fentiment non
moins incomprehenfible que celui qu'on reproche aux Catholiques, ce Schmidlin
employa les plus abftirdes fophifmes, & avança hardiment toutes fortes de
paradoxes infoutenables; qu'enfin le Colloque fait fuivi d'une foule d'écrits p a t
îionnés, qui ne produifirent d'autre effet que celui d'irriter encore plus les uns
& les autres, & de montrer au grand jour las excès de cet efprit theologique,
qui plûtôt que de ceder fe retranche fous les exprellîons les plus dures, pour
ne rien dire de pis. Donnons en ici un exemple. Un certain M.arbacliius zélé
Lutherien écrivant contre un Sacramentaire s'exprime ainfi „ (l) Nous croyons
„ non feulement que Jefus Chrift, après être monté au Ciel dans fa nature hu-
„ maine, & s'y être affis ä là droite de fon Pere, eft perfonnellemcnt ( c'eft-
„ à-dire dans cette humanité) avec le pain & le vin (de la Cene, ) mais nous
„ croyons même qu'il eft par fon humanité dans l'enfer, qu'il eft de même
,, dans chaque verre de biere &:c. " Dans un autre livre il difoit (f) encore,
qtte les Viables font dans le même Ciel m J . C. eß mmtéi paroles par icfquelles .à la
vérité, il ne prétendoit que foutenir avec exagération l'Ubiquité de l'Humanité de
J . C. mais l'cxpreffion n'en etoir pas moins choquante, ni moins capable de révolter
les ames fimples. Qu'on eut demandé à ce Lutherien s'il entendoit ce
qu'il difoit, il auroit bien ofé l'afirmer : qu'après cela on lui l'eut parlé de
la Tranfubftantiation, il n'auroit pas craint de fe déchaîner contre l'abfurdité de
ce dogme, & de traiter les Papißes de gens qui trahilfent leur confcience,
qui (è moquent dans le coeur du dogme qu'ils défendent de bouche , qui
n'oferoient dire qu'ils s'entendent, 6c qui font du myftere du Sacrement une
operation de Magie.
J e n'ai pas non plus juge à propos de faire l'hiftoire du formulaire Se du
livre de la Concorde. Elle eft du reflbrt de l'Hiftoire Ecclefiaftique ; J e me contenterai
feulement de donner une idée generale du formulaire qui fut en 1 5 74
le
C*i) Voy. Hofpin. Hijf. Sacrttm. pait. ult. pag. 554. & fuiv.
- Ci) Nos LutheriJni creMmus, ijiiod Chriflns, foflijunm kttm^mme ß.i i>t cxlfim nfcendit, ^ nd dixleynm
palrijfid:!, »on lanlum cumpnie & vino, fed eiiam ffi hfcriio, (Ir rnio tjvo^ue c.inlhuro cervifit/to firfi)iali-
1er prtefinsßt Scz. ex Hofpin, ubi fup. p. öi^.
(c) In tlh calo m qitod fifcendit Cbriflm vtimJ DMOS rjfe. Hofpinun. Ibid.
R E L I G I O N DES PROTESTANS. 337
le fruit d'une affemblée à Torgau de quinze Theologiens Lutheriens outrés. Le
formulaire a dix articles affirmatifi Se vingt négatifs contre [a) les Catholiques
Romains & contre les Sacramentaires. Les dix affirmatifs contiennent le fentiment
des Lutheriens touchant la préfence réelle, (b) -veritable ^ epntielle du
corps & du (àng de J. C. dans la Cene. Les vingt négatifs rejettent les doctrines
oppofées : mais qu'on ne s'attende pas d'y trouver des termes apoftoliques
& des fcntimens de charité. On devoir du moins attendre cela de la part
de ces Théologiens Evangeliques, fortis feulement depuis environ cinquante ans
de Rome, qu'ils traitoient de perfécutrice Se d'ennemie de la charité. Mais point
du tout: le formulaire s'exprime avec toute la paflion de ceux qui veulent regner
fur les confciences. Le ientimentdeCarloftad y eft traité de boufonerie, celui
de Zvingle de folie Se ainfi des autres. Les uns font des enragés, les autres
des finatiques. Calvin, Bçze, Bullinger en répandant leurs fentimens ont
répandu par tout des blafphemes. Le dernier article négatif, qui rapporte douze
ou quinze objeûions atfés fortes contre la préfence réelle de l'humanité de J.
C. contient en même tems un dechainement violent contre les S.icramentaires
Se contre la Meflè. Mais toute compenfation faite les Catholiques Romains diront
toujours, qu'il ne leur (e) coûte pas davantage de foutenir la Tranfubftantiation,
qu'aux Lutheriens le dogme de la Préfence réelle. Au refte ce n'eft pas
aller trop loin que de traiter ces Théologiens de perfécuteurs ; puifqu'à la fuite du
formulaire vinrent l'exil, l'emprifonnement, le banniflèment de ceux qui refùfc
rent de le foufcrire. C'étoit faire une confpiration contre l'Etat que de communiquer
avec des Sacramentaires, de divulguer leurs livres Se d'écrire pour 11
défenfe de leur opinion. (;() Peucer, célébré par fés écrits, &: quelques autres de
ce tems-là penferent être les viftimes de cette violence & je dois faire fur tout
remarquer ici les trois chefs d'acculâtion intentés contre ce Peucer quelques
mois après que le formulaire eut été fabriqué à Torgau. i. On accula ce Médecin
Anti'Ubiqaifte d'avoir confpiré contre l'Etat, & on le fomma, fous peine
d'être mis à la queftion, de déclarer fes complices, z. On voulut aulH le forcer
de déclarer les Theologiens Se les Confeillers de la Cour de Saxe, avec lel^
quels il s'etoit entretenu au préjudice du fenriment Lutherien. 5. On l'acculà
indirectement d'infidélité envers fon Prince, ou tout au moins on voulut foutenir
à Peucer, qu'il ne pouvoir lui être fidelle, parce qu'il ne penfoit pas comme
lui fur l'Euchariftie. Il convenoit bien à de telles gens de crier contre l'Eglife
Romaine.
Il fe fit en 1 5 7 i à Torgau un fécond formulaire de Concorde, par lequel
on acheva àzCanmiifer, c'eft ainfi que s'exprime Hofpinien, l'LJbiquite fi chere
au parti. Mais en 1 5 7 7 lîx autres Theologiens allemblés dans le Monaftere
de Berg près de Magdebourg mirent la derniere main à cette Concorde, & c'eft
ce formulaire de Bergue qu'on appelle maintenant le livre de la Concorde, où
quelques Puillances Proteftantes blamerent que l'on condamnât tout autre fentiment
Crt) Il ed pourtant à rem.wquer, que Luther/«/r cher pere, (tjofier diltElHl paler) comme l'appelle le
formulaire de h Concorde dans un de fes articles, fe conduiiit d'abord d'une maniéré fi incertaine & fi
douteufe, qu'il ne put s ' e m p ê c h e r de bazarder la permiCTion de croire & la Tranfubftantiation & k Confubftantiation,
£'eft-à-dire le fentiment qui unit le corps de î . C. au pain de la Communion. „ Te ne
„ comdamne pas, difoir il, l'aittre opinion, (delà Ti-anfubftantiation) je dis feulement que ce n'eft pas
„ un article de foi Je perniets l'une & l'autre opinion, j'ôte feulement le fcrupule. "
(b) Termes du formulaire. V. Hofpin. in Concord. Difcorje p. 59.
(CJ Voy. fur cela Bolîuet H'fi. dei Fariat. L. i. & Hofpin. Hiftor. Sacram. parc. 1 . p. ytf, i l'en-;
droit qui commence, vicit er^o Trmfubfiantienio Romana.
id) Voy. les perfécutions qu'il foulFrit eti Safe dans l'Hiftoire delà Concorde par Hofpinien,
Tome m. Part. U. 0.141
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