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fc rcfoudrc à approuver de tels defordres. Mais d'autres auteurs ennemis auflî
déclarés des Vaudois que celui que je viens de citer les ont juftifiés de tous
ces crimes. Entre les anciens Rainier,qui d'abord fut un {a) des Barbes de la
Sede & devint enfuitelnquificenr, n'impute rien de femblable aux anciens Vaudois.
Entre leurs ennemis modernés je n'eil connois point, qui ait feit cas
de cc Roman, ou qui du moins n'ait corrigé une fi noire accufàtion par un
mi diîj èc je fai bon gré {h) au P. Benoit, cc Dominicain fi zélé contre les
Vaudois, & qui ne manque aucune occafion de les maltraiter, d'avoir eu affés
de force d'eiprit pour (è retenir fur l'article des aflemblées nofturnes. Un autre
auteur, qui bien loin de ménager les Heretiques, ajoute volontiers des erreurs
imaginaires à celles qui font avérées, dit fimplement des Vaudois {c)î
, , que le Duc de Savoye les (buffre dans leur Religion à caufè de leur fimpîiciîé
,, ^ de leur foumijfîon à lui payer leur tribut ". Si les Vaudois fàifoient des afïèmblces
nocturnes & clandeftines, cctoit pour éviter {d) les perfécutions de leurs
ennemis. Mais en filloit il davantage pour leur imputer les plus infâmes de
tous les crimes? Les zélateurs bigots de la Religion d'hahitude ne manquent jamais
de mauvais moyens pour détruire ceux qui s'clevent contre eux \ &c l'on
diroit prefque qu'ils comptent les artifices Sclesfoupçons au nombre de leurs articles
de foi. Lors qu'un célébré Dodeur du fiecle pafle eut commencé de s'écarter
du chemin battu, on fit de lui un forcier & un Magicien qui fè trouvoie
exaftemenc au Sabat ôc y adoroit le Diable : on le fit membre d'une prétendue
afTemblée de Bourg-fontaine , où l'on travailloit>di{bient les bigots, à
anéantir la Religion: & cela lâns égard à l'anachronifine, puis qu'au tems de
cette aflemblée le Do6leur n'étoit pas même forti de l'enfance.
On trouve que les Vaudois furent aullî accufés de magie & de fortilege :
mais rien n'eft plus ridicule que l'imagination des Catholiques, de ceux-mcme
qui étoient leurs voifins. (?) Ils fc repréfentoient ces Vaudois avec un
ccil au millieu du front, comme les Cyclopes, & dans la bouche quatre rangées
de dens longues & noires. Ils fc perfûadoient que ces monflrueux Heretiques
mangeoient les petits enfans tout rôtis. Il eft bien plus furprenant qu'un"
Duc de Savoye ait eu afTes de crédulité pour ajouter foi à ces contes, (ƒ) ôc
qu'il ait fallu, pour le deHibufër, lui montrer des enfàns de ces Vaudois.
Venons à quelque chofè de plus fërieux. Les Vaudois ont une Difciplinc
Ecclefiaflique afTés fimple. Leurs Miniflres s'appellent Barbes^ riiot qui en
François fignifie (g) Oncle. De ce nom de Barbe eft venu celui de Barbet, que
les Catholiques donnent communément aux Vaudois. C'cft, dit on,par une
efpèce de refped que les Vaudois donnent ce nom d'Oncle à leurs Pafteurs
& même aux perfbnnes un peu âgées, qui méritent de la deference : ulagc
affés ordinaire aulTi en Provence, en Languedoc & ailleurs. Selon {h) Gilles
la raifon qui fit nommer les Miniftres Barbes fut, dit-il, pour m découvrir
leur qualité h lieux ^ tems dangereux. Chez les anciens Vaudois les Barbes inP'
(d) D'autres difcrit des Cathares, Ci tant eft que ces CathMres foient d'autres gens que les Vaudois. Ce
Rainier ou Reynicr avoir vécu dix-fepc ans parmi les Cathares,
(è) Auteur de YHiftoire des .ilbigeois &:c. ubi fup.
(c) Hijhire des Religions par Jovet.
{d) On trouve dans les Hiftoires des Vaudois par Gilles & Ltger & dans celle des yariatkns des ElU'
/es Prêteftames par Mr. Boffiiec diven te'moignages des bonnes moeurs de ces Vaudois. "
( 0 Gilles Hiftoire Eccltf. des Eglifes &c. pag. 394.
( ƒ ) Gilles ubi fup. pag. 17.
(g) Selon Menage il fignifie aulTi ^ o m dans le language Vénitien.
ih) Ubi fup. — • -
R E L I G I O N DES PROTESTANS. 321
rruifoient la jeunefTe bc prenoient foin des Ecoles. Entre ces écoliers ils choifil^
foient les plus propres au minifterc les retcnoient auprès d'eux pour les former.
L'exercice du mimjlere, dit l'hiftorien Vaudois cité à la marge, (<i)n'empcchoit
pas qu'ils ne prijfent cotmoiffance de quelque métier, ^ fpéci^lement de Medecine ^
Chirurgie y en quoi ils étoient fort entendus . . . ^ s'y exerçaient tant pour en
fouDoir fecourir charitablement . . . . que pour leur feruir de couverture ^ aide
. . . es njoyages lointains ^ dangereux. La Difcipline des Vaudois rapportée par
l.eger ne dit rien qui ne foit afles conforme à la Difcipline des Reformés. A
l'égard de celle des anciens Barbets, il faut encore écouter le rapport de Gilles,
Ils tenoient tous les ans un Synode, & prefque toujours au mois de Septembre.
C'étoit alors qu'on examinoit les Propofans, qu'on en faifoit des Minify
très, qu'on en deftinoit à des voyages ou à prêcher dans d'autres Eglifes. Les
Pafteurs capables de voyager s'affujetciflbicnt volontairement aux voyages. Ils
accoutumoicnt leurs dilciplcs à une obeïdance fans bornes. Outre les Synodes,
ils avoient leurs aflemblées extraordinaires. Toutes ces aflèmblées, au rapport
de l'hiftorien V a u d o i s , p a r Députés de tous les quartiers de l'Europe où
fe trou-voient des Eglifes Faudoifes,c^ni pouvoient en envoyer. Quelques- uns des Barbes
étoient mariés ; cependant la plus grande partie sabjîenoit de Mariage non par fcrupuîe
de confcieiice^mais pour être plus libre à fui-vre leurs Vocations aux Eglifes plus éloi^ées.
Les Vaudois celcbrent aujourd'hui le Baptême & la Cene d la maniéré des
autres Reformés: mais julqua l'année 1(330 lelon Leger, (b) ils avoient toujours
pratiqué la triple afperfion au Bapccme & la triple fradion à la Cene, »
l'honneur de la Trinité. Depuis l'année i (> 3 o on s'eft entièrement conformé aux
ufàges de Geneve, & l'on a aulfi abandonné l'ufage de communier avec des oublies,
qui s'étoit obfervé jufqu'alors. On célébré la Cene quatre fois l'année comme à
Geneve.leneve. Avant celles di
de Noël Se de Pâques, tous les Pafteurs font la revue de leurs E -
glifes.ifes. C'eft alors que qi
fe fait le Catecliifrae dont je parlerai tout à l'heure.
La langue des Vallées étant un mélange de Provençal &c d'Italien corrompu.
le prêche doit fc faire en Italien : cependant on y prêche en l'une Ôc en l'autre langue
: les ades Ecclefiaftiques font en Italien. On tient des (r) Colloques en quelques
Vallées tous les premiers Vendredis du mois, en d'autres tous les derniers.
Ce Colloque eft compofé de tous les Pafteurs (de h Vallée) & d'un ou
deux Anciens de chaque Eglifc. Chaque Eglife a le Colloque à fon tour, &chaque
Pafteur y prêche de même à Ion tour. On traite dans ces Colloques des difFerens que
les Confiftoires n'ont pu vuider. Rien n'eft porté à la Congrégation ou Synode
general, que par voye d'appel de ces Colloques. Il arrive auffi que certaines
affaires capitales font renvoyées des Colloques au Synode. Je copierai
ici Leger. „ C'cft un règlement general obicrvc . . . partout où les Pafteurs
j , & Confiftoires font bien leur devoir, que de châtier fort feverement qui-
„ conque iroit plaider devant les Juges Papiftes : la Difcipline défendant fc-
„ verement à quelque perfonne que ce foit, d'avoir recours a lajufticccon-
3, tre fès Freres, fous quelque prétexte que ce puilîe être, fans avoir au préa-
„ lable remis fes intérêts entre les mains des Anciens des quartiers, qui ne les
„ pouvant accommoder les renvoient aux Confiftoires, & les Confiftoires
„ les obligent à convenir d'arbitres & à faire des compromis . . . que les
„ par-
(a) Cilles ubi fup. Chez les Reformes la Difcipline a défendu aux Miniftres toute autre profeflion que
le Minifterc. Voy. Dipf line des Eglifes Reformées de France ^iv d'Haijje.w Ch. i. Art. 19. On voit ici que
la néccflîté jiiftifioit la pratique des Vaudois.
(.ùj Ubi fup. pag. 2o6.
( 0 AOcmblées moins générales que les Synodes, appelîe'es Clafies dans la DifcipUne de France & en
Hollande.
Tome IIL Part. IL M m mm
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