
328 D I S S E R T A T I O N S SUR LA
„ charité mutuelle fubfiftaflent encore entre les Chrétiens i Je ne trouve rien
,, de reprehenfîble en cela, lis ont raifon d'avoir moins de deference pour les
„ Docteurs que pour la Ste Ecriture. Leur (èntimenc touchant les Fêtes
„ s'accorde affés aux u(àges de l'Eglife du fiecle de St. Jérôme. Aujourd'hui
„ le nombre des Fêtes eft exceflif".
Les Freres de Boheme deputerent vers Luther en l'année 1522. ôc en 1 5 14
mais, il fêmble que le Reformateur ne fit pas d'abord beaucoup de cas de
ces Freres. {a) Ce font, difoit-il, des gens ferieux ^ rigides y d'un regard farouche
y qui fe martyrifent auec la loi ^ les mwres. Ils n'ont pas la confcience
joyeufe. De leur côté les Freres trouvoicnt que Luther n'étoit pas aflcs rigide.
Ainfi la correfpondance commencée entre Luther & les Bohémiens fut interrompue
pendant huit ans, & ne fë renoua que vers l'année i y 5 z. ils publièrent
alors l'Apologie de leur doflrine & de leurs ceremonies. Luther la
fit même imprimer l'année fuivante avec une préfice de fâ façon. Je ne tranfcris
point ici les éloges que les Reformateurs donnèrent généralement à la Doctrine
& à la Difcipline des Freres, ni toutes les marques de fraternité qu'on
trouve dans les ouvrages des nouveaux Do6leurs. Cependant les Freres ne
s'étoient pas rendus tout d'un coup i la Dodrine de Luther, & il ert à préfumer
qu'avec cette fevericé de moeurs dont ils faifoienc toujours profelïion,
en {ê conformant {h) à la rigueur de leur difcipline, ils confèrvoient bien des
chofês de l'Eglife Romaine dans le tems de leur premiere deputation vers Luther.
Mais écoutons M. Bolfuet fur la maniéré dont les Freres fê dépouillèrent
peu à peu de ces opinions Romaines, {c) „ Les Freres avoient comme
j , nous fèpt Sacremens dans leur Confeflîon de 1 5 0 4 préfèntée au Roi Ladi-
„ flas. I s les prouvoient par les écritures . . . il 611oit qu'ils confcrvaffent
„ encore cette dodrine des lêpt Sacremens du tems de Luther, puis cju'il le
„ trouva mauvais. La ConfefTion de foi fut reformée , & les Sacremens re-
„ duits à deux, le Baptême &; la Cene, comme Luther l'avoir prefcrir. L'ab-
, , folution fût reconnue, mais hors du rang des Sacremens. En i 5 0 4 on par-
„ loit de la Confeflîon des pèches comme d'une chofê d'obligation. Cette
„ obligation ne paroit plus fi prccife dans la Confeffion reformée . . . pour '
„ la Prcfence réelle voici d'abord ce qu'ils écrivirent à Roquelàne
„ . . . . Nom crayons qu'm reçoit k Corps ^ k Sang de Notre Seigneur fous
„ les efpèces du pain ic. du v i n " (enfuire de quoi ils rejettent expreflément les
nouvelles Dodrines fur l'Euchariftie.) „ En 1 5 0 4 . ils difoient, que toutes
„ les fois qu'un digne Prêtre avec un peuple fidelle prononce ces paroles, Ceci
„ eji mon Coy^s , ceci ejl mon Sang, le pain prélënt eft le Corps de J . C. qui a
„ été offert pour nous à la mort, & le vin eft le Sang répandu pour nous. . ,
„ Ce Corps Se ce Sang font préfens fous les efpeces du pain 6c du vin. . . .
„ Us ajoutent, qu'ils en croiroient autant d'une pierre , fi J. C. avoit dit
„ que ce fut fon corps". Ils confirmèrent aflcs long tems cette dodrine,
& même par les termes les plus expreflîfs. Cependant ils refufôient l'adoration
à ce Corps de J . C. parce qu'il ne l'avoit pas commandée, 6c parce
que fuivant eux, il y avoit deux préfences de Jefus Chrifl:, (d) l'une corpo
W Luther. <•» C » % .
(é) Entre les éloges que le Réformateur de l'Allemagne donne â la Difcipline des Bohémiens, en
voici un remarquable. Depitii Us Apkrei ferfonne ff'i clé f t près qut Us Freres Bahemiens de U Doibme
^ de 11 Discipline Apoflolitjue.
fr) Ubi fup. L. X I.
(d) Ambages LtslhcTttnx & Mclmchrenita, di£bit un auteur du i6 fiecle.
il
RELIGION DES PROTESTANS. 339
porelle, & fcnfible qui mcrite l'adoration, l'autre fpirituelle & facramentellc,
qui ne doit pas la recevoir. „ Mais, continue M. Bolfuet, encore qu'ils par-
„ lent ainfi, ils ne laiflent pas de reconnoitre la fubftance du corps de T. C.
„ dans le Sacrement, . . . & cependant il ne nous eft pas ordonne, di-
„ foient ils, d'honorer cette fubftance du corps de J . C. conûcré, mais la (ùb-
,, ftance de J . C. qui eft à la droite du Pere Malgré cela ils s'emba-
„ raffoient encore d'une fi étrange maniéré, qu'ils fembloient apprehender de
„ lainèr un témoignage clair & certain de leur foi: car ils repetoient fins
3, ccflê, J. C. n'eji pas en ferfoïine dans l'EucharijlïsJ c'eft-à-dire, corporeîkment
>, & fenftbiement ; expreffions qu'ils oppofoient à leur maniéré d'être fpiritaelk,
„ qu'ils attribuent à J . C. dans le Sacrement. " Un Catholique fournis aux decifions
de l'Eglife trouve qu'il n'y a qu'à perdre à chercher avec tant de fubtilités
des vérités fuperieures à notre efprit : mais il feroit bien dur à un Protêt
tant d'être forcé à croire ce qu'il n'entend p.is.
Ce fut ainfi qu'infenfiblemcnt les Freres s'approcherent de Luther, mais toujours
avec des expreffions difficiles à entendre Cependant leurs expreffions,
leurs menatremens, leurs adouciflemens attirèrent enfin à leur Confeffion l'approbation
du Dofteur Saxon. Je ne dirai rien des nouvelles perfécutions qu'ils
fouf&irent depuis leur engagement avec Luther: qu'ils les ayent meritées ou
non, & qu'ils ayent confervé toujours la patience & l'humilité qu'ils croyoient
eflentiellcs au Chriftianifme, ou cju'au contraire l'efprit d'aigreur & d'animofitc
les ait Ciilis quelquefois depuis l'union, comme il en avoit faifi tant d'autres dans la
Reforme ; cela ne fait rien à mon fujet. Les perfécutions difperferent les Bohemiens:
il s'en réfugia un grand nombre dans la Pologne. Il s'y unirent en 1 5 7 0 au
Synode de Sendomit avec les Lutheriens 6c les Zvingliens. On doit hre dans
l'Ouvrage de M. Boffuet les reflexions qu'il fait fur cette union. C'eft un des
endroits du livre 011 l'on trouve le plus de finefle.
Les Freres de Boheme fe foutinrent dans leur Religion julqu'à l'année iGzi.
Alors les Revolutions du Royaume la firent entièrement fuccomber lôus le joug
de la dominante. En ! i ; i 4 les Eglifes des Breres furent détruites, on profcrivit
leur Noblefle, leurs Miniftres 6c leurs Dodleurs. Tout exercice public &
particulier leur fut interdit. Toutes les Ecoles furent fermées, & les livres contraires
aux Dogmes Catholiques btulés. Les perfécutions firent périr la plus
grande partie des Frétés & difperferent les autres dans les pais étrangers. Le
peu qui eut le courage de refter fe tint c.àché dans les entîroits écartés, pour
mieux échapcr aux Anges extermnatems. Tel croit l'état des Freres en Boheme
& dans la Moravie, lorfque Comenius, qtii étoit lui-même un de ces Freres
fugitifs, écnvoit fur la Dilcipime de fon Eglife. Je devrois remarquer ici les
fautes de {a) Jovet &c de quelques autres Catholiques, qui ont écrit (ur les Religions
feparées de la Communion Romaine. Il eft certain que les mémoires fur
Fefquels ils ont travaillé font pitoyables.
J'abregemi ici la Difcipline de ces Bohemiens. La premiere chofe qu'elle
défend c'eft d introduire de nouveaux fentimens é" de nouveaux dogmes, c'eft d'établir
des ceremonies nouvelles & inconnues, de pubher des livres fans aprobation
& fans le confentement de {h) l'Unité: fur quoi le bon Cotnenius fait
cette reflexion. „ Plut à Dieu que cet ordre fut fuivi par tout ! & qu'il ne
„ fut point permis i des particuliers de faire des changemens i leur fantaifte é"
'„ fans h confentement de toute l'Eglife. Parce qu'on n'a pas obfervé cette regie
„ dans
( j ) Auteur d'un livre intitulé Bifiaire des Seligim du Mende, qUE i'ai cité ci-delTus.
(i) C'eft ainfi que les Freres appellent IcutEglife.
Tome lU. Part. IL Oooo
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