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V. DISSERTATION
o u L ' O N T R A I T E D E LA
R E L I G I O N
Et des USAGES des REFORME'S appeîlés
vulgairement C A L V I N I S T E S .
[ E Calvinifiric a rafinc fur tout ce cjue Luther avoit trouve fupportable.
J'oferois prefque comprer ces deux Reformations
à deux prudes. L'une a renoncé à toutes fortes d'atours, même
à ceux qu'elle pouvoir conferver avec bienfeance ; l'autre
ne pouvant oublier entièrement ce qui la paroit, lorlqu'elle ne
s'attachoit qu'à plaire, conferve encore dans fa Reforme des ornemens afles cclatans
pour faire connoitre ce qu'elle étoit autrefois. Une autre choie en quoi
ces deux Reformations reffèmblent aifés aux prudes, c'efl: la liberté qu'elles fe
donnent d'examiner tout & de decider avec rigueur en faveur de leur retraite
où toutes les autres Religions leur paroilfent autant de coquettes. On s'imaginera
peut être,en preffant trop la comparaifon, quclecaraaereduCalvinifme
doit être .iblôluinciit opofé à la toleM">-^> poicc ijuc les prudes s aiment i!c s'eftiment
feules : mais il faut ie teflbuvenir ici que, les comparaifons ne font jamais
entièrement juftes. Voici donc la différence. Le Calvinilme étant une Religion
fondée fur ['examen & fur la ffiritualité, il en rcfulte néceffairement une tolerancc
(ans bornes & une liberté exceifive: cardirat'on, fi ma conicience & mes lumières
me conduifènt à d'autres opinions que les opinions étabhes, & li elle me dicte
encore que je dois éclairer ceux qui font dans l'égarement, pourquoi me
refùièra t'on la tolerance ; Pourquoi me refùièra t'on la liberté de dogmatifer
? J e n'ai changé de lyftême ou de Religion qu'après l'examen ; un mouvement
de charité m'induit à perfuader les autres, & quand même mes lumieres
feroient bornées, je fuis pourtant toujours excufable d'avoir obeï à ma confcience.
On ne (àuroit empêcher ces effets de l'examen. Le permet on à tous les
hommes fans diflindion , il fera jufle de tolerer aulTi toutes les nouveautés
qu'ils débiteront, quand avec une fimpUcité app.irente ils nous auront perfuadé
qu'ils obéïCfent à leur confcience. Ces excès pourroient mener loin : cependant le
CalviniCne ne veut pas les croire dangereux. Comme il s'efl établi par l'examen,
il continue dans la même liberté, & f e moque hardiment de ces (a) timides
Papifes, cpi Ce contentent de trembler (J) à la vue dss profondeurs du ChriJIimif.
me, fans avoir la force de faire u&ge de leur raifon.
La tolerance & la liberté ne font pas moins inlèparables de la fpiritualité des
Cal-
(rt) Lss Icfteiirs Cath. Romains ne doivent pas fe choquer de ces exprefllons. On ne les employe
que dans les endroits, oîi il faut nccefTairemenc les emprunter des Reforme;.
{b) Sanilihs i^fn ac rcvtrentm vifum de a^is Dcorum crcdm qu.tm fcirc. Tacit, in CrrmAma.
DISSERT. SUR LA RELIGION DES PROT. 381
Calviniftes : la dofcription feule de cette fpiritualité pourra convaincre les leélcurs:
J'appelle ici fpiritmlité cette reduBion du culte à la médit.ation , à la pricre &
au Sermon, fans admettre aucun extérieur, aucune ceremonie, aucune pompe
qui fixe l'attention du peuple. AOemblés entre les quatre murailles d'un
temple, où (a) rien ne frappe qu'un Miniflre dans une chaire, ils fe croyeht
tous également capables d'adorer Dieu en efprit, Si d'arrêter leur médication
fur l'Etre fuprème fins aucun fecours extérieur : mais les Reformés ne préfuincnt
ils pas un peu trop de la capacité des moindres fidelles? & cette grande
fpiritualité ne il ate telle p as agréablement ceux qui il'aiment rien de gênant
dans la Religion, ou qui fe croyent (h) fuperieurs à tout le refle des Chrétiens
par leur elprit î Ajoutons que les hommes font trop expofcs à l'influence
des objets qui les environnent, trop attachés à leurs (ens, & trop diffipés
dans une infinité de penfces qui occupent plus agréablement que la Religion
, pour qu'ils ne tombent pas infenfiblement dans la nonchalance à fon
égard. Cette forte contention de l'ame, qui l'éleve au deffus des fens efl fort
r.ire dans le cours de la vie civile : le feroit elle moins dans la Religion î
J e n'ajouterai rien .à ce que j'ai déjà {c) rapporté des commcncernens
de la Reformation de Calvin: mais j'ajouterai au caraftere de ce Réformateur,
qu'avec la hauteur & cette obflination mêlée d'aigreur & d'emportement
qu'on lui a toujours connues depuis le commencement jufqti'à la f i n,
& qu'il a eu en commun avec Luther, il fut pourtant moins fujet aux variations
dont on accufe le Reformateur Saxon , & que malgré ce fiel
qu'il rep.ind en beau Latin contre fes adverlâites, foit Catholiques ou Luthériens,
il ne s'efl: jamais laiffé aller aux injures baffes & aux boufbnneries plates
que l'on reproclie à Luther. On doit même cette juflice à Calvin,
qu'il a foutenu par fa maniéré de vivre 6c la inuJcme de fon état le culte
fee & décharné qu'il a laiffé en partage à fes Sedateurs : culte au refle dont
on peut dire, qu'il convenoit affés bien à l'humeur & au temperament de Calvin
, qui ne s'accommda jamais d'aucun éclat exterieur.
J e n'entreprendrai point de faire pafler en revue les articles de toutes les Coafeflions
de Foi , qui depuis le commencement de la Reformation Calvinifle
ont fervi à juffifîer,expliquer & établir la Doftrine de l'Eglife Reformée:
encore moins entreprendrai je de fuivre ces Confefîions dans les incertitudes
& les ambiguïtés qu'un célébré Prélat leur attribue dans un des {d) ouvrages
le mieux fuivi & le plus ingenieux qu'on ait vu dans tout le fiecle paffé. J'indiquerai
donc fimplcment (e) plufieurs de ces Confeffions dans une remarque,
& , e
{a) On pourrolt appliquer aux Reformés ce que Tacite dit du Temple des J u i f s , fedts & im.
nia arcana Hift. L. V.
(b) „ Si le culte qu'il ("Calvin) introduifit parut trop nud i quelques uos> cela mcme fut un nou-
„ veau charme pour les beaux efprics, qui crurent par ce moyen s'élever au deflus des fens, & fe dif-
„ tingucr du vulgaire & c . " Bolluet H i j l . des Far. Livre 9. On croit avoir remarqué que le Calvinifmc
entraina plus de beaux efprits & plus d'efprits forts que la Reforme de Luther.
Co V o y . la prem. Dijfertatian.
(d) L'HiJioire des VariAtions des E^ifes Protcjlantes.
( f ) On trouve d'abord la Confeiîion de Strasbourg & de trois autres Villes d'Allemagne. V o y . la
première Differtation fur la Religion des Proteftans page 294. Dans la mcme année on trouve celle de
Zvinglc. Celle des Refotmés de Bafle eft de l'année 1 5 5 4 . Ils la donnèrent pour fe j u f t i f i e r du reproche
qu'on leur fiifoit en Allemagne > <]if'ils avaient une Cent fins Chrift. Celle des Treres de Boheme eft da
1 5 5 5 . Elle paroit tout à la Tois Lutheriene & Calviniene dans l'extrait qu'en donne Hofpinien Hifi. Sacr.
im. pag. s. pag. 2 1 9 * & î i o . En Bullinger, Myconius , Grynoeus, Leon de J u d a & Mcgindcr
curent la commiffion de rédiger par écrit celle des Eglifes Helvétiques pour la préfenter au Concile
general. Ce fut cette même Confeflion dont Luther d i t , lorfqu'elle lui fut préfcntéc à Wittemberg,
Ijuil la rcconnoijfoit four frthodoxc, quoi qu'il s'y trouvât des Kïtnts qui souvoUnt faire de la peina
Tom. I I I . Part. I L Ddddd