
2 6 4 i n . D I S S E R T A T I O N S U R LA
I'Eglife principale potTcde la Robbc de Jefus Chrift & im Tableau de la Vierge
Élit pat St. Luc. Le Ruffes reg.irdent ce Tableau comme le Palladium de
î'Erat, d'autres Eglilès poflèdent quelques corps de faints 'du. païs : trente-fix
caiffes d'or & d'argent, pleines de Reliques trcs-confiderables , (e confervent
dans l'EgUfe de tJnnmclatim. Ces caiffes contiennent entr'autres du fang de
Jefus C h r i l t i une main de St. Marc, quelques oflêmens du Prophete Daniel
&c. Les Images, qui d'ordinaire font peintes en huile fur du bois , doivent
être Eites par un Molcovite. On les v e n d , ou ièlon la manière de s'exprimer,
on les troque au marché pour une fomme d'argent. Les vendre (êroit un péché :
mais du tems d'OIemtis le Patriarche ne pcrmettoit pas aux étrangers d'en avoir
chez eux, de peur qu'ils ne les prophanaffent. La précaution alloit fi
loin , la) „ qu'un Hollandois a p n r acheté une maifon de pierre, celui qui
„ l'avoit vendue racla la muraille à l'endroit où l'on avoit peint l'image &: em-
„ porta la raclure". Les murailles des Eglife (i) font toutes couvertes d'Images,
qui, outre Jefus Chrill & la Ciinte Vierge, reprcfentent St. Nicolas
& des Saints particuliers que les Mofcovites fe choififfent pour Patrons. Dans
les maifons (c) l'Image du Saint eft pendue vers la icnetre avec une bougie dev
a n t , dans les rues il y en a d'expofées à la devotion publique „ la plupart,
„ dit Carlijk, dans des caifl'es vitrées, fur les portes de la ville ou d'une E-
„ glilè, ou dans quelque carrefour ". Quelque preffé que l'on foit, on les
{àlue, non pas en pafTànt ; mais en s'arrctant un inftant pour leur faire une
priere jaculatoire, la tcte nue , avec demi douzaine de reverences & autant
de fignes de Croix. La premiere chofe qu'on doit 6ire en entrant dans la
chambre d'un R u f l j e n , (d) c'eft de regarder à l'Image en faifànt un figne de
C r o i x , en diCint (e) kHoffodi, & s'inclinant avec r e f j j e a , après quoi l'on
falue le maitre de la maifon. Chez les pauvres, où les Images des Saints
font ordinairement mal logées & mal entretenues, dans un lieu obfcur, fans
bougie & fans aucune marque d'honneur, le RuiTe dévot qui craint de manquer
à (on devoir a la précaution de demander, où efl Dieu (ce Dieu c'eH le
Saint de l'Image.) Cette devotion fî condamnable dans lès excès eft fondée fut
la Divinité que les Mofcovites attribuent à leurs Images, & (ur une infinité
de miracles qu'ils en racontent. Mais le pouvoir d'en faire n'empêche pas les
Images de s'ufèr & de vieillir- Alors on les enterre dans un Cimetiere, ou
dans un jardin ; quelquefois on les met dans la riviere, afin que le courant les
emporte. Ce feroit manquer au refpecl que de les jetter.
Les Images fuppofcnt des Saints & les Saints des pelerinages. Ces trois choies
font trop relatives les unes aux autres pour les pouvoir fèparer. L'invocation
des Sainrs fiit donc une partie conliderable du Culte Religieux des
Ruflîens, mais St. Nicolas l'emporte fur tous les autres s'il eft ordinaire eu
Ruffie de joindre le Czar à Dieu (ƒ) lors qu'il s'agit de quelque aiEiire imp
o r t a n t e , il ne l'efl pas moins de mettre St. Nicolas (g) à la place de la Providence)
Oltfriiii Lib. 5.
( h Ainfi le dit OliarÎHS. Carlijlc dit au contraire dans la ReUtieit de fit mis nmhajfadti , „ qu'outre
„ celles de J . C. & de la Vierge Marie, il n ' y en a que fort peu dans les Eeliies " .
w Certijl, ubi Ttip.
( d ) Perrj ubi fup. pag. 1 1 3 . OUmui & autres.
(0 Seigneur ayés pitié de moi.
( f ) V o y . Perrji pag. 11 î . & autres. îls difent fouvent Dieu efi f m , m j f i bien ejue le C^nr. Si Dieu
& le CXar le fermenettt.
(g) Quand par exemple on leur demande combien de tems ils feront à faire un voyage,ils répondront
t t f t de lems l'ilpkit u Saint NicaUl.
R E L I G I O N D E S G R E C S . 265
vidence. C'eft principalement aux endroits où les Saints fè font diftingués ,
que s'adreffent (a) les Pèlerinages des devors. Les Czars eux-mêmes (di!
moins ceux qui ont precede l ' k n e le Grand] ne fe font pas difpenfés d'en faire.
Olearias en rapporte deux, je renvoye le ledeur à cet habile voyageur.
La même relation qui fe voit entre les Images, les Saints & les Pelerinages,
doit fe trouver nécellàircnicnt avec les Féus & les Procejlîmis. Comme les
Fêtes folemnelles des Mofcovites font les mêmes que celles du Calandrier des
Grecs, il feroit inutile de s'y arrêter , & il le feroit tout autant de s'arrêter
aux Procelfions, excepté à celles qui ftint particulières aux Mofcovites- La
feule chofe qui donne un air de fingularirc aux ceremonies de la [h] benedi6lion
des eaux en Rudie, c'eft qu'après s'être plongé devotement dans ces
eaux où les Prêtres ont éteint des Cierges & jetté des Croix, on y abreuve
auffi les boeufs, les vaches & les chevaux, par le même principe de devotion
qui a conduit là le propriétaire de ces animaux avec toute fa fimille-
Du tems i'Olearius il fe faifoic une Proceffion folemnelle pour celebrer li
nouvelle année, qui commençoit au premier Septembre, avant la reforme
faite au Calandrier Mofcovire par Pierre le Grand. Le Patriarche revêtu de
fes ornemens pontificaux, fuivi du Clergé revêtu de même, & chargé de banieres,
d'Images, de Croix de vieux Rituels, forroit en ceremonie de l'Eglife,
alloit au devant du Cz.ir, qui de (on côté étoit déjà forii pour le rencontrer.
Etant à portée l'un de l'autre le Czar & le Patriarche fe baifoient, le Czar
bailôit auf(i une belle & riche Croix d'or du Patriarche , qui enfuite beliiffoit
& encenfoit le Czar^ & le peuple. Les Ruffiens prenoient ce moment
pour jetter des requêtes aux pieds du Monarque. Pierre le Grand
ayant fixé , comme nous, (c) l'année au premier Janvier diminua le crédit
de cette ceremonie par un changement qui parut aux vieux Mofcovites d'alors
un renverfement de la Religion.
J'ai déjà {d) décrit une partie confiderable de la Pracejfum des Ramamr, c'eftà
dire cette ceremonie dans laquelle le Czar , marchant à pied par humilité,
menoit par la bride un cheval fur lequel étoit monté le Patriarche, qui reprelêntoit
Jefus Chrift entrant dans Jerufilem. C'eft ainfi que les Ruffes , au
millieu de leur groffîeretc ont eu l'.idreffe de rcpré(énter, auffi bien que nous,
l'humilité du Seigneur par une pompe mondaine : mais qui ne fait pas que
l'art d'accorder les cmlraires appartient par tout aux Miniftres des Autels ;
Pour mieux imiter l'ane fur lequel étoit monté le Seigneur, on deguifôir les
oreilles du cheval. A la tête de la Proceffion marchoit un chariot fort peu élev
é , fur lequel on vpyoit un arbre chargé de plufieurs fôrres de fruits , &:
fur l'arbre quatre jeunes garçons en furplis, chantant ou criant quelques Hafanna.
Le Clergé fuivoit en habits de ceremonie , portant des Croix, des
Images & des Banieres, beniffant encenfant le peuple qui fe trouvoit fur le
chemin de la Proceftion. Tous avoient des rameaux de palme à la main. La
Proceffion marchoit avec une lente gravité fur du drap étendu à terre , on fur
les habits de plufieurs jeunes garçons qui fe les etoient otes par humilité de
deffus le corps.
Les
f-j) O n peut voir dans Olettritit les noms de pîu(îeurs celebtes Pelerinages de Mofcovie.
(h) armiUe k & « » pig. 15. de fes en Mejenie Edit, in folio'donne une l e f c r i p t i o n curieufe
de la ReuediBio» del e.w.v qu'il vit celebrer à Mofcoit en 1 7 0 1.
(c) Il fit cette reforme le i . Janvier 1700. Voy. Pern ubi fup. pac. a i 7.
M Voy. ci-delfus page y j . ' ' 7
Tome III. Pttrt. 1. X x x
Î
1 • !! li,
M l :
• I J i