
I r - [J. m
9 0 II. D I S S E R T A T I O N SUR LA
H i:.'"!'
î '
-il!'
• i
„ mage de la Vierge qui eft placée fur un guéridon. Le repas étant béni, ce
„ morce.iu de p a i n , que l'on appelle Pamgh , eft porté à l'Abbé qui 1 eleve
„ en d i û n t , ^andfait le nom . . . . les Moines r e p o n d e n t , de la'Sainte Tri-
„ nité, l'Abbé c o n t i n u e , Très-fa'mîe Mere de Dieu, foyés 71014s en aide. Les
„ Moines repondent, far [m inîercejfmt, 0 Dieu, ayés pitié de nous ^ mus fau-
„ wés. Eniuite l'Abbé prend un peu de mie & la mange : les Moines achc-
„ vent le refte.
L.1 tranllation des dons, ou des ef^èces de la Proclieiè au grand Autel , oit
elles arrivent au chant de l'Hymne appellé Cheruhique, fignifie l'entrée de Jefus
Chrift venant de Bethanie en Jerulàlem. C'eft (a) Germain , ce Patriarche
de Conftantinople Ci fertile en types & en allegories ingenieufes, qui nous
le dit dans (à Thcorie des Myfieres. Les Grecs témoignent en ce moment une
dévotion extraordinaire, beaucoup plus même qu'au tems de la confecration,
mquel tern ils éteigmiit les eierges, ^ ne penfent plus i ce Jaint Mjflere , dit (b)
Joimiefort {c) „ Les uns font des inclinations & des reverences profondes , les
„ .autres k jettent à genou, les autres fe profternent jufqu'à t e r r e , comme ayant
„ à recevoir le Roi de l'univers invifible, que Ces Anges accompagnent. Je ne
„ dis rien des prieres, ni de la ferveur avec laquelle on fe recomni.inde à cel-
„ les des Prêtres ". Il fuffit de faire remarquer , „ que les Grecs, dans cette
„ ferveur de dévotion parlent à Jefus Chrift comme p r é f e n t , en lui di&nt les
„ mêmes paroles que le Brigand converti, Seigneur fou'venés-'vous de mai &c.
„ à quoi le Prêtre répond, (jue le Seigneur fe rejfounienne de nous &c. " On
attribue cet excès de dévotion pour les efpèces n o n encore confacrées à l'opin
i o n erronée de {d) Marc d'Ephelè, qui enfeignoit que la confecration fe iàit
par les prieres du Prêtre & non pas en vertu des p,iroles facramentelles. Ainfi ,
l ' on ne doit point d i r e , que l'adoration du Sacrement ejl me chofe incotmue aux
Grecs, mais qu'elle leur eft mal c o n n u e , & qu'ils la pratiquent à contre tems;
ce qu'il faut attribuer à leur ignorance & à la mauvaife coutume qui s'eft inveterée
chez eux. Avec le tems cette coutume a force de loi, quelquefois même
elle devient une efpèce d'article de foi, qui fait foupçonner d'herefie celui qui
l'attaque. Les Proteftans, tout Euangeliques ôc Reformés qu'ils prétendent être,
ne font pas exempts de ce défaut. Il n e faut pas n o n plus foutenir fi hardiment que
la {e) Tranfuhfïantiatim ejl inconnue aux Grecs. Il eft bien vrai que (ƒ} le terme
q u ' o n employe aujourd'hui n'eft pas fort ancien chez les Grecs, niais cela
ne fait rien à l'antiquité de la croyance. C'eft en vain au refte qu'avec le
(ècours des fubtilités, on a fait les derniers efforts pour trouver de la dilFé.
tence entre les mots qui fignifîent (g) changement &c. & ce mot qui rend
en Grec celui de Tranfiihfiantiatim, il fe trouve p o u r t a n t , que de quelque
terme q u ' o n fè fèrve, felon ces Grecs , le pain ejî fait le propre corps de Jefus
C h r i f t . Il fê trouve encore que dans la profeftîon de Coi exigée des Sarrazins
Se autres Mahometans au douzième fîecle , lorfqu'ils embraflbient la Religion
Grecque , le Profelyte difoit expreffement ; je croi que le pain & le vin font
myfti-
(4) Il vivoit dans le Imiclème fiecle-
(6) Vorjaie du Levant Letrre
CO Citation du P. Goar.
(d) Qui vivoit en 1440.
le) Le Pontifical des Grecs, au Cliap. de la confécmian de l'Autel, parle pofîtivement 1
de la t-l^ime nm fatiglante , qui font le pain, & le vin offerts fur cet Autel, an corpt ^ a
fus Chrift. Le terme de Tranfubftantiation n 'y eft pas, mais qii'eft ce que cela fait ? 1'
jourî la même. Il n 'y a que les chicanes & les fubtilite's des controverCftes qui mettent
rence entre les idées & certains mots.
i f ) Metoufiofis.
ig) Metabole, mtafoejîs, metajloschehjîs.
.. <1= l'aidée
eft toudc
la diffe'-
R E L I G I O N DES GRECS. ç,t
niyfliquement fàcnfiés par les Chrétiens Je croi que le pain & le vin
font •véritablement le corps é' le fang de Jefus Chrifl, ijuils fmt changés par
fapuifance dii>ine intelkïïuellement inmflhlement, au dejfus de toute penjèe naturelle.
Il fe trouve enfin qu'un Grec très-moderne, ce Metrophane Critopule,
qui d a b o r d avoit paru fi favorable aux Proteftans, déclare formellement, j a t &
pain cmfacré ejl mritahlement le Corps de Jefus Chrifl, niais que la maniéré de ce
changement nous efl incmnue, é' ne fauroit s'expliquer. Après ce petit détail où
j e n e p r e t e n s qu'efleurer une matière qu'on a rendue très-litigieufe , dont
la feule partie hiftorique eft de la compétence de cette DilTertation , je crois
faire pbifir au l e d e u r , en lui propofant le fentiment des Grecs felon l'idée de
quelques Proteftans célébrés, (a) „ Ils regardent tout ce qui fe fait dans le Sa.
„ crement de l'Euchariftie, comme une repréfentation myftique de toute l'Oe-
„ conomie de Jefus Chrift Ils confiderent le p.iin en deux divers tems,
„ fur la Prothefe c'eft un type, ou une figure ; fur le grand Autel c'eft le Corps
„ & le Sang de Jefus Chrift. Selon les Grecs, le pain & le vin y font
„ changés au Corps & au Sang de Jefus Chrift après avoir été parfaitement
„ confacrcs par la priere & l'invocation du Prêtre & par l'avenement du St.
„ Efprit". (C'eft ici où l'on tâche de fê rendre fivorables les termes Grecs,
& de montrer qu'ils n'expriment ni la même idée, ni le même changement
que celui de Tranfubftantiation.) „ Les Grecs ne pouvant donc expliquer le
„ changement du pain & du vin au Corps & au Sang de Jefus C h r i f t " . (h)
(ce que toute la fcience humaine ne fauroit faire) „ ils prennent quelquefois le
„ parti d'arrêter la curiofîté. . . . & de remettre cette connoifTance &: cette
„ détermination à D i e u , demeurant quant à eux dans la généralité. . . Mais,
„ cmtinue-t-on, malgré cette généralité, les Grecs ne laiffent pas de déclarer
„ plus particulièrement leur penfée touchant la nature du changement qui ar-
„ rive au p.iin & au v i n , & les fait être le Corps & le S.ing de Jefus Chrift.
„ . . . Ils croyent qu'il fe fait un compofé du p.ain, du vin, & du St. Efj,
p r i t , que ces {c) efpèces gardent leur nature, quoi que jointes de telle ma-
„ «iere à la Divinité. . . . que nm feulement elles fmt changées en la vertu du
3, Corps & du Sang de Jefiis C h r i f t , mais que même elles fojjt faites, par cette
„ intime uniem, ce corps ce fang ". Sur ce fondement on établit les raports
& les différences des Grecs avec les Latins de la maniéré fuivante : „ Ils con-
„ viennent dans les termes généraux qui marquent le changement du pain &
„ du vin . . . . dans les expreffions qui portent que le changement fê fait
„ au veritable Corps de Jefus Chrift né de la Vierge en ce qu'ils
„ rapportent ce changement au St. Efprit , qui furvient fur le pain & en
„ fait
M Claude Reftrtfe à la Perfi't. de la Td Liv. III. Chap, ij."
{b) Voici ce qu'on peut avancer pour diminuer les difiiculte's. S'il étoit vrai que chaque Point Phyfique
de ja maticre eft compofé de parties indivifibles & abfolument infenfibles,îl pourroit être vrai atrffi,
que l'e'tendue ne conftitueroit point l'efTence de la maticre. Eft-il impoflible de révoquer en doute
que rétendue foit elfentielle au corps? & l'abfurdité de ce doute eft elle fi bien demontrée, qu'il y
ait de l'extravagance à le propofer encore?
Après avoir fuppofé que l'e'tendue pourroit bien n'être pas efrentielle 11 la matiere , fi l'on ajoute
que le Corps de Jefus Chrift ne fe corrompt jamais, ni ne fe confume, la conttadiftion diminue encore
plus fenfrblement: parce qu'alors il peut être pris & repris par des millions d'hommes , & le miracle
fe réduit à une feule difficulté, qui eft que le même corps puilfe être confacré Se donné dans
le même inftant par des milliers de Prêtres éloignes les uns des autres &c.
( 0 Notés qite le palfage produit pour juftifier cette opinion montre, que Dieu a permis que les
communianscontinualfent de voir les accidens du pain & du vin, de peur qu'ils n'eulfent horreur,de voir de
la chair & du fang. Le paffa^e de St. Jean Damafcene ne prouve pas rttieux. Seulement on entreh
^ ' f i b " ïintcur qui tiiclic de mettre à notre portée des chofes inexplicables & incompre-
' Z 1