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284 D I S S E R T A T I O N S SUR LA
fut tombée en partage aux Dominicains : mais d'autres croyent que Staupitz
fot touche véritablement de ces abus. Soit zélé ou reflenriment, Luther fervit
utilement l'un ou l'autre & alla infiniment au delà de fes efperances ; car
en commençant il n'auroit jamais ofc elperer de fe voir honoré un jour du titre
de Reformateur àu Chrîjlianifme, Vrai-femblablement les chofes ne feroienç
jamais allées fi loin fi l'on avoit apaife les murmures des peuples Chrétiens,
t^ui, depuis plufieurs ficcles, ainfi qu'on vient de le faire voir, & furtout depuis
le Concile de Confiance, n'avoient cefle de fouhaiter une Reformation dans
•l'Eglife, fouvent promilè à la vérité , mais toujours adroitement éludée. Te
ne faurois m'empccher de rapporter à ce fujet la remontrance que faifoit le
Cardinal Julien à Eugene l'V^. Elle renferme une prédidlion de la Revolution
excitée par Luther dans la Religion. „ Les defordres du Clergé, difoit-il au
„ Pape, excitent la haine du peuple contre tout l'Ordre Ecclefiaftique. . . .
„ On doit craindre qtre les Laïques ne fe jettent fur le Clergé à la façon des
„ Huffites . . . . Se qu'après l'Herefie de Boheme il ne s'en élevé une autre
j , plus dangereufè Les efprics des hommes {ont en attente de ce
„ qu'on fera. . . . lis femblent devoir enfanter bientôt quelque chofe de
„ tragique. . . . Ils croiront faire une ficrifice agréable à Dieu , en nialtrai-
,, tant ou en dépouillant les Ecclcfiaftiques, comme des gens odieux à Dieu
„ & aux hommes
Luther commença par inveûivet contre les abus de la quête qui fe fiifoit
par les indulgences, mais il les attaqua bientôt dans les formes, fans y vouloir
diftinguer le bon du mauvais. Quelque tems (<i) après il publia dans des thefes
fur la pénitence une partie de fa doflrine fur la Confeffion & l'abfolution du
pénitent; il s'y déclara contre le libre arbitre ôc les bonnes oeuvres, qtx'il appelloic
des fccèej mortels, quand elles font defticuées de la crainte de mal faire & d'être
damné. En un mot, il foutint ouvertement la foi fans les oeuvres, & l'impuillance
abfôlue de faire le bien par foi-même. Cette doilrine fut attaquée
par des dénonciations au Pape & enfuite par des écrits. L'un & l'autre fe fit
avec beaucoup d'emportement. Les écrits étoient pleins d'exagerations fur l'infaillibilité
du Pape, qu'en clevoit infianiment au deflus des Conciles & de l'Eglifè
univerfelle. Dans les dénonciations on exhortoit le Pape à employer le
fer & le feu contre Luther. Le Dominicain Hochjlrate fut un de ceux qui &
déchainerent le plus. Luther pour fè jufiifier écrivit au Pape avec une fournil^
fion qui dès-lors étoit plus afFcilée que véritable. Il infinuoit avec de (^rans
ménagemens & une modeftie apparente la pureté de fa dodrine , comme on
en peut juger par ces lettres même. Leon X. eut fi peu d'égard aux proteflations
de Luther, qu'il le fit citer à comparoitre dans foiflànte jours à Rome
devant {h) les juges qu'il lui aflîgna. Mais Luther avoit la proteftion de
(c) l'Eleéleur de Saxe, ôc celle du Vicaire general de fon Ordre ; fins parler
de l'Univerfité de "Wittenberg, qui commençoit de prendre parti pour le Religieux
Augufiin, auquel, fur les preffantes follicitarions de l'Eleéfeur, l'on accorda
des juges en Allemagne, fins être traduit à Rome : mais en même tems
Leon X. lui donna pour juge le Cardinal Cajetan auparavant Dominicain, par
conlequent partie intereflée dans cette affaire & outre cela livré aveur^lement
( 1 ) En 1 J 1 8.
(ù) Jtrème CenHtiit Evêque d'Afcoli & Sylvcjlre de Prieri» ennemi tic Lulkcr, & Cjui avoit c'ciic contre
lui avant Uoch/lme.
(c) Fretlcric.
RELIGION DES PROTESTANS. 285
àux volontés du Siege de Rome & du Pape en particulier. Ces difpofitions faifoient
du Cardinal- un homme inflexible & peu propre à ramener un efprit
comme Luther .-ainfi les conferences de celui-ci avec le Légat fe terminèrent fans
aucun fruit. Il ell remarquable que Ludler , toujours modefle & docile en
apparence, écrivit à ce Légat une lettre pleine de cette foumiflSon, qui contribua
beaucoup à lui attirer la confiance des Saxons, & qu'après lui auoir deman-
M faràm de n'a'voir fas affes mtsagc la perform ^ la dignité du Pape, il offrit de
fe taire fur la matiere en difpute, & même de fe retraSer publiquement de tout
ce qu'il aimit anancé au préjudice du faint Siege é" des Indulgences -, fans pourtant
remoquir fes fentimms particuliers, ne pouvant le faire en confcience. Dans
l'appel qu'il fit après cette lettre il parla à peu près avec le même ménagement.
Un fécond appel de Luther fuivit le Décret que Leon X . avoit donné
fur la fin de l'année i j r 8. pour maintenir la validité des Indulgences.
Le fécond appel de Luther fut du Pape au Concile general : le premier étoit
fimplement au Pape mieux informé. Après ce dernier appel Luther commença
de garder moins de mefures, &: voyant que fes compatriotes fe prevenoient
de plus en plus en fa&veur,ilofa enfin enlèignerpubliquerhentû doûrine à 'VÇ'ittenberg
& défier fes ennemis de venir difputer contre lui. Dans le même
tems il acquit deux difciples, dont le nom efl: célébré dans l'hiftoire du Schifme
d'Allemagne ; (<i) Melanchton & Carloflad. En l'année 1 5 1 7 . Ulric
Zwingle avoit aulE commencé de fe déclarer en Suiffe contre la corruption de
l'Eglife, ^ fur la néceffité Sen retrancher les ahus.
Au commencement de l'année 1 5 1 3 . Leon X. elTaya inutilement de gâgner
l'Elefteur de Saxe; mais il reuUit mieux auprès des deux principaux Miniftres
de la Cour de cet Elecacur : la proteftion du Prince n'empêcha pas que
Luther ne craignit d'être abandonne, à caufe des inftances que ces deux Miniftres
faifoient contre lui auprès de leur Maitre. Luther écrivit au Pape avec la
même foumiffion qu'auparavant ; déclarant qu'ilaiandonneroit fes erreurs, fi on
fouvoit le con-jaiticre d'en avoir, ^ protefiant de'uant Dieu, qu'il n'avait jamais en
intention de donner atteinte à la puifmce de l'Eglife Romaine é" du Pape , dont il
refpeSloit l'autorité après celle de C. ^ fa fupcriorité au de fus de tout-, qtiil n'éto'it
point hotime à troubler la paix de l'Eglife, qu'il fe foumettroit à tout ce qu'on
exigeroit de lui pour le bien de cette paix. Malgré ces proteftations le nouveau
Dofteur travailloit toujours fans relâche à fe faire des partifans & des difciples.
- J e paffe les follicitarions que fit Luther à Erafme de fe joindre à lui, le
refus d'Erafme & les confeils pacifiques &: charitables par lefquels il effaya
d'arrêter Luther. Celui-ci eut des conferences dans le mois de Juin de l'année
1 5 1 ? . avec Eckius en prélence de l'Eledeur de Saxe. Dans ces conférences
le nouveau Doéfeur fe déclara contre la primauté du Pape; ajoutant que
l'Eglife militante n'a d'autre chef que J . C. Il s'y déclara auffi contre l'inàillibilité
des Conciles ; mais il répondit obliquement fur le Purgatoire. Les Conferences
furent fuivies de quelques écrits publiés de part & d'autre, & de la
condamnarion qtie les Univeriités de Cologne & de Louvain prononcèrent contre
Luther & fes Ecrits.
On a dit aufli que le dépit de n'avoir point eu de part à la pubhcation
des Indulgences avoit foulevé Zwingle contre la Religion de fès Peres. Quoi
qu'il
(rt) MtUtKhùtt en Alleman ScInvartK^de , ce qui Veut dire u n e M
3>éjki«, nommé arkJUd de la Ville de fa naiffancc.
. Carloftad, dont|Ie lioftj étoit
Tome III. Part. II. Cccc
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