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i66 III. D I S S E R T A T ! O N S U R LA
„ En troifième lieu, il concilie le fentimcnt des Nefloriens, qui ne met-
„ tent enjefus Clirift qu'une volonté & une operation, avec celui des La-
„ tins , qui reconnoiffent en lui deux volontés & deux operations. Il s'ap-
„ piiye pour cela fur le même principe d'une filiation , laquelle ne fiifant
„ qu'un Jefus Clirift, les Nefloriens difent pas rapport à cela, qu'il n'y a
„ qu'une volonté & qu'une operation en lui , parce qu'il efl; véritablement
„ un , & non pas deux. Ce qui toutefois ne les empêche pas de reconnoitrc
„ deux volontés & deux operations par r.ipport aux deux Natures, comme
„ font les Latins: mais ils ne s'expliqioent pas à leur maniéré, parce que ces
„ deux Natures ne faiûnt qu'un compofé, qui ell Jefus Chrift, ils difent auffi
„ qu'll^ a une volonté & une operation ; ce qui n'exclut point les deux vo-
„ lontés & operations que les Latins attribuent .à Jefus Cliria, parce que les
„ Neftoriens avouent qu'il ell homme parfait. Mais comme ces deux Natu-
„ res font unies enfemble, & qu'une volonté n'eft jamais fépatée de l'autre,
ils ne font qu'une même chofe enfemble. C'eft en ce fens qir'ils affirment
„ cette unité de volonté; & c'eft aufli de la maniéré dont Jefus Chrift parle,
„ quand il dit J e ne fuis point venu pour 6ire ma volonté, mais la volonté de celui
„ qui m'a envoyé. Puis il conclut par ces paroles : Eß ce quil y a en Jefus
„ Chriß deux fortes Je molmle's qui foietit contraires ? Point du tout : mais il
„ •veut fans aucune repuffiatice, far la molmté de fon humanité, ce que -veut la
„ 'volonté de fa Vi-vinité, A laquelle elk eß foumife -volontairement, é' non par
,. contrainte. Ceß pourquoi il dit à fon Pere : §ue ma -volonté ne fait pas fai-
„ te , mais la -votre.
„ "Voilà de quelle maniéré les Neftoriens juftifierent devant le Pape Paul V.
„ la créance de leurs Eglifes: & cette juftification ou conciliation n'eft point
„ l'ouvrage d'un feul homme, mais des plus habiles de la Nation que le Patriarche
Elie confulta. Il eft vrai qu'il y a de la flatterie dans les articles
„ qui regardent la fouverainc puiffance du Pape, & que les Chrétiens du Lc-
„ vant ne font pas fi foumis à la Cour de Rome, que les Neftoriens témoi-
„ gnent 'être dans ces aftes : mais cela eft pardonnable à des miferables qui
„ recherchent l'apui de cette Cour ; parce qu'il n'y avoit pas moyen d'en ap-
„ procher autrement, qu'en donnant au Pape cette fouveraine puiffance & iu-
„ nsdiflion fur toutes les Eglifes du monde. A l'égard des autres propofi-
„ tions qui font fingulieres aux Neftoriens, on trouvera qu'en effet le Nefto-
„ nanifme d'aujourd'hui n'eft qu'une Hercfie imaginaire, & que toute cette
„ diverfité de fentimens ne confifte qu'en des équivoques, d'autant que les
„ Neftoriens prennent le nom de Perfonne d'une autre façon que ne font les
„ Latins. Cependant, comme les Conciles ont condamne l'Herefile de Nes-
„ tonus il étoit, ce femble, neceffaire qu'on fît voir à Rome, que le Nes-
„ torianifme ctoit une véritable Herefie , puisqu'elle avoit été condamnée
„ par l'Eg ife dans un Concile general. C'eft le parti que Stroza a pris dans
,. e recueil qu'il a fait de ces aûes; car il y ramaffe tout ce qui a été dit p.ar
„ les Peres & par les Conciles contre l'opinion de Neibrius. Néanmoins ,
„ pour ne p.is s'oppofer entièrement au Patriarche des Neftoriens, qui témoi-
„ gnoit que toute la difKrenee qui étoit entre l'Eglife Romaine & la fienne
„ pour ce qui regardoit la créance, ne confiftoit qu'en des équivoques- il .i-
„ voue franchement, qu'il eft afibz probable que l'erreur des Neftoriens'd'aujourd'luii
eft plutôt dans l'entendement que dans la volonté, c'efi-à-dire,
, qu'ils ne font pas Hérétiques, n'étant point dans l'obftination : mais qu'ils
, Ignorent la veritable Théologie, Se qu'ainfi ils font dans l'erreur; comme fi
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„ c'étoit une erreur de ne favoir pas les termes qui font en ulage depuis quel'
„ ques iîecles parmi les Theologiens d'Occident.
„ Je ne croi pas qu'il foit neceflaire de produire ici tout ce que StrOza rap-
, porte pour la condamnation des propofitions de Neftorius, parce qu'il ne
„ dit rien qui ne (è trouve dans les Aûes des Conciles. Je remarquerai fcu-
„ lement, que quelques-uns pourroient inferet de ces mêmes Aûes, que le
,. Neftorianifme n'eft (a) qu'une Herefie de nom, & que fî Neftorius &: St. Cy-
„ rille (è fuffent entendus, ils auroient pû concilier leurs opinions, & auroient
,. empêché par-là un grand fcandale dans l'Eglife. Mais les Grecs ont toujours
>. été de grands difputeurs : aulli voyons-nous que la plupart des premieres He-
„ refies font nées parmi eux. Le plus fôuvent leurs dilputes n'etoient que de
Metaphyfique &: de pures équivoques, d'où ils tiroient endiite des con(ê-
„ quences à leur maniéré, venant enfin aux injures; & par-là les choies de-
„ venoient irréconciliables : au lieu que fi les parties eufTent expliqué modeftement
leur penfée, il n'y eîit pas eu le plus fôuvent la moindre apparence
d'Herefie. C'eft ce que quelques-uns difent être arrivé dans l'af&ire de Nef-
„ torius & de St. Cyrille. Il leur femble que Neftorius a toujours reconnu en
„ Jefus Chrift deux Natures, qui ne faifoient qu'un compofé étant unies eufem-
.. ble. C'eft ce qu'il appelloit une perfonne, autrement en Grec vfl-ttimt,
.> d'où les Chaldéens ont pris leuï farfopa. Or il eft certain, que le terme
„ ts-fo'™™ fignifie dans les anciens Peres Grecs ce que nous appelions pcr-
„ fonne Se hypoftafè. Car pour ce qui regarde les deux perfonnes que Net
,. torius mcttoit en Jefus Chrift, ce n'étoit que pour expliquer qu'il y avoit
,, en lui véritablement deux Natures, & pour marquer par-Ki qu'elles demeu-
„ roient toutes deux entières fans aucun meflange, ni confufion. En effet, ou-
» tre ces deux perfonnes metaphyfiques qui n'etoient pas diftinguées de la na-
,, ture, il admettoit une autre veritable perfonne vifible, de la manière qu'elle
„ eft definie par les anciens Peres. On trouvera même, que le fentimcnt de
„ Neftorius , fî nous en éloignons les confequences que St. Cyrille en ti-
,> toit, eft moins embar.afîe de difficultez, parce qu'il efl plus fimple, Se qu'il
„ regarde toujours Jefùs Chrift en lui-même Sz comme Fils ; au lieu que l'autre
opinion ne le confidere le plus fôuvent que par parties, c'eft-à-dire, tanj,
tôt comme Dieu, & tantôt comme homme. Auffi ne condamna-t-on point
„ dans les commencemens l'opinion de Theodore de Mopfiiefte Maître de Ne£^
„ torius, & l'on ne s'en avifà, que qu.and les Neftoriens voulurent fè preva-
„ loir de fon autorité. Il eft cependant certain, que ce Theodore, de qui
„ Neftorius avoit pris le fèntiment, reconnoiflôit en Jefiis Chrift deux Na-
„ tures Sz une Perfonne, ainfi qu'il paroit de les paroles rapportées dans les
„ Aftes du V. Concile Univerfel. S'il a nié que la Vierge fût Mere de Dieu,
„ ce n'a été que pour refuter l'Herefie d'Apollin.aire, Se en ce fens feulement,
„ qtie la "Vierge n'a pas pû engendrer la Divinité, quoi que d'ailleurs celui
„ qu'elle a engendré Eit véritablement Dieu ".
( Selon le rapport du P. le Brm, (h) le Pape Innocent XI. procura la converfion
d'un grand nombre de Neftoriens du Diarbek , par les Mifïlonnaires
Apoftoliques qu'il leur envoya. Ces progrés l'engagerent à leur donner
un
(«) I! y a lieu de le croire ainfi tîe cette Hei-efie ^ de plufieurs autres, où l'on ne trouve que des
logomachies perpecitdlcs, & une efpcice de fureur de développer des idées que le peu de portc'e de notre
erprit ne permet pas de développer ; ce qui a fait inventer des expreflions, des comparaifons Si des figures
aulfi diiSciles que les objets auxquels on a voulu les afloitir.
(ù) Liturgies Tome III.
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