
f' 3
294 D I S S E R T A T I O N S SUR LA
pies de tout ce qu'ils devoient croire : tant il efl vrai, que dans quelque Communion
que ce foit l'autorité fera toujours le principe auquel il faudra ramener
les peuples. Je remarquerai en même tems deux faits qu'il ne fiut pas
oublier : te premier, que les Princes Proteftans ayant été invités par l'Empereur
auï ceremonies de la Fête Dieu , le Marquis de Brandebourg répondit
pour tous, qu'ils' ne pouvoient y affider, à caufe, difoit-il, qu'on ne portoit
à la Proceffion que la moitié du Sacrement ; ce qui prouve, dit-on, que
les Lutheriens croyoient encore la prefence réelle hors l'ufage de la manducation.
L'autre, qu'il fut décidé par les Théologiens Lutheriens, que l'Eleéleur
de Saxe, quoique Protellant, pouvoir affilier, comme Grand-Maréchal de l'Empire,
à la Meflè du St. Efprit, qui fit l'ouverture de la Diette d'Augsbourg à
laquelle les Luthériens prclènterent leur Confeffibn. Ces Théologiens autorifèrent
l'Eledlcur par l'exemple de Naaman.
J e ne mettrai point ici cette fimeufe Confeffion d'Augsbourg compolee
pat Melancliton.préfentée à la Diette le 2,;. Juin de l'année 1 5 5 0 . refutée alors
par les Théologiens Cadioliques, changée enfuite en plufieurs de fes articles
par ces mêmes Lutheriens. Je me Contente de dire qu'elle fut fuivie de
plufieurs conferences qui tendoient à réunir les partis Se à ramener les Ludieriens
dans le ièin de la Communion Catholique, à quoi l'on employa inutilement
les promeffes & les menaces. Les Sacramentaires de Strasbourg , Memmingue.
Confiance, Lindau &c. préfenterent auffi leur Confeffion drefTée pat
Bucer le Reformateur de Strasbourg. Zwingle fit la même démarche pour
la Suilfe Proteflante. Enfin Charles-Quint refolut d'employer la force pour lôumettre
les Proteflans & ceux-ci s'alTemblerent à Smalcalde pour faire une ligue,
qui avoir pour principal but la défenfe de leur Reformation, qu'ils appellerent
la DoBrine Eniangeïique.
. Henri V I I L commençoit de fe piquer contre le Pape après avoir (bllicité depuis Ci
long temsfbn divorce avec Catherine d'Arragon. L'humeur fiere &impétueu(ède
ce Prince ne s'accommodant point de la maniéré avec laquelle la Cour de Rome traitoit
une affaire dont elle auroit dû mieux prévoiries fuites, il attaqua d'abord le
Clergé : les deux Chambres du Parlement prirent connoiflànce de divers abus
commis par les Eccléfiafliques. Sur l'ouverture que fit Cranmer, depuis Archevêque
de Cantorbery, le Roi prit la refolution de confulter les Univerfitcs
de l'Europe fur fon divorce, & ces Univerfités ne furent pas toujours favorables.
S'il en faut croire quelques Ecrivains, les Angelots d'Angleterre avoient gagné
celles qui fe déclarèrent pour le Divorce. Quoi qu'il en foit, on fè donna
beaucoup de mouvement, on fit bien des cabales & des intrigues pour faire
reuffir les confultations au gré d'Henri VIII. On confulta auffi les Tlieologiens
Proteflans. Enfin les chofes ne tournant nullement au gré de ce Roi
du côté du Pape, il défendit à fes fujets de recevoir aucune expédition de la
Cour de Rome, qui fut contraire à fon autorité fôuveraine, refolut de porter
l'affaire du Divorce au Parlement & au Clergé du Royaume. Le Parlement
fut convoqué au commencement de l'année 1 5 5 1 . Le Roi déclara par
la bouche de fon Chanceher le defir qu'il avoit de faire diffoudre fon mariage
pour mettre fâ confcience en repos : il devoir dire, four fatisfaire fias librement
fa fajfion pour Anne de Boulen , par un confentement folemnel qui
la rendit femme legitime. On commença dans ce Parlement par des recherches
qui tendoient à l'abaifTement du Clergé, afin de le rendre plus (ôuple.
Le Roi y reçut le titre de Chef fon-emm de l'Eglife Jes EccUfiafliqms
d'Angleterre. Comme cette démarche jointe aux démêlés entre le Pape & le
Roi
RELIGION DES PROTESTANS. 295
Roi relevoit le courage de ceux qui favorifoient le Lutheranifme en Angleterre,
Henri VIII. voulant montrer qu'a la veille de fe fcparer de la Communion
du Pape, il reftoit pourtant bon Catholique, crut devoir renouveller
les loix contre les Heretiques, & en confequence on brûla quelques Lutheriens.
Cela n'empêcha pas le Parlement de continuer d'agir contre Rome &
de l'attaquer .à l'endroit le plus fenfible. Il fit une Loi pour abolir les Annates
& fiipprima ainfi tout d'un coup le plus effentiel de ces immenfes revenus
qui pouvoient faire regarder l'Angleterre comme un Royaume tributaire de
la Cour du Pape, ou comme un Païs conquis par l'Eglife. Enfin pour éviter le
détail d'une rupture fî connue, & raportée par tant d'Hifloriens Catholiques &
Proteflans, il fuffit de dire que le couronnement iAnne de Boulen fut fuivi
de près, (a) d'une fentence de Rome contre le Divorce d'Henri VIII. & que
la fentence acheva de renverfêr cette autorité du Pape fi fort ébranlée par les
conteflations qui precéderent. Le Roi d'Angleterre fe fit déclarer Chef de fon
Eglifê, & par cette aélion entraîna peut-être malgré lui tout le Royaume
dans la Reforme.
Je reviens aux Revolutions excitées par le Lutheranifme. Zwingle (f) fut
tué en 15 3 1 . combatant a la tête des Suiffes Proteftans contre les Cantons Catholiques.
Oecolampade (c) mourut peu de tems après. Les Proteftans 8c
les Catholiques traitent bien différemment ces deux Che& des Sacramentaires :
mais il y a à rabattre fur ce que difent les uns & les autres. Moins emporté que
Luther Zwingle ne fut pas moins hardi dans fâ maniéré de reformer. Ceux
qui ont lii fes ouvrages y reconnoiffent plus de fuite, plus de precifion &
plus d'uniformité que dans ceux du Reformateur Saxon. Il paroit par la ConfelTion
de foi de Zwingle, qu'il a crû le lâlut des Payens & qu'il a porté la
charité jufqu'à faire trouver dans le Ciel les Patriarches, les Prophètes, & les
Apôtres avec les Héros & les Sages du Paganifme. Que les fages Payens foient
fàuvés des peines deftinées aux méchans, & tous ceux qui fuivent &
pratiquent exacSement les devoirs de la Religion naturelle toute feule,faute d'etre
à portée de connoitte J . C. & la Revelation ; cela ne peut revolter que
l'orgueil Judaïque de certains Chrétiens : mais dire que ces Sages feront même
au rang des Saints, cela diminue trop les droits du Chriflianifme.
Bucer eut ordre du Lantgrave de Heffe de travailler à reunir les Lutheriens
8c les Zwingliens. Bucer alla jufqu'à adoucir ou pallier le fentiment des Sacramentaires
fur l'Euchariftie, 8c pour cet effet mit inutilement en ufâgedes expreffions
vagues qui paroilfoient favorables aux Lutheriens, mais qui, au dire
de Melanchton, n'établiffoient qu'une prêfence de vertu du corps 8c du fing
de J . C. puifque felon les Sacramentaires ce corps fie ce fàng ne font point
ailleurs que dans le Ciel. Qiioique Luther fè déchainat contre cette explication
de Bucer avec fôn aigreur ordinaire, la négociation continua pourtant quelque
rems. Il y eut des écrits de part & d'autre 8c des conférences, mais le tout en
vain, & peu s'en fallut que le N^gocMfcac delâvoué déjà de la ConfelTion d'Augsbourg
(a) Au mois de Mars de l'an. 15^4.
(l>) Les Catholiques & les Lutlieiiens ont fait un crime i Zwingle d'avoir ét4 tué les armes à la
main; mais Hofpimtn Hift. Sacram. p. i . p. 1 0 8 . n i e l e f a i t , & Touticnt qu'il ne fut au combat qu'en
qualité de Miniftre. Zwinglins mn nr miles ^ fed «I pafiar iarerfuil prxlio. On peut voir ce que cet A u -
teur ajoute pour défendre le Reformateur de Zuric.
(c) Luther, Cochlée & les autres ennemis d'Oecolampade publièrent que le Diable l'avoit é t o u f f é , S:
que fa femme le trouva mort dans fon lit. Voici les paroles de Luther fur cette mort. Credo etjftidtm,
ijitod Emfefin dr Oecohmpadiui alii^He hcrrum Jimilei. . . . igniris furaiit relis é" f^ifiis nnfojjî [»kitaneu
marte perierint Sic. D'autres ont débité qu'il fe donna lui-même la mort. Hofpinien juftifie Oecolampade
8F racconte au long fa maladie & fa mort ubi fup. pag. 1 1 0 . & ÎI I.
E e e e i
kf!
wm