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II. DISSERTATION
S U R LA
R E L I G I O N ,
Des V A U D O I S.
EN veut communément que les Vaudois aycnt reçu leur nom &
= leur Doftrine de Jean ou Pierre Valdo, Waldo ou Valdio,qui
vivoit dans le douzième fiecle. Mais les Vaudois prétendent
que leur Doftrine eft incomparablement plus ancienne que ceVal-
_ - - - - do, qui étoit un {a) Marchand de Lion, & fut dans la fuite
Chef de la Sefte fous le (h) nom de paires de Lion. On trouve un autre
Valdo contemporain de Berengcr & fon compagnon de croyance. C'eft à ce
Valdo que quelques Auteurs font remonter l'origine veritable des Vaudois
D'autres vont chercher dans le feptième Siecle un certain Pierre de VaUis Se
croyent qu'il a été le Patriarche de ceux qu'on a appelle enfuite Valdenfes, c'efta
dire Vaudois. Mais les Vaudois ne reconnoiffent ni ce P i e r r e n i les deux
Valdo pour fondateurs. Ils doivent leur n om aux Vallées qu'ils habitent depuis un
tems mimemorial, & ils foutiennent que ces Dofteurs, qu'on veut leur donner
pour Chefs, ont au contraire puifé chez eux la faine D o a r i n c , f<r) qu'ils prétendent
avoir toujours çonfervée. A caqfe de cela ils qualifient leur Eglife (i)
SEglifi Catholiqueé- Afofloliqm,c^u\ s'eft prcfetvéede la corruption, jufqu'.à ce que
dans le commencement du s fiecle (e) Claude Archevêque de Turin du Vdlées,
Cahinip animt Cahin, s'éleva contre les abus, & contribua par fes écrits
à de-
W Voicil'orgitie de la vocation de Valdo. Etant à fe divertir avec des amis, un d'entr'em s'onbli.
danslapaffioniurciuà Jurer & blafpMmer Dieu, & tomba mort auffi-tÔt aprèî. Valdo frapé de cette
mort, qu ,l regarda conmc un châtiment de Dieu, prit dés ce moment la reràlution de changer de vie
& d abandonner le monde. Je ne touche point ici à la doftrine de ce marchand converti. Je dirai îeulemem
qu une de fes erreurs capitales pour ce tems-li fut fon d&hainement contre la corruption du Siecle
contre la Cour de Rome, & contre les Ecclefiaftiques en general. Je trouve dans notre'^sSle un eSm-'
pie d une converfion pare.ne, mais qui n'alla pas f, loin. C'eft celle'du fameux Abbé delà Trape
W A caufe de leur pauvreté volontaire. Valdo leur Chef avoir renoncé aux biens du monde & embtalTe
vo onta.rement la pauvreté. C e , , « „ . r « J , L , » reçurent aufli le nom d ' E M m ' , , à caufe de S
tams foulier, d une forme particulière, coupés par delfus, qui étoiem la marque de leur pauvreté ou'ils
p U o t e n t D'autres écrivent qu'on les appello.t' (mfabalti) d'unJtS ^que pru^cù-
Lere que le, plu, parfaits de la Sefle de ces pauvres avoient coutume de mettre fur leurs fouliers , q™e
lonappelloit felon le language de ce tems-là, ou (Sabata,) Cette m a r q l e S
croix, felon le p a f c d'un auteur contemporain, qui d.t d'eux. fimhr« c r . L , Cil, p o r ï ù t , " e cro5
â leur, fouher,.) D'autre, drfent que le nom i'^fiè,,,', , „„ sii.,ù fut donné à I pauv, , p t e
qu II, portotent de. Sabot,. On ,'eft donc trompé quand on a crû que le nom d'e«/«f.,ei leur avoi? été
donné î caufe q u ' a , judaifolent. Au refte un Ecrivain contemporab a écrit affé, bonnement, <,°"e les
Vaudoi, Valden es, ou plutôt Vallenfe, felon lui) s'étoient »infi . p a r c e qu'ilrdemeroien
cette Ftdltede Ur?>Ksi à leur condition pauvre & meprifable? quo, p'ou'voit.? faire r „ & „ p :
' ' T L. x r . ce que l'on oppofe i ces prétention,.
lfooii , o„„n doit lire, l Hifm*e gmmTl, dTes" E'g>H»f"i1: "r'm' ! d=,f1j°=ts p„ Ltgtr. 1» Vaudois, & la perpétuité de leur
P- Benoit Religieux Dominicain au.
Kur a une « j / t o « rfu ^ t t y r , , gr n u i , , : , impnmee à Pari, en i . vol. i a. en i S p i . Cet Auteur
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i detacher les Vallées de la Communion de Rome, avant une plus grande
corruption. Aux écrits ce Prél.it hardi, 6c qui fivoit fe faire écouter, ajouta
U voye de &it, car il ota des Eglifes de fon Diocefe les croix, les images
&c. C'eft ainfi, dilènt encore les Vaudois, que la Vérité Evangelique s'eft
conftamment conlètvée dans leur païs, lâns y être alterée & défigurée de telle
forte par les traditions humaines, qu'elle ait eu befoin de Reformation. „ De
,, nos Vallées (a) continuent ils, elle pafTa en Provence; en Languedoc, où iês
j, Seftateurs reçurent le nom d"Albigeois, d'Alby Ville de cette Province ; à
„ Valdo Chef des Pauvres de Lion ; en Picardie & dans le Pais 'Wallon, où
elle fut appellée i'HereJte des (h) Picarts ; en Angleterre, où elle fut portée pat
Lollart, & renouvellce pat Wiclef; enfin en Boheme." Il y avoit même, félon
Leger, une très grande liaifon entre les Bohémiens & les Vaudois. „ Les
„ Vallées, dit-il, ctoient reputées comme les mères & l'Univerfité de toutes
les autres Egliiès Vaudoilês. . . . même des plus éloignées. " Le même
Leger cite la fufcription fuivante d'une lettre des (c) Vaudois à Ladiflas Roi
de Boheme, laquelle prouve qu'on les confondoit alors avec les pauvres de
Lion : Aï Serenijfimo Prince Rei Ladijlaos &c. lou petit tropel (troupeau) de li Chriftians
apeîla per fais nom paures y (pauvres) 6 Faldés Scc.
Les Ecrivains Catholiques s'élevent {d) conftamment contre la perpétuité
d'Orthodoxie que s'attribuent les Vaudois, & qui leur fait reclamer un peu trop
legerement tant de Set51:es coupables d'erreurs criminelles, comme apartenant au
corps de cette Eglife Apoftolique qu'ils maintiennent s'être çonfervée dans leurs
Vallées. „ 11 eli bien vrai, dit-on aux Vaudois, que ces heretiques ont rej
j jette plufieurs dogmes que vous rejettés auiïii mais en reconnoiflânt ces
3, heretiques pour vos ancêtres, avés vous &it attention aux abominations que
„ les Auteurs contemporains leur attribuent!" Il eft certain que fi le Manicheifme
de ces Sedles, & tous leurs autres excès font bien avérés, on fait injure
au Chriftianifme en reconnoiflânt de tels heretiques pour membres d'une
Eglife qui fe dit niéritaWemein AfoJfoUque. Mais lins m'embaralfer dans une matiere
qu'un célébré (e) Proteilant doit traiter à fond, il paroit clairement que les
auteurs, qui ont fait l'hiftoire des premiers Vaudois, ont eu grand foin de
les diftinguer de ces Seftes avec Icîquelles Leger Se quelques Proteftans ont
bien voulu aflbcier les Enangeliquts des ValUes. Après tout on n'a pas des mosiumens
plus autentiques que les Auteurs même du Siecle : à qui s'adreflèra
t ' o n , fi l'on s'obftine à recufer ces témoins, & fi l'on rcfufe d'ajouter foi à
des
a confondu Claude, Archevêque de Turin au neuvième Siecle, avec Claude SeylTel, qu'il appelle SelTel,
aulïï Archevêque de Turiii au commencement du feifième. Voy. pag. 158. du I I . Tome de cette
Hiftoire.
(/I) Pour juftifier ces progrés les Vaudois admettent des Seftes, qui peuvent avoir emprunté quelque
chofe de leur doftrine, &: leur avoir rendu en échange quelques-unes de leurs opinions. Je dirai deux
mots de quelques Seftes ifîues des Vaudois, ou confondues malitieufement, ou par ignorance avec eux.
ib) Un ancien Poëte François l'appelle aufli la yanldent, ce qui prouve ce me femble, qu'on a,toujours
confondu ces Picarts, & goneralement toutes ces Seftes avec celle des Vaudois, comme l'on con-
•fond encore »ujoui'd'hui en Efpagne & en Italie tous les heretiques fous le nom de Luthériens & en Flaii-^
dres fous celui de Ceux.
, (f) Réfugiés alors en Boheme.
\d) Voyés Bofluet H'floire &c. ubi fup. Reinier contemporaiti des premiers Vaudois parle pourtant
^e cette Seile, comme étant dcja très ancienne. Cet Auteur,qui vivoit environ l'an l a j o . dit Imer, . .
Se^as. . . . non efi perrticiojîor Ecclejîa cjutfm Ltonijlarnm {Id efi Valdenfium) ^uia dtMtHrmor, Aliqui
w'w Àicunt <jHod durtiverit à tempore Sjheftriy alitjui à tempore .Apofiolorunf. Ce pafTage eft remarquable ea
ce qu'il prouve que dés leurs commencemens les Vaudois fe font attribués une grande antiquité j fon,'
dés fans doute fur les mêmes raifons que Luther & Calvin ont alléguées après eux.
( f ) Monfieur de Beaufobre dans fon Hijloiri du Manicheifme, qui doit paroitre en deux Volumes
quarto en 1755.
Jme IIL Part. It. Kkkk