
62 D I S S E R T A T I O N SUR LA
„ voix, que chacun s'approche avec f o i , refped: & amour. On ne dit plus
, , alors, continue le mcmc Gabriel, comme on Élit, lors qu'on honore les
„ antitypes, Seigneur, fôuvenez-vous de moi dans vôtre Royaume ; mais, {a)
„ Je croi. Seigneur, que vous êtes Jefus Chrift le Fils du Dieu vivant: les-
„ quelles
une adoration relative, qui ne fe termine point au Sacrement, ou plutôt une adoration fuprênie qui va
direétement à Jefus Chrift dans le C i e l , fclon la prierc rtfpice &c. Il finit par ces paroles „ les G recs iè
„ proftcrnent devint les Images des Saints, devant !e Livre des Evangiles, devant le pain non encore
„ conracré, & perfonne cependant n'en conclut qu'ils adorent ces chofes d'une adoration abfoîue. Pour-
„ quoi donc veut Arcudius qu'ils adorent l'Euchariftie d'une adoration qui fe tennine à e l l e " ? &
pourquoi, diront les Catholiques aux Proteftans, poui-quoi nous .refufe's vous ces diftinftions? Par où
méritons nous mieux que les Grecs les conclufions que vous tir^s? Avec un peu d'attention & d"equity
, l'on trouvera que. les diftinftions de ce paflage doivent fermer la bouche à ces controverfiftes outrés,
qui font de l'EgUfe Catholique une communion d'Idolâtres adorateurs des Images, de b C r o i x , des Reliques
, d'une Hoftie faite de farine &c. Les Catholiques ne ceflent de protefter contre cette adontion
fuprême & abfolue, qui leur eft attribuée par les Proteftans. A l'Igard du Sacrement de l'Euchariftie,
l'imputation eft encore plus injuricufe. Ils nient ce Dieu/«ff/f? qui chez ces mêmes Proteftans amufe
depuis fi long tem? la populace. E f t - c e , difent-ils, une Hoftic paierie de farine & d'eau que nous adorons?
n'eft-ce pas J . C . qui eft robjèt de notre adoration, comme il l'eft des Proteftans & des Grecs? C'eftr
doncpar un dcfà,uî de charité qu'on pepeut ft refoudre à rendre quelque juftice au parti contrairci On aime
4 conclurre contre les Latins qu'ils adorent des objets materiek d'une adoration abfolue, mais on trouve
injufte & odieux de conclurre la même chofe contre les Grecs. C'eft ainfi que pour juftificr à quelque
prix que ce foit la conduite de quelques Grecs, qui ont favorifé les Proteftans, Claude n'a pas craint
de montrer de l'indulgence pour certaines diftinftions, qui paroitroient odieofes & criminelles à la plupart
des Controverfiftes Proteftans, fi l'on s'avifoit de les employer en faveur des Catholiques. On n'a
qu'à lire ce qne ce Miniftre, fi generalement eftimé fincere & judicieux, a écrit fur l'Invocation des
Saints au Ch. X I I . du 5. livre de fa Rcponfe À la Perpétuité. Il s ' y agic de la diftinftlon de. Metrophanes
Criropule e>7tre une Jnvocatio» ^iii s'adrfffe aux Saints comme k des MediAteurs, & une Us regarde
(emme des ^hafideurs ^ue i'EgliJè a ttuprès de Dien ofin de prier pour liurs frcres. Le Grec rejette la
premiere & reçoit la fécondé. Le Miniftre d i t , qu'h» homme cjui la tient peut condamner l'Invocation des
SAims k un égard ^ la retenir k un autre , & demeurer d^ns l'Eglife Grecque qui la pratique, /ans cho^ncr
Us mouvemcns de fa confcience, ^ fitts être un Hjfocriie. Tel eft le fort des Controverfiftes : la caufe
qu'ils veulent defendre les éblouit.
(a) J e vais placer ici la diftinftion du P. Simon qui fc trouve dans la Bibliothèque'Critique Tome premier p."'
30. touchant les atteftations des Grecs rappoatées à la fuite de la Perpétuité. Comme les Grecs & les autres
Orientaux ne croyent point que k corps & le fang de J . C . foient dans l'Euchariftie immédiatement après
la prononciation de ces paroles. Ceci cfi mm corps, ceci efi mon fang, & que cependant plufieurs O -
rientaux aflurent dans leurs atteftations, que le pain & le vin font changés au corps & au fang de J . C .
immédiatement après que le Prérre a prononcé les paroles rapportées, le P. Simon remarque judicicufemenr,
que ces atteftations auroient dii être rejettées. Il ne fàlloit confcrver, ajoute t'il, que celles qui
mettent le changement après ce que l'on appelle dans les Liturgies Orientales l'invocation du Saint Efprit.
Mais ne pourroit on pas concilier ces atteftations avec les autres par le moyen du P. Simon luimême
, qui nous dit dans le Tome 2. de kBiblioiheque choijîe, que tous les Grecs modernes, même l'Archevêque
de Philadelphie, mettent en partie la vertu du changement dam les paroles de J. C. ceci efi mon corps & c .
é-e» partie dans l'Invocation du Saint Efprit. Quoiqu'il en f o i t , c'eft ce prétendu défaut des atteftations qui
a donné lieu aux Proteftans de rejetter également & les unes & les autres. Cependant continue t ' i l , l'objeftion
ne peut tomber que fur ceux qui ont publié les atteftations, & nullement fur la croyance de l ' E -
glife. En effet, s'il eft bien prouvé que felon les Orientaux le corps & le fang de J . C. font fous les
fymboles du pain & du vin, le défaut de quelques atteftations peu exaftes n'eft point du tout efTentiel,
& ne fauroit donner atteinte à une venté d'ailleurs bien prouvee. Au refte le P. Simon dans le Ch. i p.
du Tome premier de fa Bibhoihecjiie Choifie, ne paroit pas fsire grand cas du témoignage des atteftations.
Les Proteftans, dit-il, ont regardé ce grand nombre d'atteftations comme des pieces mendiées. Il cft vrai
que dans l'état où font les Grecs, rien n'eft plus aifé que d'obtenir d'eux des certificats.
Craculus efuricns in calum, juferis, ihif.
S'il ne s'agifToit que de foufcrire pour l'ignorance, la mauvaife foi & les dcguifemens des Grecs en matières
de Religion, on pourroit efperer d'accorder fans peine les Catholiques & les Proteftans ftir la
croyance des Chrétiens Orientaux. Mallieureufement les atteftations de quelques particuliers, d'ordinaire
auffi vicieux qu'ignoians, les confeflions, & les rappotts des transfuges Se des avanturiers affamés
préviennent agréablement tous les partis. Toutes les injures qu'ils difenc à celui qu'ils abandonnent ou
qu'ils trahiffent font regardées par certains dévots comme des témoignages rendus à la vcricé.
_Un Anglois nommé Covel a public en lyzi. une J^elation de l'Eglife Grecque, dans laquelle il dépeint
comme un très mal honnête homme ce Dofichée Patriarche de Jerufalem, qui fut l'auteur, fclon
quelques Proteftans, des aftes du Concile affemblc dans cette ville. Il traite de même les autres Grecs de
ce temslà. Mais après tout quelle conclufion faudra t'il tirer de la mauvaife foi de ces Grecs, finon
qu'on ne doit fe fier aux gens de cet ordre qu'autant qu'ils s'accordent avec des témoignages plus aurenriques,
& mieux établis, de la mcme façon qu'en juftice on ne laifTe pas que d'admettre la depofition
d'un fripon, quand elle s'accorde avec celle d'im honnête homme.
R E L I G I O N DES GRECS. 63
„ quelles paroles s'adrefTent à Jefus Chrift fous les fymboles du pain & du vin
„ qu'on prcfcnte au peuple. C'eft dans ce tenis-làj dit Gabriel, nue le Prê-
„ rre avertit qu'il faut adorer d'un culte de latrie.
„ C'eft aullî dans ce même tems, & par rapport aux paroles de la Litur-
„ gie, que nous devons expliquer la penlee de Cabafile, quand il parle de
„ ceux qui s'approchent des (âints myfteres, lesquels, dit-il, faifànt paroîire
„ leur pieté & leur foi, adorent, béniffent & loiient comme Dieu, Jefus
qu'ils connoiflènt dans les fymboles confacres. Simeon de Tlief&lonique,
„ que Gabriel de Philadelphie a fuivi en tous fes Ouvrages, diftingiie auffi
„ bien que lui, les deux honneurs rendus aux fymboles, dans une de fes re-
„ ponfes rapportées par Allatius, où il dit, que fi on honore les faints dons,
„ lors qu'ils ne font qu'antitypes ou images, on les doit à plus forte raifoiî
„ honorer après leur confécration, & qu'ils font devenus le véritable corps &
Êng de Jefus Chrift. On peut auffi joindre à tous ces Auteurs Metroplia-
„ . n e s Critopule, dont le témoignage eft d'autant plus confidérable, qu'il 3
„ 6it tout fon poffible dans fon Ouvrage, pour deguifer la créance de fon E-
„ glife en faveur des Proteftans d'Allemagne. Il reconnoit le changement du
„ pain & du vin au corps & au fang de'jefus Chrift, & il dit, que la manie-
„ re dont (e fait ce changement nous eft inconnue, & qu'on ne la peut pei,
netrer. Puis il reprend feulement l'Eglife Latine, en ce qu'elle porte avec
„ pompe par les rues le corps de Jefus Chrift; avouant cependant, qu'on le
„ porte aux malades pour leur fervir de viatique: & il prouve au même en-
„ droit, que les fymboles ne perdent jamais leur congcration, quand ils ont
„ été une fois confacres; fe fervant pour cela de l'exemple de la laine, qui
„ ayant été ime fois teinte, ne perd point fa teinture. D'où l'on peut recueillir
manifeftement, que cet Auteur reconnoît le corps de Jefus Chrift dans
„ les fymboles hors de l'ufage, & par confequent qu'on l'y doit adorer;
„ ne condamnant pas l'adoration & l'honneur que ceux de l'Eglife Romaine
rendent en general à Jefus Chrift dans ce Sacrement, mais feulement [a)
cette grande pompe & apparat, quand on le porte par les rues le jour que
, , nous appelions la Fête du St. Sacrement.
J'ajoute à ces remarques du P. Simon le moyen qu'il fournit dans un autre
ouvrage, pour éclaircir plus furement la véritable croyance des Grecs. Il dit
donc au fujèt de Gabriel de Philadelphie, q u i , ayant étudié dans les Univerfités
d'Italie, pouvoir être fufped aux Proteftans, quoiqu'il ait écrit contre le
Concile de Florence; qu'il £iut diftinguer deux fortes de Grecs Schilmatiques,
dont les uns principalement les plus Orientaux, n'ont eu aucun commerce avec
les Latins, & le font tenus aux anciennes expreffions de leur Ealife, Cms
inventer de nouveaux mots. Les autres ayant frequente les Latines, ou étudié
dans leurs Ecoles & lû leurs livres, ont pris d'eux les termes & les
fubtilités Scholaftiques, & ne conviennent pourtant avec eux que dans les
expreffions & dans la méthode. Le P. Simon met au rang de ces derniers
Gabriel de Philadelphie & Agapius. Si, ajoute-t'il, ces derniers Grecs fe trouvent
d'accord avec les Latins dans les Dogmes fondamentaux, on ne doit pas
dire pour cela qu'ils ont copié les Latins, ni qu'ils fe font livrés à eux &c.
mais feulement que les Grecs ont imité leur méthode & leurs expreflions
pour s'exprimer avec plus de netteté. Le P- Simon prétend que faute de cette
( ' ' ) Peut-être à caufe qu'elle paroit contraire à l'efpric du Chriftianifme, qui veut une dévotion fimple
& fans faftc &c. mais ofera t'en croire que les Grecs foient capables d'une telle reflexion?
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