
il!
- F t
5 8 D I S S E R T A T I O N SUR LA
)j pour les morts eft établie dans l'Eglife dès les premiers fiecles , ainfi qu'il
„ paroît de Tertullien &; des plus anciens Peres, auili bien que des Liturgies
„ les plus anciennes. Peut-être l'Eglife a-t elle pris cette ceremonie des J u i 6 ,
„ qui prient auffi Dieu pour les morts ; laquelle coutume ctoit en ufagc
„ dans les Synagogues long tems avant la naiflance du Chriftianilme, & on
„ l'y voit des le tems que les Juifs ont été fous la domination des Grecs. Il
„ y a néanmoins cette différence entre les Grecs les Latins touchant la pric-
„ re pour les morts, que ces derniers fe font beaucoup plus expliqués ; au
„ lieu que les premiers, & même le relie des Orientaux, font demeurés dans
„ des termes plus généraux. Les Latins ont pourtant retenu dans les prieres
„ qui fe font pour les morts à la Medè, l'ancienne formule, qui convient
„ alTés avec ce que les Grecs croyent de l'Enfer, du Purgatoire & du Pa-
„ radis. Voici de quelle maniéré on prie pour les morts dans la Mefie
„ des Latins. Damitte Jefu Chriflc, tihera mimas omnium Fideliiim defimliorim
5, de punis Infemi & frofmào lacu : tihera eas de ore leonis, nè ahfm-heat
), eas Tartarus, nè caiant in ohfcurum, &c. Ces paroles femblent établir l'o-
„ pinion des Grecs & des autres Chrétiens du Levant, car ils ne (uppofènt
„ qu'un lieu, qui efl l'Enfer , où les ames font retenues comme dans une
„ prifon obfcure , & l'on prie que ces ames partent de ce lieu tenebreux
„ ail lieu de lumière & de repos, qui eft le Par.adis: ce qui ell entièrement
j , conforme à la priere que le Prêtre fait à la MelTe qu'on appelle in die
„ ohitûs.
„ Pour ce qui regarde l'Enfer, nous ne parlerons point ici du fentimenc
), d'Origene , {a) qui a été néanmoins fliivi par quelques Doâeurs Grecs.
„ Nous nous contenterons de dire ce qui efl le plus generalement approa-
„ vé parmi eux. Quand ils prient que Dieu délivre les ames de l'Enfer,
, , cela Ce, doit entendre de l'état de Purgatoire ; c'eft-à-dire que dans cette
„ prifon oblcure qu'ils nomment Enfer , (h) il y a de deux fortes d'ames ;
„ les unes dont les péchés ne font pas fi énormes, qu'elles foient condam-
„ nées éternellement à fouffrir en ce lieu-là ; & les autres qui y feront éter-
„ nellement, font véritablement condamnées aux Enfers : & c'eft de ces der-
„ niers dont on peut dire , que in Tnfemo m!la efi redemption au lieu qu'à
„ l'égard des premieres ames , on peut dire , que m Inferm ejl redmptio.
„ Cela fervira pour expliquer les Liturgies & les livres des nouveaux Grecs,
„ qui
(«) Ce fentjment eft que les peines ne feront pas éternelles. Beaucoup de gens font aujourd'hui de
cette opinion, qui leur paroît plus convenable à la bonté de Dieu que l'autre V . la DilTeitation de
Thom. Earner fur VEritt dis morts &c.
C^) S'il y a deux fortes d'ames dans l ' E n f e r , la difpute fur le Purgatoire n'eft plus qu'une difpure forgée
fur l'idée matérielle qu'on fe fait de l ' A m e : car 10. Les ames n'occupent aucun efpace. On fc
fait donc une fauiTe idée en leur attribuant des peines matérielles, io. Suppofé la hcaliié des ames
les Grecs & les Latins ne différent que dans le nom du lieu. Le Pere Sirnm dit fort bien la mcmè
chofe dans fes Remarques fur les Chap. 2 7 . & 1 8 . du rajage de DanUni au Mont-Liban, „ Les O -
„ rientaux, dit-il, avouent qu'il y a un état de Purgatoire, quoi qu'ils ne reconnoilTenr ni'le lieu ni
„ même la maniéré, dont on croit ordinairement que les ames y font tourmentées. Les Prieres & c.
„ prouvent . . . . cet état, mais non pas le lieu. AuiTi font ils eux-mêmes cette dilîinéiion dans leurs
„ livres puis qu'ils confelTent qu'entre le Paradis & le lieu des damnés il y a un rroifione
„ état des ames après la fépararion de leurs corps, d'où elles peuvent être tirées par les prieres des Fidel-
„ les . . . il importe fort peu que ce troifieme état s'appelle Purgatoire ou Enfer " . 50. On ne
fauroit pourtant nier que cette matiere ne foit environnée d'aulTi grandes obfcurités, qu'aucun autre
Dogme controverfé. Les fubtilités des controverfes ont ctran^einenr embrouillé cette matière , & ni
les uns ni les autres n'ont pû parvenir à donner quelque chofe de précis far un fujet qui eft hors de
notre ponée. Au refte j e crois qu'il n'eft pas difficile de prouver que l'idée d'un Puri^atoire materiel
eft due 3 l'opiaion f i répandus, & même p a r a i plufieurs Perc$,de la materiAlhé de l'ame.
R E L I G I O N DES GRECS. 99
i, qui femblent fuppofer que les ames ne feront pas toujours dans les En-
„ fers, & qu ainfi la peine des damnes n'eft pas éternelle. En fuivanc cet-
„ te regie, on aura une explication facile de toutes les prieres qui fc font
3, dans l'Eglife Grecque pour les morts.
„ Pour ce qui eft du Paradis, les Grecs & les autres Orientaux (ont dans
„ cette perfuafion, (a) que les ames ne jouïffent point de la félicité éter-
„ nelle, & qu'elles ne font point punies des peines de l'Enfer , jufqu'à cc
„ qu'elles reçoivent leur jugement de Dieu au jour du dernier & univerfel J u -
3, gement. C'eft pourquoi, felon le fentimenc des Grecs , il faut diftinguer
5, deux Paradis. Le premier (era (h) ce lieu lumineux & de repos , dont il
eft parle dans les prières de la Liturgie, où les ames des Bienheureux repo-
, , (ent en attendant le Jugement dernier. Ce lieu eft appelle dans l'Office pu-
„ blic qu'on recite pour les morts, le Paradis, la lumiere, la v i e , la félicité,
„ le fëin d'Abraham, la region des vivans, &c. Le fécond Paradis fera la
„ félicité éternelle donc ils jouiront dans le ciel après le Jugement univerfel ; Se
, , ils croyent que cette opinion eft plus conforme au texte de l'Ecriture, que
, , celle des Latins. Car ce ne fera, difènt-ils, que dans ce jour-là , que J e -
„ fus Chrift qui viendra en qualité de J u g e , dira aux Elus, (c) Venez les he-
„ nirs de mon Pere, jomffex du Royaume qui ^jous a été préparé dès la fondation du
„ Monde, &c. Ils prétendent que l'opinion des Latins touchant le Paradis
„ & l'Enfer avant le dernier jour du Jugement, n'eft point fondée dans l'An-
„ tiquicé. On remarquera de plus, que les Grecs n'ont pas tant rafîiné fur la
„ lumiere de gloire des Bienheureux, que la plupart des Théologiens Latins,
, , qui en ont parlé avec beaucoup de fubtihté. Il y en a même qui afTûrent,
„ que les Percs Grecs nient que les Anges ôc les Bienheureux voyent l'effence
„ de Dieu dans le ciel 5 & ils s'appuyent fur ces paroles de Theodorec. {d) Les
,, Anges ne voyent point l'Ejfence di'vine, laquelle comprend toutes chofes , ^ ne
j, feut être comprife, ni- conçue y mais ils njoyent me certaine efpece qui eji propor-
„ tionnée à leur nature. Ce qu'ils confirment auffi par le témoignage de plu-
„ (leurs autres Peres.
, , A l'égard de leur Morale, comme ils ont les mêmes principes que les
„ Latins, elle ne peut pas être fort différente de la l e u r i f l ce n'eft, que n'ayant
point l'ufage de la Théologie Scholaftique, ils ne font pas Ci grands M e t a -
" p h y -
(a) Le décret X V I I I . du Concile de Jerufalem, felon qu'il eft rapporté p. 4 1 1 . des Monument <«-
ttKticjKes de la Religion des Grecs, n'eft point contraire à ce que dit le P . Simon , & voici comment on doit
l'expliquer. Nous croyons (^ue les mes de ceux cjui dorment font deftinées, aujjî-tôi que le corps efl mort, à
In tranejuillilé OK à la douleur (cela regarde leur état après le dernier jugement) felon ejue leurs auvres font
me'rt'é,in telle forte (]ue d'abord après leur fépararion du corps, elles vont goûter d'avance la joj/e, ou s'afflim
ger dins la t'iji'jfe é" dans les ge'mijfemens: mais les premieres ne font point encore dans une parfaite félicite't
ni les autres n'ont point encore fubt leur derniere condamnation. Dans la réfurreSlion generale les ames étant
reunies aux mêmes corw, qu'elles ont animé pendant cette vit ^recevront aiijfi une ent sere recompen/e, c'eft-àdire,
«« bonheur fupreme, ou une punition complette. Ceci revient au paffage que j'ai extrait de l'Etat
de l'Eglfe Grecf te. Je dirai ici en paftant , qu'il faut mettre au rang des opinions fingulieres fur l'état
des ames après la mort, celle de Prudence Poëte Chrétien. Il ne s'eft pas contenté de croire que les
Enes des médians finiront un j o u r j il nous dit encore, qu'il y a tous les ans un jour de relâche pour
Diables & pour les damnés. Ce jour eft celui auquel J e f u s Chrift revint des Enfer$.
Suât Jpiritibus fepe nocentibus
Poenarum celebres fub fl)ge feria,
ilU noÜe facer qua rediit Deus &c."
(i) Voy. une Remarque du P. Simon fur le ^ojage de Mont-lÀban, p. 348. & 549;
ie) Matth. XXK
(d) Theed. Dial, dt immfft,
K X