
i
3 ^ 4 D I S S E R T A T I O N S SUR LA
droits pour prêcher & tenir leurs affemblées. Cela déplut fi fort au PapCj
qu'il ne put s'empêcher de déclamer contre le Duc de Savoye, oppofànt à là
conduite celle du Roi d'Elpagne Philippe 11. Les Minillres de ce dernier
ayant découvert un nombre confiderable de Lutheriens dans les montagnes de
Naples, le Roi Catholique avoit fait pendre,ou brûler, ou périr dans les galères
tous ces Lutheriens. Il croyoit lâns doute en patTer pour meilleur Chrétien
à la Cour de Rome 6c avoir beaucoup édifié par cette aftion les partions
de l'ancienne Religion. Quelques mois avant la tolerance accordée aux Vaudois
par leur Souverain, le Pape avoit refolu, en partie malgré l u i , de rouvrir
le Concile de Trente & s'étoit détermine d'envoyer fes Nonces à tous les Princes Pro.»
teftans pour les inviter à ce Concile : mais tous les Proteftans refùlèrent en déclarant
qu'ils ne reconnoiflbient point la Jutisdi£lion du Pape, ni ce pouvoir qu'il
s'attribuoit d'affembler un Concile general.
En France il y eut la même année au mois d'Août un Colloque à Poilfi,
dans le tems que les Proteftans étoient presque les plus forts, Se au millieu des
plaintes qui cclatoient afles ouvertement dans tout le Royaume contre les excès
de la Cour de Rome & l'ignorance du Clergé. Un Député du tiers Etat
oïà bien le déclarer contre ces excès & demander dans l'aflèmblce qu'on diminuât
les revenus du Clergé ôc d'autres choies pareilles beaucoup plus capables
de l'effrayer qu'un changement dans la Religion. La poUtique de Catherine
de Medicis la faifôit agir alors pour cette nouvelle Religion, quoi que dans le
coeur la vieille &: la nouvelle lui fuflent également indifférentes. Elle écrivit au
Pape en faveur du Colloque de Poiffi, & lui demanda dans (à lettre la reformation
de divers points, qui auroient pu reunir les Calviniiles de France aux
Cathohques, fi la Cour de Rome eut accordé ce qu'on demandoit. On a dit
que cette lettre fut écrite à la perfuafion de Tean de Montluc Evêque de Vaience,
qui fàvorifoit le Calvinisme; mais malgré des dispofitions fi belles en
apparence, le Colloque de Poiffi fe rompit lâns que de part Se d'autre on fc fiit
raproché fur le moindre article. Cependant chacun ne (<i) s'en glorifia pas moins d'avoir
batu en ruine les argumens oppofés. C'eft-là le fort de ces disputes où
l'on veut mettre certaines matieres au niveau de l'elprit humain. Si de part ou
d'autre on croit avoir gagné des profelytes à la caufe débattue , on (h) Ce félicite,
& c'eft beaucoup fi l'on ne fè croit un Apôtre. Beze,qui préfidoit pour
les Reformés, ne put affés fe modérer fur l'Euchariflie au gré des Prélats préfens. Le
Cardinal de Tournon parla de rompre dès la premiere conférence a'vee ces wmjeaux
'E'vmgelips. Le Cardinal de Lorraine vouloir à la vérité qu'on joignit la Sainte
Ecriture aux dccifîons de l'Eghfe Romaine, des Conciles & des Peres, mais c'étoit
l'Ecri-
(a) „ Ceux de l'Eglife Romaine fe vanteront d'avoir bien rembarré les M i n i l l r e s , lefquels , .
' „ comme plufieurs demandoient inlbmment comment fe porcoient les affaires , quelqu'un répondit
„ bien hautement, que la Meflè étoit bien malade, Se qu'ils l'avoient laiffée aux hoquets entre les
„ Docèeurs, entendans par ce mot de hocqtuts les mots de Hec eji corfm", Beie H i f t . Ecclcf. L . I V J
pag. 58p. " .
(b) C ' e f t le fujct d'une jolie Epigramme de Rouffeau,
Vn MAtidarin de la Sccieléj
A des Chinois prêchait le culte notre".
Un Bonz.e &c
Le Moine dit, à montaient.
De ce Chinois j'ai fait «« Profelytt.
Béni fait Bien, dit l'antre en /« AlU«ty
y ai toftvfrii cet honntu ^ejttite.
RELIGION DES PROTESTANS. 305
l'Ecriture expliquée felon le fens de l'Eglife. Il vouloit aufli que les Proteftans {c
rcndilTcnc fur le poinc de l'EucharilHe. Claude Despenfes attac^ua la Vocation
des Minillres, & Bczc récrimina par la fïmonic qui fê mêle daris l'Ordinanon
des Evcques. Lejefuite Lainez dit des injures aux Proteftans & les appella des
loups, des linges, des (èrpens. Cependant ces mêmes Proteftans,qui voyoient
à leur tête des Princes & d'autres grans Seigneurs de la Cour, obtinrent un
Edit afTes favorable au commencement de l'année Cette tolerance,quoi
qu'incertaine & toujours expofee à de facheufes Revolutions, comme on l'cprouva
bientôt après, multiplia tellement les Proteftans, que felon {a) Fra-
Paolo, ils ai'oient alors deux mille cinquante prêches. Le Prince de Condé, un
de leurs Chefs, propofa aux Lutheriens de s'unir pour travailler tous enfèmble
à obtenir un Concile libre,qui repaflat,ou pour mieux dire, qui detruific
tout cc qui s'étoit fait jusqu'alors à celui de Trente. Il eft certain qu'on jouoit
à ce dernier une efpèce de Comedie Papale, ou l'intrigue, qui paroifibit fc former
au 'desavantage de la Cour de Rome, devoit le dénouer en fà faveur dans
le dernier aîle. Outre l'union le Prince de Condé demandoit quelques fecours
aux Proteftans d'Allemagne pour continuer la guerre contre les Catholiques.
La Bataille de Dreux, où les deux Chefs, Condé & le Connetable furent réciproquement
pris prifonniers, l'aflaffinat du Duc de Guifè furent ce qu'il
y eut de plus remarquable dans cette guerre : à moins qu'on ne veuille y
joindre, à la honte des deux partis,la d'eftrudion &: la prophanation des choies
fâcrees, le maflàcre des Prêtres & des Miniftres , les perfécutions antichrétiennes
qu'on fit fouffrir aux Heretiques que l'on vouloit ramener &c.
La paix fe fit au commencement de l'année plus à l'avantage des Catholiques
que des Religionnaires. Malgré cela les Romains & . les autres, partions
du Pape furent mécontens d'une paix donnée à des Heretiques.
La derniere Seflion du Concile de Trente fè tint le 3. Décembre de l'année
1563. Toute efpcrance de reunion entre les Catholiques & les Communions
féparées d'eux finit avec le Concile. Depuis ce tcms-U les guerres,
les controverfes outrées, les perfécutions & les autres excès qui font dûs à cet
cfprit de parti qui nourrit & entretient les Schismes, mais que l'on couvre du
beau prétexte de fauver les ames & de faire lîeurir le Royaume de J. C. tout
cela dis-je a rendu la reunion impraticable. A la haine réciproque & aux autres
paffions qui empêchent la reconciliation des Chrétiens , il faut ajouter
l'intérêt des Grans & la politique du fiecle, qui veut que les chofes reftent
au point où elles font. Il y a tel pais dans le Monde ou Papifie fîgnifîe moins
un homme de la Religion du Pape, qu'un homme élevé dans des maximes
trop favorables au pouvoir des Rois: & l'on oferoit presque afTurer que le
progrès du Papiftne y paroit d'une confequence plus affreufe que celui du Deisme
Se de l'indiflerence dans la Religion.
En terminant cet abrégé hiftorique des commencemens de la Religion Proteftante
au tems que le Concile de Trente finit, je prens ce tems pour la
véritable Epoque de l'établiftement de cette Religion. On peut dire que dèslors
l'Europe commença de la reconnoitre, & que depuis cette Epoque, la Relif^
ion Proteftante étant devenue, & par la pofTelfion & par les traités, maitreflè
legitime de plulieurs Etats confiderables^ les Eccléfiaftiques Romains, quoi que
toujours fes ennemis capitaux, furent contrains de la traiter, du moins extérieurement,
(a) Hiß. du Cane, de Trente L . V I . Voy. aufli Hiß. Eccl. de Beze L . I V . fi je ne me trômçe.
Tome m . Part. II. Hhhh