
12 D I S S E R T A T I O N SUR LA
Comnene à la Cour de Rome, de reiinir finceremcnt les deux Eglifes autant
lu'elles l'avoienc ccé dans l'anriquicé, elle ne fat fuivic d'aucun fîicccs. En Tofrant
s:
l'Empereur Grec demandoic que la Couronne Impériale lui fut rendue
au préjudice des Empereurs d'Allemagne. Cette condition rendoit la reconciliation
impoflible.
En l'année 1 1 7 7 . un certain Hugues Eterien prélènta au Pape Alexandre
III. un Livre contre les erreurs des Grecs ftir la ProcelFion du St. E{prit. Quelques
quellions que Manuel Comnene fit à Hugues fur cette matiere, lui donnèrent
lieu de la traiter dans un ouvrage particulier.
Le mafïïtcre des Latins en l'année 1 1 8 1 . à Conftantinople fous Alexis Comnene
le jeune ne fut pas moins l'eftet de la haine qu'excitent les dilferens de Religion, que
de la jaloufie des Grecs contre les Latins. Le prétexte du maflacre fut la grande
autorité que ces derniers s'ctoient acquife Ibus lè regne de Manuel Comnene qui
avoit été très-iâvorable à rEgli{ë Romaine. Les Latins fè prévalant de cette f i -
veur traitoient les Grecs {ans ménagement & fur toutes choies ne négligeoient
aucun moyen d'élever leur Egliiè aux dépens de celle des Grecs.
Cette haine réciproque des deux Eglifes augmenta confiderablement par les
cruautés & les inEmies que les Larins commirent dans ThefTalonique après l'avoir
pri{è fur les Grecs en l'année 1 1 8 5 . On voit par des écrits du tems, que
les Latins étoientdès-lors bien plus odieux aux Grecs que ni les Arabes, ni
les Turcs. Je dirai ici en palïànt, qu'on croit trouver la premiere preuve (a)
d'un Schifme formel entre les Grecs & les Latins dans un paffige de Theodore Balfàmon,
qui vivoit alors, & Mr. Fleury prétend même que le Schifme n'ell gueres plus
ancien que la prifê de Conftantinople par les Latins : mais fans m'embaraflèr des
raifons qui font pour ou contre, ni de fixer la veritable Epoque du Schifoe, il
me fuffic de montrer ici au Ledeur, comment les pafTions & des vues abfolument
humaines l'ont accru & entretenu ^ en forte que des queltions purement
arbitraires & qu'on auroit dû enfèvelir avec beaucoup d'autres fous la
pou/Iiere de l'école, n'ont été que le prétexte de cette grande rupture. Si le
Schifme n'étoit pas afles déclaré avant cette prife de Conlbntinople, du moins
eft il vrai que les Grecs de les Latins vivoient dans une forte averfion les
uns pour les autres. Des le tems de Photius les Grecs ne reconnoifToient plus
le Pape pour Chef de l'Eglife, & cela feul, dans un fiecle où par le moyen de
l'ignorance on avoit fil établir dans la Puifîànce Apoftolique du Chef de l'Eglife
, une autorité temporelle fuperieure à celle des Rois, ne pouvoir manquer
de devenir avec le tems un fujet legitime de féparation. Il me paroit aulTi que les
Grecs dans leur décadence avoient conlêrvé affés de lumières pour penetrer dans
les dangereufes fuites d'un melange d'autorité contraire aux maximes de Jefùs
Chrift. Ce melange les efFrayoit trop pour ne pas les éloigner d'une autorité
fi nuifible à celle des Princes que ces Patriarches des Grecs n'attaqucrenc
jamais impunément.
J e reviens au détail que j'ai commencé. Dans l'année 1 1 5 9 . le Pape
Innocent III. fo conformant aux vues qui avoient fait agir fes Prcdeceffeurs
, écrivit à (h) l'Empereur Grec &: au Patriarche de Conftantinople,
pour fè joindre aux Latins dans les Croiiàdes qui tendoient à enlever la
Terre Sainte aux Mahometans. En même tems il leur parla de la reiinion,
remontrant, ^ue les Grecs y en fe retirant de l'imité du St. Siege fe fei^oient une
autre Eglife éf rornpoient ainji l'union du. Chrijîianifme. Avec le Patriarche il n'inf
i lh
(A) Voy. FUuty, Hifc. Ecclef. Tom. X V.
\b) Altxis l'Ange & Jean Carnitere.
R E L I G I O N DES GRECS. 1 3
fifta pas/eulement fur l'unité de l'Eglife, il infinua fortement la primauté de.
St. Pierre. L'Empereur répondit, ^ue pour obtenir la reunion de l'Eglife il fallait
la renniofi des efirits, mais qu'elle feroit très difficile tandis que les Prélats ne revonceroient
pas à la prudence de la cha/r. La reponfê du Patriarche lè reduifoit
principalement à une efpece de recrimination contre les Latins. Le Pape leur'
répliqua, & continua de foutenir là jurildidion univerfèlle dans les répliqués.
Il y employe les diftin6lions & les fubtilités du tems : pour mieux établir la
fîiperioritc de fon droit, il fait relTembler la puilTance (pirituelle à l'Ame
de l'homme & la temporelle au corps. Enfin il compare ces deux Puiflànces
aux deux grans luminaires du Ciel: celle du Pontile au foleil, & celle du
Roi à la Lune. Comme Innocent III. fondoit la puiflance de fon fiege fur
les (a) autorités dont s'ctoient munis les Papes (es Prédeceffeurs, il foivit aufii
• le même fîftême de politique, dont les maximes étoient de mcler les intérêts
temporels avec les (pirituels, de rendre les Pontifes Romains juges & arbitres
fuprêmes de ces intérêts, comme étant les feuls Vicaires de J E S US
C H R I S T â qui toute la terre appartient, d'étendre fans aucune mefure les
immunités Ecclefiaftiques, de multiplier à l'infini les appels au Tribunal de
Rome, de fouftraire les Ecclefiaftiques à la Puiflance feculiere. Toutes ces maximes
contribuèrent beaucoup à la fondation de nouveaux Ordres de Religieux,
&c à l'établiflèment d'un grand nombre de pratiques de devotion, de retraites
& d'aufterités extraordinaires. Le premier fruit de ces pratiques revenoit au Pape
: elles enlevoient des fujets aux Princes, & livroient fi abfolument les
conlciencesà fon pouvoir,qu'en ce tems là l'excommunication étoit la cho{è du
monde la plus effrayante. Mais comme la plus grande partie de ce fiftême étoit
inconnue à l'Eglife Orientale, au lieu de contribuer à la reunion des Grecs
avec les Romains, il lêrvit à les éloigner davantage. Ainfi la pretendue reunion
promifè par le jeune Alexis (b) aux Latins croifés, moyenant fon retatabliflement
fur le throne de Conftantinople, auroit rencontré les mêmes difficultés
qu'auparavant, quand même elle auroit été plus fincere qu'elle ne le fut.
Les Relations qui nous reftent de la féconde prifè & du pillage de Conftantinople
par les Latins, deux mois après la mort d'Alexis le jeune, montrent
que les Grecs n'étoient lien moins que portés à (e reconcilier, à la vue de tous
les defordres que les Latins commirent dans cette ville. Comment les Grecs auroient
ils pu accorder le zèle & la devotion , qui fèmbloient devoir être
l'objet des Croizades, avec les excès des Croifcs dans l'Orient.? Le pillage de
Conftantinople procura aux Eglifes d'Occident un nombre confiderable de Reliques
de toutes fortes de Saints, parmi lefquelles il s'en glillà beaucoup qui furent
adoptées fur la bonne foi des Grecs qui les donnoient, des Latins qui les
recevoient, &: des Moines qui pouvoient s'en prévaloir utilement pour attirer à
eux la devotion des fidelles.
Sous le regne des Empereurs Latins, (c) il y eut une elpece de demi-reûnion:
enco-
(a) La Donation de Confeiitin & les fiufTes Dîcretales.
(ù) Eu l'année l i o ^ . Il ne.régna que fix mois, Se dans ce court efpace de tems il ne fatisfii: ni les
Grecs ni les Larins. Nicetas dit, que pour régner il fe rendit comme l'efclive des Latins.... ^M'U em-
{fraffa Us nouventués dont les Latins ont altéré Ujhi ancienne, ^ renonç* aux vieilles coutumes des Romains
(c'eft-à-dire dis Grecs) peur fuivtt Us uouvellfs Loix du Pape.
(c) Mais fî l'on en cioic Alaimboiirg, il ne fut pas difficile de reditire les Sch'fmatiqucs k Nbcïjfattce
dt l'Eglife, par la difpojîiion cjH^on trmva dans leurs efprits.,. outre tjuUs e'toicnt U plupart tOHt difpofés à
faivre U Religion du Prince... fous U domination des Lu ins dr d'mt Empereur très z.eU pour U Religion, iU
s'accommodèrent au tems c'eft-i-dire qu'ils dilfimuloient ne pouvant mieux fairi V . Maimbourg.
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jîîîp
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Tome III. Tart. I. D
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