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144 II. D I S S E R T A T I O N SUR LA
„ Sepulcre, tenant dans chaque main un gros paquet de bougies. Il y fût
3, fuivi du Prélat cjui reprcfcncoic le Patriarche Arménien j & de l'Evêque des
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Coftes. Un peu après l'Archevêque Grec fortic dans une pofture allés plai-
„ fante, marchant tête baiffce, & les mains garnies de bougies allumées. (Auffi-
„ toc qu'il parut, on le jetta les uns fur les autres, chacun le fit place coups
j , de pies & à coups de poins, pour s'approcher du Prélat & allumer fà boii-
„ gie aux fiennes, parce que le feu qui vient immédiatement du fien ell eftimé
„ beaucoup plus àint.) Cependant les Janiflàires {gardes du Sepulcre) frap-
„ poient à droite & à gauche pour faire place à l'Archevêque, qui de fon
„ côte faifoit de fon mieux pour fe délivrer de ce peuple. Enfin il gagna un
„ autel de pierre, qui eft devant la porte du Choeur, vis-à-vis de l'entrée du
„ Saint Sepulcre. Auffi-tôt le peuple l'y vint entourer (pour avoir de ce feu
, , flcré), mais ceux qui venoient tl'allumer leurs bougies à ce feu, en tachant
de le iâuver, étoient bientôt accablés par d'autres", (qui leur enlevoient
pieulèment à grans coups de poins le feu qui leur avoit coûté tant de peine :
ies plus retenus renverfoient & fouloient aux pieds leurs voifins pour s'approcher
du Prélat) . . . „ l'Archevêque Grec lortit enfin, l'Arménien fè fauva
„ vers l'Eglife des Arméniens, le Cofce vers celle des Coftes. . . . cependant
„ les Turcs qui gardoient la porte du Saint Sepulcre n'y laiflôient entrer que
„ ceux qui payoient pour pouvoir allumer leurs bougies aux lampes de ce
„ Cdnt lieu, ( parce que ces lampes font les premieres atlumées du feu facré. )
„ Alors on vit en un inftant plus de deux mille paquets de chandelles flam-
„ boyantes dans l'Eglife. . . . tous ces gens criant comme des polTedcs re-
„ commencèrent leurs folies. . . un homme ayant un tambour fur le dos, lè
„ mit à courir de toute fa force autour du S. Sepirlcre, un autre courant de
„ même frapoic delfus avec deux bâtons, ôc quand il étoit las, un troifième
„ prenoit (h place. . . ". ' La devotion veut, ou plutôt l'ufâge, que les Grecs
ne mangent ni ne boivent ce jour-là avant que d'avoir reçu le Feu S.aint.
On veut nous donner pour origine de cette luperflition, un miracle prétendu
véritable qui fe faiibit autrefois le Samedi Saint à la vue du peuple aflemblé
dans l'Eglife cm Saint Sepulcre. Dieu envoyoit dans ce divin Monument une
flamme qui rallumoit toutes les lampes, que l'Eglife ordonne d'éteindre dans
les jours de la Pallion, & donnoit ainfi le feu nouveau. Chacun voyoic cette
flamme defcendant du Ciel, voltigeant de côté & d'autre,allumant tous les luminaires
éteints. On ajoute que Dieu irrité contre les defqrdres des Chrétiens
Croifés leur refufa miraclc un Samedi veille de Pâques, qu'ils étoient at
fembles folemnellement pour-être témoins de la delcente du feu célcfte,
mais qu'enfin il fe laiifa fléchir à leurs prieres & à leurs larmes. L'Auteur de ce
récit ell Faucher de Chartres Aumônier de Baitdomn premier. On veut que le
feu célefte ait celTé de defcendre depuis ce tems-là, c'eft-à-dire au commencement
du douzième fiecle, après avoir duré au delà de fept cens cinqtiante ans
depuis S. Jérôme. Il eft fâcheux pour l'autentidte de ce miracle, que S, Jérôme
n'en ait rien dit, & qu'entre lui èc faucher on ne trouve que le Pape 'Urbain
fécond, dont l'autorité puilfe garantir le miracle.
Cette ceremonie fi peu grave ôc fi peu Chrétienne a amène une fuperftition
bien convenable à fon origine. Dans cette même Eglife du Saint Sepulcre
des hommes & des femmes tiennent auprès d'eux des pieces de toile, qu'ils
marquent de pan en pan, d'une croix faite avec des bougies allumées au feu
fàcrc. Cette toile doit fervir à enfèvelir ces bons dévots, qui la gardent pour
ce dernier u&ge, comme une Relique. Voilà ce que nous apprend Themmot
R E L I G I O N D E S GRECS. 1 4 5
t^fgnot dans Tes Voyages, où Ton lie aufTi „ que d'autres dévots vont mefurer
j, de la toile fur le Saint Sepulcre & (îir la (a) Pierre de tOnBion, & qu'ils la
coupent de la longueur de ces San6luaires, afin c|ue ces morceaux leur ièrj,
vent un jour de (uaires
J'ofe regarder comme un uCige fuperftitieux celui que les pèlerins obfervenc
de fe faire marquer au bras, ce qui ell comme un certificat de leur pelerinage
àjerulàlcm. Cette marque (e fait par le moyen de certains moules de bois
que l'on remplit de poudre de charbon, & qu'enfuite l'on applique fortement
fur le bras. On pique l'endroit de l'empreinte avec une canne où font des
aiguilles, après quoi l'on enveloppe le bras. Il s'y fiit une croûte, qui tombe
deux ou trois jours après, mais les marques bleues qui reftent ne s'efïacenn
jamais.
- Près de Bedehcm, on voit une pierre qui eft reftee blanche, dit-on, du laie
de la Sainte Vierge. Les Grecs afTurent que cette pierre a la vertu de faire venir du
lait aux femmes. Les Turcs eux mcmes & les Arabes ont cette croyance fî
fort imprimée, qu'ils font prendre à leurs femmes un peu de poudre de cette
pierre détrempée dans de l'eau, pour rendre le lait à leurs femmes. On die
que la chofe arrive, mais que cela les convertifie au Cliriftianifme, on ne le
dit pas. Les Monts de Sinaï, èc d'Horeb, les frontières de la Terre Sainte,
la Terre Sainte elle-même, en un mot tous ces pais qui s'étendent depuis la
mer rouge jufqu'a Jerufàlem, font comme autant de fources qui entretiennent
depuis lon^tems les fables des Grecs, & la fuperlHtion des bigots. Plus les lumières
de la vérité s'y font répandues, Ôc plus auflî les illufions de la fauflè
devotion s'y font fontir. En voici quelques-unes encore. Les Grecs montrent
fur le Mont Oreb l'endroit, où le Prophete Jeremie cacha les tables de la L o i,
&c une pierre fur laquelle, di(ènt-ils, on voie des caradères Hebreux gravés
par le Prophete lui-même. Cette opinion procure à la pierre un culte mperftitieux,
qui confifte en des inclinations & des fignes de Croix réitérés pludeurs
fois de fuite avec beaucoup de précipitation, Ôc par confèquent avec fore
peu d'attention. Auffi le culte n'en mérité aucune.
Le Vulgaire Grec attribue aiix eaux du Jourdain, & à prefque toutes les
fontaines de la Terre Sainte la vertu de guérir plufieurs fortes de maladies. Selon
le même Vulgaire, cette plante que nous connoiffons fous le nom de Rofe de
Jericho y a la vertu de guarantir de la foudre, & de faciliter les accouchemens.
Un Voyageur nous affure devotement que cette derniere propriété eft due à la
Sainte Vierge, dont cette fiante eß la ßgure.
J e pafTe fur plufieurs traditions fuperftitieufes que les Turcs, & les autres
Maliometans ont communiquées aux Grecs aux Chrétiens Orientaux j fur
La force des Talißnansj fur les myfteres de plufieurs livres foperftitieux &c.
On pourroit reprocher de femblables extravagances à notre Occident. En voici
une que je ne dois pas oublier. Les Orientaux, les Turcs & les Grecs
tirent des prefages de certains trèflàillemens involontaires, que l'on fent quelquefois
aux paupières, ou en d'autres parties du corps. On a diez ces peuples
un formulaire de prières où l'on en trouve pour chaque partie attaquée
du trdiàillement.
Chrißofble Angelus, (c) rapporte trois raifons pour juftifier le tems de la
cele-
(t) Près du Mont C/tlvalre , avant que d'arriver au S. Sepulcre. On l'appelle a i n f î , parce que J o -
fepli d'Arimathée oignit fur cette pierre le corps facré de J . C.
(h) ReUtio» d'un Voyage tut Aiont dt Sinaï^ par Aiorijin impr. à Tout en 1704.
(c) De ^Statu Gr<ec. cap. 41.
Tome III. Part, h Oo