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„ les Syriens qui n'écoicnt point infcclés d'Hcrcde, (è réfugièrent chez les DiGciples
de l'Abbé Maron, que les Hereticjues de ces tems-là nommerenc pour
,, cette raifon Maronites, ils feroic à fouhaiter que Nairon eût apporté des
„ preuves de cette opinion moins éloignées de ces tems-là; & je ne croi pas
j, qu'on doive s'en rapporter entièrement à l'autorité de Thomas Archevêque
„ de Kfartab, qui vivoit, à ce qu'on prétend, vers l'onzième fiecle , quoi
,, que cet Auteur fût de la Sede des Monothelites : car fi l'on examine avec
„ fcinces Auteurs, on les trouvera peu exadls dans les faits hiftoriques, & ils
j, rapportent le plus fouvent pour des choies anciennes, ce qui fe paflbit de leur
„ tcms, & qu'ils ont même puifé dans les livres des Maronites depuis leur
„ réconciliation avec Rome.
,, Ce qui a plus d'apparence de vérité dans l'Apologie de Naîran pour ceux
„ de fa Nation, cft ce qu'il produit contre le témoignage de Guillaume de
„ Tyr, qui eft un Auteur allez exaû, Se qui a parlé de l'Herefie des Maroni-
„ tes comme témoin oculaire. Il affûre que Guillaume a pris la ' meilleure
,y partie de fon Hilloirc des Annales de Said Ebn Bacrilc , autrement Euty-
„ chius d'Alexandrie ; & que comme Eutychius efi: peu exait en quantité de
j, faits qu'il rapporte , on ne doit pas s'étonner que Guillaume de Tyr foie
„ tombé dans les mêmes défauts. Eutychius, ditN^/Vo», afTure que Maron
,, Monodielite vivoit (ous l'Empereur Maurice ; & cependant le Monothelif-
„ me n'étoit point encore connu dans ce tems-là. Mais fi l'on rejettoit l'au-
„ toricé des Hiftoricns Arabes, à caufe de leur peu d'cxadiritude dans la Cliro-
„ nologie, il n'y en auroit pas un qu'on ne dût rejecter entièrement. On ne
j, fe fert pas tant dans le fait donc il s'agit, de l'autorité de Guillaume de Tyr
„ fur ce qu'il a rapporté des Annales d'Eucychius, que de fon témoignage proj,
pre, parlant d'une chofe qui eft arrivée de fon tems fous Aymeric Patriar-
„ che d'Antioche, qui fit faire abjuration aux Maronires de ce païs^là de leurs
,, erreurs prétendues. '
J, Il n'y a pas de vrai {ëmblance à ce que Nairon produit d'une Hiftoire Aj,
rabe, & qui avoit déjà été rapportée par (a) Quarefmius, lavoir que Ma-
3, ton étoit venu d'Antioche à Rome avec un L e p t ou Envoyé du Pape Ho-
. „ norius, qui créa l e même Maron Patriarche d'Antioche, à caufe de fa foi
,, orthodoxe. Je paffe fous lîlence quelques autres sites de octte nature, qui
„ ne fo trouvent que dans les livres Arabes, & qui ont été compofés après la
„ reunion des Maronites avec l'Eglifo Romaine. Pour peu qu'on fâche l'Hifj,
toire Eccléfiailique, il {era aiié de juger que ces Hiftoires n'ont aucun fondement
dans l'Antiquité, & que les Maronites Ôc les autres peuples du Le-
„ vant, qui ne font point làvans dans la Critique de l'Hiftoire, on& rapporté
„ à des tcms anciens ce qui n'ell: en ufige parmi eux que depuis quelques fie-
„ des feulement. C'efi: aufli fur ce principe , qu'on ne croira pas facilement
J, à l'autorité de Jean Mai o n , dont le (i) Commentaire for la Liturgie de St.
Jaques n'a pas toute l'antiquité qu'on lui attribue , contenant des faits qui
{ont pofterieurs de plufieurs fiecles. Au re{le, les Maronites, qui préten-
3, dent avoir toujours confervé la pureté de leur Foi, rejettent les erreurs, qui
„ fe trouvent dans les ouvrages qui font véritablement de leurs Auteurs , {ùr
„ les Heretiques leurs voifins, qui ont femé ces erreurs parmi eux, Ôc qui ont
(a) 0»arefm. in dilucid. terre SanÛt.
{b) "joM). Maro, Comm. in LUurg. St. Jmbi.
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, , même attiré i leut Sedc quelques-uns d'entre les Maronites ; & ainfi, bien
,, que les Maronites prétendent avoir toujours conlervé la véritable Foi, ils ne
„ peuvent nier qu'il n'y ait eu une partie de ceux de leur Nation qui a eu
J, les mêmes fontimens que les Jacobitcs. (a) Pierre Patriarche des Maro-
. „ nitcs, dans une lettre qu'il a écrite au Cardinal Caraffe , témoigne que
„ les erreurs qui (ë rencontrent dans leurs livres, doivent être imputées à
J, leurs voifms : mais le (h) Patriarclic d'aujourd'hui écrivant à Nairoii, afj,
fore qu'ils ont conlèrvé plufieurs livres exempts de toutes ces erreurs ; &
„ ce même Patriarche nous fait elpercr un volume des Liturgies Oricnta-
,, les, qu'il prétend concilier avec la Me{ïe des Latins. Il ne le peut fài-
„ rc que cet ouvrage ne foit d'une grande utilité, & qu'il ne nous expli-
„ que plufîeurs faits qui -rcgardenc cette matiere , & qui font encore dans
„ l'obfcurité.
(Il eft néce{ïàirc d'ajouter ici les principaux articles de la croyance des anciens
Maronites & certaines opinions qu'on leur a attribuées avant leur reunion
aux Latins. Outre le dogme for la procelTion du St. E{prit, qui leur ctoit
commun avec les Grecs, & l'erreur des Monothelites, dont on les a accufés,
on leur (c) attribue d'avoir crû que toute la Trinité s'étoit incarnée;
qu'il n'y adjoint de péché originel , ni de (d) Purgatoire5 que les ames au
fortir du corps ne vont ni au Ciel ni aux Enfers, mais qu'elles attendent le
dernier jugement dans un lieu, où elles font entièrement in{ên{îblcs; que toutes
les ames ont été créées dès le commencement du monde ; qu'il eft permis
de nier extérieurement fâ croyance, pourvu qu'elle refte dans le coeur. Ils
croyoient aufli dit-on, qu'un mari peut répudier (à femme pour crime d'adultere,
ou pour quelqu'autrc caufo, & en prendre une autre ^ que l'on <ioic
rebaptifer les Heretiques cjui abjurent leurs erreurs , qu'un en&nt ne peut
être baptifé qu'après les jours de purification de la mere ; que les femmes
doivent être exclues de l'alfemblée des fidelles & privées de l'Euchariftie dans
le tems de la maladie périodique de leur Sexe. Outre cela, ils celebroient
la Communion avec du pain ^ns levain , ils ne la donnoient à perfonne
qui fut en danger de mort. Ils ne mangeoient d'aucune chofe crouffcc dans
le {àng. Ils ordonnoient les enfàns Soudiacres dès l'âge de cinq ou fix ans.
Je ne répéterai pas quelques ufages & quelques points de dodrine dont on
a parlé, & j'en lailTe aufli quelques autres, qui font de peu d'importance.
Je remarquerai feulement quelques ceremonies qui font particulières aux
Maronites d'aujourd'hui, & certaines coutumes cjui me paroilfenc dignes de
l'attention du Ledteur.
Ces Maronites conlêrvent (e) une elpèce de veneration pour leurs cedres
& les vifitent avec beaucoup de devotion, fur tout le jour de la Transfiguration.
Alors on dit folemnellement la Meftè au pied d'un gros cedre for un
autel de campagne fiit de pierre pofées fimplement les unes fur les autres. Ils
portent fi loin le refped qu'ils ont pour leurs Prêtres, qu'ils ne les rencontrent
jamais (ans leur demander la benediÛion : même ils n'entreprennent rien fans
l'avoir auparavant demandée èc obtenue d'un Prêtre. A table le même re{^
pecl
(a) Petr. in Epifi. Âr.tb. ad Cur.l. Carnff. aun. 1578.
0) Suph. Par. m r.pifl. ad Fauft. mir. am. 1674.
(c) Vujagt B.mdmi Brntiveod Chap. 15.
(d) Le P . Simon prouve la fauflet^ d e cette imputation dans fts R.eniarq. fut D^dini,
(r) VojAge de Syrie par Latroque, T^oyage un Aio'il Ltbii» par Dtwdnii.
Tome III. Part. I. P p p
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