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contre fa confdencc. De plus lui & les Evcques de ce petit Synode fönt
J, contraints de 6irc cent baflcffcs, pout fe tenir dans les bonnes graces de ces
j , anciens, quoi que Laïques: le Patriarche, pour n'être point depofé, & les
„ Eveques pour les avoir favorables au tems d'une nouvelle éleûion, parce que
„ leurs fuffrages font plus puifTans auprès des Turcs pour 6ire nommer Patriarj
, elles celui qu'ils jugent a propos. Cela empêche que le Patriarche ne dé-
„ couvre les friponneries qii'ils font dans l'exercice de leurs charges, & les Eve-
„ ques leur promettent merveilles, s'il arrive que par leur moyen ils viennent
j j au Patriarchat ; &c ils décrient la conduite du Patriarche & des autres Metroj
, politains qui peuvent leur faire ombre ".
Après le Patriarche de Conflantinople le plus riche eft: celui de Jeruûlem à
caufe des grans profits que le feu faint lui porte. Je parlerai ailleurs de cette
pieufè charletanerie, qui dans fbn efpece ne v.aut pas moins que les nôtres. Le
Patriarche d'Antioche efl le plus pauvre de tous, (a) Celui d'Alexandrie a beaucoup
d'autorité dans le gouvernement Eceléfîaftique , 6c fê rend confîderable
par les cenfures. Il fê donne le titre de J u g e du monde, & prend aulfi celui
de Pape. Mais ce qui les diftingue fur tout du Patriarche de Conflantinople
c'eft l'avantage d'être moins expofés à l'envie Se à l'-avarice des Turcs. Leur
c l e ä i o n efl accompagnée de moins de brigues, & les fufrages y font plus libres.
(h) A l'égard des Archevêques & des Evêques, leurs revenus conflftcnt pareillement
en contributions que les Ordinations leur produilênt. Outre cela
chaque Prêtre paye tous les ans un écu à fon Archevêque ou à fon Evêque. Cliaque
Nôce leur paye auflt un écu, chaque maifon de leur Diocefè leur fournit
(c) une provifion de b l é , d e fruits,de vin & d'huile. Les Prêtres vivent furies
revenus tics Eglilês, ou des préfens que leurs paroiffiens leur font & des offrandes
qu'ils reçoivent les jours de Fêtes. Toutes les fois que ces Prêtres difent
la M e l l e , foit les jours de Fête ou le Dimanche, chaque maifôn leur donne deux
deniers. En recompenfè le Prêtre doit prier & interceder auprès de Dieu avant ie
facrißce pour celui qui lui fait cette petite libéralité. De plus les Grecs ont aiièoutumé
de fe regaler & de faire des repas folemnels dans ces jours de Fêtes. Les
Prêtres y afliftenc & prononcent la benediäion fur les viandes. Cette pieulê ceremonie
leur vaut quelques pains, de la viande, du v i n , & même de l'argent.
De tous ces préfens, qui dépendent toujours des moyens ou de la bonne volonté des
Paroifllens,il ne fê forme jamais que des revenus fort incertains &c fort peu fôlides, ce
qui entretient un Prêtre dans l'avarice & les fôucis,le difpofeàdes baflèflès,& refroidit
fa pieté. Ricaut affure (<?) que les Grecs contribuent fort peu aux jours d'offrande,
tant la charité des peuples eft froide a l'égard de leurs Pafteurs. „ Ainfi le Clergé efi
„ presque contraint, pourvivre, de vendre les myfleres divins, dont il eft depofi-
, , taire. On ne peut ni recevoir l'abfolution, ni êtreadmisàlaConfefïîort, n i f a i re
3, baptifer fës enfens, ni entrer dans l'état du Mariage, ni fè fèparer de fâ femme, ni
3, obtenir l'excommunication contre un autre, ou la communion pour les malades
„ que l'on n'ait auparavant accordé de prix. Les Prêtres font leur marché le meilleur
„ qu'ils peuvent, tirant d'un chacun felon fon zélé & fes facultés ". Que peut on dire
pour les défendre.fînon que la pauvreté fert d'excufe à toutes ces fautes î mais le ni.il
qui en refaite n'en eft pas moins grand.
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(,«) Bicant ubi fup. I l fe trompe, lors qu^il dit que le Patriarche de Jeruralcm cft fi pauvre , qu'J
peine peut il s'entretenir.
Chnfl. Angelus cap. 4 4 . & fuiv. Voyés auffi la Diflertation prt-cedenre, article de la Difcipline.
ftrj C ' e f t une efpèce de dixme, que le peuple donne , lors que le Prélat fait la vifite de fou Diocefe.
Cependant cela fe donne librement.
(4) £ia; de l'Eglife Grec^nt,
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R E L I G I O N DES GRECS. 79
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Un Patriarche, nous dit le même Auteur, efl élu par les Archevêques &
les Evêques à la pluralité des voix: mais c'efl une vaine formalité fins
l'.igrément du Grand Seigneur. Le Patriarche va donc lui demander la confirmation
de fon éleftion : d'ordinaire av.int l'éledion commencée on demande
au Grand V i f i t la permiffion d'élire un fujet. [a) Le Miniftre ap-
;lle les Métropolitains, & leur demande fi c'eft tout de bon qu'ils veulent c-
Jire un nouveau Patriarche. Après leut avoir réitéré cette demande, il donne le
confêntcment avec le Baratz. Sa Hauteftè regale le Patriarche d'un cheval blanc,
d'un capuchon noir, d'une crolfe, &: d'un c.iftan brodé. Le Turc a confervé
dans cette ceremonie l'ancien ufage des Empereurs Grecs. Enfuite le Patriarche
accompagné d'un grand nombre d'Officiers T u r c s , de fon Clergé, de
beaucoup de peuple fe rend au fiege Patriarcal avec toute la folemnité poffible.
Les principaux Métropolitains & les autres Ecclefîaftiques, tous ayant le cierge
à la main, le reçoivent à la porte de l'Eglifè Se l'introduifent au dedans. Il
appartient {b) à l'Archevêque d'I-Ieraclée de faire la ceremonie du ficre en qualité
de premier Métropolitain. Ce Prélat revêtu de fes habits pontificaux prend
le Patriarche pat la main, & le place dans la Chaire Patriarchale. Mais auparavant,
il fait un petit difcours au peuple, pour lui déclarer qu'un tel a été
choifi P.itriarchc par le commun fuffiage des Métropolitains & des Evêques,
felon les Canons : enfuite il invite le Patriarche à prendre poffeffion de là charge.
Celui-ci répond gravement, qu'il n'étoit pas digne d'être choifi pour une
fi haute charge. Cependant, puifque Dieu le veut a i n f i , il fe foumet aux
ordres du Cierge! Alors il reçoit la C r o i x , la Mitre &c les autres ornemenspontificauxtles
mains de l'Archevêque d'Heraclée : il s'alTied dans la Chaire Patriarchale
j les Evêques, le refte du Clergé, le peuple lui font les foumiflions accoutumées
{c) avec beaucoup d'acclamations. La célébration de la Meffè accompagnée
des ceremonies ordinaires aux grandes Fêtes fuit aufli-tôt cette Cmedie
kcclejîajlique, & en fait la conclufion. On peut bien appeller Comedie une
EleiKon achetée, où les fufîrages ne font pas libres, où le fujet n'eft pas plutôt
élevé qu'on penfê à l'ab-itre, où l'inconftance, la mauvaife foi Se la bizarrerie
du choix font fi ordinaires, que même les Miuiftres du grand Seigneur,
qui profitent de ces defordres, (d) ont été fouvent obligés de maltraiter ceux
ui préfentent le nouveau Patriarche, & de leut fixer un terme affés court pour
te tenir en repos.
Cyrille ÏMcar, dans Une de fes Lettres que l'Auteur des Umtmms autemiques
de U Religtm des Grecs a fait imprimer en 1 7 0 8 . rapporte que le Patriarche
élu e^ dehout au milieu de l'Eglife fi4r un morceau d'étofè, ou ton a peint ou brodé
me aigle. Par ce drap, que le Patri.-irche foule aux pieds, on prétend l'avertir
qu'il doit méprifer & fouler aux pieds la gloire du monde. En même tems
l'aigle, dont le vol eft haut 6c rapide, devroit apprendre au Patti,-irche, que fon
efprit doit s'élever rapidement au Ciel par l'effort d'une fiinte medit.ition. J'ai
déjà dit plus d'une fois que les emblèmes Si les allegories font extrêmement
corner)
Ml. Critifte Tom. I . cliap. i ; .
(È) Voy. Habcrti Paiitificale GTU»m.
(0 tï; wïMK iK èTvi SÈffîTOTit, Afi niftlioi ames Domine.
w ; Voy. BiUhih. Criiiq. du P . Simon T ome premVie-r 1C hap. a ; . & h Cr o i x £ « 1 dt l'BgHfi Crecqiu.