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20 DISSERTATION SUR LA
fruit. O n nc (auroic afTcs admirer les dccoiirs & les fubtilités que chaque parti
forgeoit pour foutenir ou pour expliquer la difference maniéré de concevoir la
proceflion du St. Efpric. Mais il netoit que trop vifible que le St. Eipric avoic
peu de part à ces vetilleufes fubtilités.
Quoiqu'il en {bit, on convint enfin d'une aparcvce d'union. Je l'appelleainfî,
parce qu'elle ne fut pas plus générale que les précédentes, & qu'enfin elle augmenta
les divifions parmi les Grecs. On dreHâ en prefence de l'Empereur
Grec une profelTion de foi qui devoit être commune aux Grecs & aux Latins
fur la procelTion du Se. Efprit. Cet écrit fut l u , iignc & approuvé des deux
partis au mois de Juin. Le Patriarche de Conftantinoplc Jofeph mourut dans
ce même mois à Florence, reiini en tout aux Latins, au moins fuivant la dernière
déclaration qui refte de lui.
Les autres points qui faifoient la féparation furent beaucoup moins conteftés,
excepté celui de la Primauté du Pape , que les Grecs ne pouvoient fe refoudre
d'accorder. Il le fut enfin avec certaines reflridions q^ui ne bleflbient aucunement
cette Autorité fuprénie. Le Decret d'union fut figné le fixieme Juillet de
la même année, dans le tems q u a Bafle on dépofoic le Pape Eugene, qui ét
o i t , pour ainfi dire, l'ame de cette reunion.
Le Decret qui uniflqit les Arméniens à l'Eglife Romaine fut fiiit au mois de
Novembre de la même année. Les Jacobites s'unirent au commencement de
l'année 1 4 4 1 . Au contraire la plupart des Grecs, qui avoient ligné l'union au
Concile de Florence, fe retraderent à Conflantinople. Les reproches que leur
fit le peuple, les maux dont ils étoient menacés par la cabale des Moines èc des
autres Ecclefiafliques Schifmatiques, enfin {a) leur propre legereté, les portèrent
à fe retraiter, & plufieurs même écrivirent contre l'union. Ces écrits f u -
rent fuivis d'une infinité de reproches & de fôupçons jettés contre les Latins,
comme d'avoir corrompu les Grecs, (h) d'avoir acheté leurs fufrages, d'avoir
f a l f i f i é , contrefait ou corrompu les A d e s & les fignatures. Toutes ces plaintes
accompagnées de l'ancienne haine des Grecs contre les Latins, rendirent
le Scliiûne auffi opiniâtre qu'auparavant, &: l'Empereur même, qui en fè
réunifiant avoit eu en vue de mettre les Latins dans fês intérêts, Se de les engager
à le fecourir puifTamment contre les T u r c s , fê refroidit beaucoup, lors
qu'il fe vit trompé dans fès efpérances. Les murmures du peuple excité par le
Clergé acheverent de le déconcerter: mais ce qui l'intimida le plus fut l'excommunication
dont trois Patriarches d'Orient ofèrent le menacer. Cette aiSlion de
vigueur retint l'Orient dans le Schifme, avec la Ruffie & la plus grande partie
de Conflantinople. Ces Prélats prononcèrent en même tems une fentence de
dépofîtion contre le Patriarche de cette Ville & contre tous les Ecclefiaitiques
ordonnés par lui.
(c) La perte de la Bataille donnée à Varne près du Pont Euxin entre Ladiflas
Roi de Hongrie & Amurat Empereur des Turcs fut le dernier coup porté
aux efpérances de Jean Paleologue, qui jufqu'alors avoit pu fè flater encore
de reunir les Latins a fes intérêts, en réunifiant les Grecs à leur croyance &c à
leur Eglife. Je ne répéterai point ici que de fauffes vues de Religion, ces
faufTes vues qui n'ont que trop fouvent ruiné les intérêts du Chnllianifine, avoienc
{a) V o y . le détail que a donné de cette retradlation dans [ ' H j } . des Paleologues Ch. 51.
{bj I l j eut des ^rchevê/^ues ijui en [tenant le decret, dirent^ nous nt fignerom pas ji vous ne nous cm/s
l'argent e}UE vous vous èies obligée de new fournir, DHCAI Ibid.
(c) A la fin de l'année 1444.
R E L I G I O N D E S GR ECS. 21
voient exige depuis long tems c]iie les Grecs ne fuflent iecourus qu'à condition
qu'ils conformeroient leurs ulàges & leur croyance aux volontés du Chef de
l'Efrliiè Latine. On ne vouloic point prévoir que la dellruftion de I'tmptre
d'Orient & les progrès des Mahometans ne pourroient qu'.lftolblir & deslionoter
le ChrifUanifme d'Occident. On n'ecoutoit que cette paflîon impetueufe
cachée fous le nom de zélé, qui ne codant ni aux hefoins de l'Etat, ni aux
intérêts des peuples ne penfe qu'à le multiplier des tidelles, & à amener les mies
caftimes .à fes volontés. La perre de la bataille de Varne fut due à ce zélé,
qui venoit de faire rompre une trêve faite avec les Turcs & jurée fur {d) l'Evangile.
Le Cardinal Julien o(a colorer ce manque de toi (i oppolé .aux maximes
du véritable Chriftianifirie, 8c lever tous les (crupules des Princes Chrétiens
par une abfolution donnée au nom du SuccelTeur de celui qui nous a commandé
d'être fldelle & religieux dans nos promefTes, même à notre dommag
e , & envers nos plus grans ennemis. Jean P.alcologue n'elperant plus d'être
loutenu par les Latins, ne voulut, ou n'ofa plus parler d'union.
On met en l'année i 4 4 4 . la reunion des Syriens , des Chaldeens , des
Maronites & de leurs Patriarches aux Latins. Cette reunion ne fut ni plus folide,
ni plus generale que celle des Grecs.
Tout ce qui fut f u t fous le règne de Conftantin Paleologue, dernier Empereur
des Grecs, pour maintenir la reunion fignée au Concile de Florence
, ne fut {h) que feinte, dilFimulation & politique. A la vérité ce Prince accepta
le décret d'union , il engagea des Ecclefialliques & quelques-uns de là
Cour à le recevoir : mais, outre que la néceiïité contribuoit à le faire agir, l'obftination
des peuples étoit la même qu'auparavant, & le mauvais état des affaires
permettoit moins qtie jamais d'tifer de quelque autorité pour reconcilier
les elprits &c les réduire fous l'obeiflànce du Siege Romain. Dès que le
Moine Genn.idius, Chef du parti oppofé à l'Eglife Romaine, eut menacé
des derniers malheurs ceux qui recevroient l'union faite à Florence, le parti
des Latins fut regardé comme une aifemblée d'excommuniés : même les dévotes
fe mirent de la partie, &: fe donnèrent la hberté de prononcer anatheme
contre ceux qui approuveroient le décret de reunion.
O n peut juger de l'averfion des Grecs pour l'Eglife Romaine par ces paroles'
de l'Amiral de la Flotte Grecque. Lors que ce Grec vit l'armée des
T u r c s q u i a f i i e g e o i t C o n f l a n t i n o p l e , il d i t , il 'vaut mieux n)oir dominer le
turban dans CoTîJîantinopIe, que le chapeau d'mi Cardinal Latin. Cette a v e r f î on
ne diminua point après la prife de cette Capitale par les Turcs.
C'eft ici qu'il fiudroit terminer cette Hiftoire abregée du Schifînc. Il fufîit
presque d'avoir fuivi de fiecle en fiecle les négociations qu'on a faites
depuis le commencement de ce Schifhie pour réunir les Grecs aux Latins, &
les moyens que les Empereurs Grecs d'un côté, les Papes de l'autre employerent
pour parvenir à une reconciliation, qui n'eut pour l'ordinaire d'autre mot
i f que l'intérêt temporel & la politique du fiecle. L'ignorance des Grecs oppri
(a) O n aiïurc qu'Amurat ayant tiré de fon fein le T r i i t é qu'il avoit conclu avec les Chrétiens adreff
i ces paroles à Jefus C h r i f t : Sei^eitr voici l'alliance ^ae les Chrétiens ont faite avec moi en ton nom. Si
tu is Dim, venge ici ton injure er U mienne. Le Cardinal Julien perdit la vie dans cette a^.'Hort. D'autre
autres difcnt, qu'après k perte de cette bataille il tomba entre les mains de quelques voleurs qui l'aflaffinerent.
(b) Lapliîpart des Ecclejîafliftes n'y confentirent point. Mais que dis-je, la pJiîpArî . . . . pcrfontte n'y
confentit c^r l'Empereur feignit feulement d'j conjcntir &c. Ducas i exprime ainjt Chap. X X X V I . de l'Hrfioire
des Pdeologues.
Tome m . ?an, F