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74 II. DI S S E R T A T I O N SUR LA
oppofuion. On trouve de plus quatre Patriarches des Arméniens, {ans compter
les deux titulaires, qui refident à Conrtantinople & à Jcrufalem fous la domination
des Turcs ; le Patriarche des Maronites, celui des Jacobites , celui
des Coptes, enfin celui des Nelloriens & celui des Georgiens.
Le Patriarche de Conftantinople prend la qualité de Patriarche (a^ Oecumenique
ou univerièl. Les Peres d'un Concile tenu dans le cinquième fiecle
avoient attribué cette quaUté au Pape Leon. Les Patriarches de Conllantinople
jaloux d'un attribut qui touche de près la chair & fe &it mieux fentir que
la qualité de fucceireurs des Apôtres , fe donnèrent auilî-tôt le même titre.
Qii'un Eveque imite l'ambition d'un autre Evêque , rien n'eft plus &cile :
mais il n'en ell: pas ainlî des vertus Chrétiennes. Qiioi qu'il en foit, les P.-1-
triarches de Conllantinople fe dirent Oecuméniques dès la fin du cinquième
fiecle, Se obtinrent la confirmation de ce titre par un Concile tenu dans leur
Ville en 518.
Des motifs d'ambition ont divifc affés (ôuvent les Patriarches de Rome ôc
de Conllantinople,leur point de vue étoit la fouvcraineté dans l'Eglife. Sur le
raport des Hiftoriens Eccléfiaftiques, il fut décidé dans les premiers fiecles, que
Conllantinople n'auroit la premiere place qu'après Rome ; que la feule Primauté
de rang refideroit dans le Patriarche de celle-ci. Les Proteftans équitables
ne difputent pas cette primauté au Pape. A l'égard de la primauté de
puilTance, ce qui fembloit devoir la faire manquer au Pape eft jullement ce
qui la lui a conlèrvée ; c'eft à-dire , l'éloignement des Empereurs , les irruptions
des Barbares, les divifions de l'Italie en plufieurs petits Etats, la tranflation
de l'Empire en Allemagne. Le Patriarche de Conftantinople a toujours
gouverné fous les yeux d'un Souverain feculier , qui par fon elevation & (à
puiffance pouvoir contribuer à celle de ce Patriarche, & le devoir même pour
(à propre gloire : mais tout au contraire, les Empereurs d'Orient ont fouvent
traverfe fes entreprifes &: arrêté les excès de fon ambition. Ils n'ont pas craint
de le faire dépofer par des Conciles ou autrement, lors qu'il excedoit les bornes
de fa jurisdiftion. CJiie ce foit là l'effet du caraftere des Grecs & des autres
Orientaux , ou que les circonllances n'ayent pas aidé aux vues de cc
Patriarche ; toujours eft il vrai qu'il lui a été moins permis de fè faire des
Créatures par de nouvelles dignités, par des collations de Benefices & d'Evechés
dclèrtés dans les defordres de l'Etat, qui à la fin convertirent plufieurs
de ces Benefices en petites Souverainetés ; & par des changemens dans les uCages anciens
: changemens que l'abfence de l'Empereur aurorifoit à Rome & dans le
relie de l'Italie, comme des chofes néceffiiires. La grofliereté des Barbares
devenus Chrétiens, mais fouvent mal convertis &c même , fi je l'ofe dire, introduits
dans l'Eglife Chrétienne avec tous leurs vices, par le moyen d'une
tolerance que l'ignorance des tems faifoit trouver bonne, & que le defir de
gaaner des ames à Dieu failoit trouver encore meilleure : cette grofliereté disje
fervit encore à fortifier le pouvoir des Papes, parce que la grofliereté rend
ordinairement timide & crédule. Ce fut aufii dans le tems de cette grofliereté fi remarquable
par fes effets, que l'argent commença de procurer les Bulles &
les Difpenfes. Alors, s'il m'eft permis de m'exprimer de la fijrte, Rome devint
le bureau general d'un nouveau commerce, qui la fit refpedter long tems de toute
l'Eu-
<^r»7/«Z,«C4rfe donne au commencement d'une de fes lettres celui de Juge Vwverfel ou Oeameniejue
des Eglifes Chre'tiennes du trône Impérial de Conftantinople. Voy. Monnmins ammijues &c. du Sr.
Aymon.
R E L I G I O N DES GRECS. 75
l'Europe, & lui fournit abondamment les moyens de fè faire craindre de ces
fidelles, qui s'effrayent facilement, aimer des dévots de profellion Se rechercher
des gens du Monde.
On peut regarder l'Empereur des Turcs comme le Chef de l'Eglifè Grecque..
Il faut un Baratz , c'ell-à-dire une Patente Impériale, pour que le Patriarche
, les Eveques &c. puifTent faire les fon£tions de leur Charge. Ce
Baratz autorife les Evêques à établir & dépofer les Prêtres, & autres perfonnes
Relit^ieufes, à faire des mariages Se des divorces, à percevoir les revenus
des Eglifes, à recevoir les legs pieux, à jouir de tous les privilèges de leur dignité
Se tout cela, dit le Baratz dans fes idées Mahometanes, fehn les va'mes
é" inutiles ceremonies du Chrijiianifme. Mais rien n'eft plus ordinaire que de
revoquer cette Patente p.ir les refforts des brigues &c de l'ambition du
T o.. .lir^nific f^nr dnnnépc nn dernier encheriffeur. fans
de Conflantinople cette odieufe vénalité du Patriarchat, qui le rend méprifable à
ceux qui le vendent. D'abord Mahomet, le Conquérant de Conftantinople,
accorda de grans honneurs Gennadius le premier Patriarche de Conftantinople
depuis la conquête. Il lui mit lui-même le Bâton Pafloral entre les mains,
il lui donna un riche Pallium, (a) un Caftan de Zibelline , une haquenée
blanche & une penfion confiderable. Il lui accorda la permifTion d'aller à cheval
par la ville Si de porter la Croix d'or fur le devantdu bonnet patriarchal. On ajoute'même
que le Prince lui affigna une place dans le Divan. Il voulut encore que
le Patri-irche eut quelque autorité temporelle fur les Grecs, il la joignit à l'autorité
fpirituelle. Se lui permit de les châtier fuivant la rigueur des anciens Canons.
Enfin il laiffa au Clergé le pouvoir d'élire librement ce Patriarche , fe refervant
le feul droit d'agréer le fujet élu. Trois {h) Patriarches jouirent confécutivement
de ces privileges. Un quatrième (c) fans mérite. Se fans fcience
offrit, pour parvenir à la Dignité Patriarcale , non feulement de renoncer à
la penfion, mais de payer même [d) un tribut au Grand Seigneur, & depuis
ce tems-là le tribut Se les vexations des Miniftres Turcs font montés à
des fommes exceflives. Mahomet indigné de la maniéré dont les Grecs avihffoient
par leurs mauvaifes intrigues une Dignité, pour laquelle il avoit témoigné
beaucoup de veneration, revoca bientôt lui-même les privileges qu'il
lui avoit accordé, Se les Dignités inférieures au Patriarchat eurent dans la fuite
un femblable fort. Ce mal eft devenu d'autant plus fâcheux, que pour
pouvoir toujours fatisfiire à leur avarice,les Turcs, s'il en faut croire Ricaut,
(c) fufpendent en maîtres le pouvoir des anciens Canons dans les cas de Simonie.
Ainfi le Clergé eft forcé de diifimuler fur ce point eflentiel de la
Difciplme, Se n'ofe Elire ufage des Cenfures Eccléfiaftiques, qui peut être
arrêteroient le cours d'un mal fi avantageux aux Turcs.
Au-
M La vefte que l'on donne aux perronnes diftinguces. , , ,
( i ) Le troifième de ces Patriarches , nommé Joafaf, fut depofé pâr ordre de Maliomet, qui même
lui fit rafer la barbe, note d'infamie chez te EvÊques & k î Moines Grecs.
(e) Marc Chili Or.tlei ou M Cmki. On prétend qu'il ne fut que foupçonné d avoir donné de
l'aroent pour être promu au Patriarchat. Maisàl'egard de Simeon fon fuccelfeur,les Grecs de Trebizonde
offrirent potu lui mille écus d'or à Mahomet, qui'les reçut à la honte des Grecs , qui par ce moyen
tendirent leur Efjliie tributaire & leui-s Dignités venales.
(d) On l'appelle la plcbcrie. C'cft une efpèce de Regale.
(e) Erut dt rEgl'fe Gmfu,
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