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92 IL D I S S E R T A T I O N SUR LA
„ fait le Corps de Tefus Chrill. . . . enfin en ce qu'ils difent les uns &; les
„ autres, que ce changement eft l'effet de la toute puiffance Divine ; effet,
„ qui eft au deffus de toutes les Loix de la Nature. . . . Ils différent en ce
„ que les Latins croyent que la fubftance du pain ceCTe d'être, f w i qm les ac-
„ cidens demeurent & que les Grecs la confervent; en ce que les Latins croyent
„ que la {libftance du pain pafie toute entiere en celle du corps par une con-
„ verfion . . . . qui détruit la fublfance du pain . . . m lien ijite les Grecs
„ croyetrt qu'à la fuhßance du fain il f e fait l'addition d'une autre fuhßancej en ce
„ que felon les Latins, la fubftance reçue dans le Sacrement eft mmeriquement
„ le corps dont Jefus Chrift étoit reuètu fur la terre . . . Les Grecs croyent
bien que le corps né de la Vierge le pain du Sacrement ne font pas deux
3, corps, mais un tout qui n'en fiiit qu'un fèul: cependant leurs raifons Se leurs
, , explications marquent qu'ils n'entendent ni une unité abfolue, ni une iden-
5, tité numerique, foivant le fèntiment des Latins ". On leur attribue cette
(a) comparaifon „ comme ce qu'un enfant mange Se boit ne fait pas un au-
„ tre corps, mais le même,encore qu'il en reçoive de l'accroilTement, ainfî
„ le pain du Sacrement, qui augmente le Corps de Jefus Chrift, ne fait pas
„ deux corps, mais un feul . . . . Par confequent cette fubftance que nous
„ reeevons de la bouche du corps dans l'Euchariftie efl différente de celle
„ que Jefus Chrift avoit fur la terre, & qu'il a encore dans le C i e l , bien
„ qu'elle ne fàffe pas un autre corps Un corps augmenté eft bien
„ le même qu'auparavant, mais l'angmentatioti ne peut jamais être abfolu-
„ ment la même chofe que ce qui reçoit l'augmentation De là on
„ conclut, que les Grecs, en fe fervant des mêmes expreffions générales,com-
3, me celle-ci, que le fain eß changé au corps même, au 'veritable Corps de J e f u s
„ Chriß, ne s'accordent nullement avec les Latins dans le fens de ces expref^
„ fions. Les Latins entendent, que ce qui étoit auparavant du pain ne l'efl
„ plus, les Grecs, que ce qui eft encore du pain eft auffi le corps ".
Le Syfteme des Latins, continue-t-on, conduit à des confèquences & à des
ufâges que les Grecs ne fönt pas obh^es d'admettre felon le leur ; comme l'exiflence
des accidens fins fujet, {i) càle d'un même corps en plnfieurs l i e u x,
celle de ce même corps privé de toutes fes dimenfîons, l'adoration fôuverainc
de l'Euchariftie. Outre cela „ les Latins font obligés à rendre raifon de cer-
„ taines expériepces naturelles, qui marquent que la fubftance du pain demeu-
„ re. . . . Les Latins croyent que les méchans reçoivent le Corps & le Sang
„ de Jefus Chrift de la bouche du corps, tiuoi qu'à leur condamnation : au
„ lieu que les (e) Grecs foutiennent , que le pain Se le vin ne font Êiits ce
„ corps
( a ) Outre qu'il ne faut jamais trop prelTer les comparaifons, fur-tout quand elles entrent dans des matières
obfciires & embaralTées, que les difficultc's infurmomables mettent hors de notre portée ; outre
cela, dis-je, les Grecs ne réuffiffent pas toujours à les faire juftes. Il ell d'ailleurs impolTible de conferver
la jullelTe & la préeifion dans les comparaifons que l'on fait pour éelaircir des chofes dont on ne
fauroit foi-même fe faire une idée. _
( h ) On ne faïuoit éviter de tu-er ces trois confequences de l'opinion des Grecs, & pour s'en convamcre
on n'a qu'à lire attentivement les extraits qu'on vient de donner. A l'égard de l'adoration , il n'efl:
pas plus poffible de la féparer de la Préfcnce, de VaAßm intime, Ji a itai 5»; „t fiii }«'»» e » i f ; , q ue
de la Tranfubftantiation.
( c ) On cite divers Auteurs qui juftifient que les Grecsont cette opinion. Leurs pafiages,dit-on, font It
formels, qu'il ne paioit pas polfible de les rendre favorables au fentiment Catholique. On elTayera peuc
être de les raprocher par ce tour, Lfl Pêcheurs é' tes mdchans ne refenrent pùint les efets f4utaircs,jii lu vertu
egîcAce ^ne le Corps & le Sang de Jtfus Chriß fous feniir aux Fidelles tjni les reçoivent. Mais quoi qu'il
en foir on pourroit nier les confèquences que l'on prétend en tirer, parce que les Grecs,qui n'ont pas ï
beaucoup près autant fubtilife fur ces matieres, que les Catholiques & les Proteftans, ne fe font pas mis
R E L I G I O N DES GRECS. 93
, , corps & ce Huig que pour les Fidelles feuls Enfin l'on tire des conclurions
de certains uiages contre ceux cjui veulent que les Grecs adorent la fubftance
de l'EucharilHe. Ces ufages font, que les Grecs {a) dirtribuent l'EucharilHe
fous les deux efpèces ^ qu'ils la font prendre aux petits enfens , qu'ils
communient debout &: non à genoux \ que les Prêtres, quand ils tiennent le
Se. Sacrement,le preffent dans leurs mains, & le mettent fur leur tête 5 que
l'ayant con fumé ils frotent & efliiyent leurs doigts à leurs cheveux ; qu'ayant bû
du calice, ils s'effuyent auflî-tôt la bouche avec la main ou avec un petit ling
e ; que leurs Liturgies nous difent, que le Prêtre après avoir communié, effuye
les levres & les bords du calice , avec le voile qu'il a en main i ufages,
nous dit o n , fort oppolés à l'adoration de la fubftance de 1 Euchariftie. A ces
ufâges il taut ajouter, que felon ceux qui ont voyage en Grece & en Afie, les
{b) Grecs ne {ê profternent point devant le Sacrement porté aux malades ; qu'ils
ne l'expofènt point en public pour être adoré, (c) excepté dans l'acîé même d^
Î'adminijlraîion ; qu'ils ne le portent point en proceffion, & qu'ils n'ont point
inftitué de Fetes à (on honneur.
C'eft ici que je termine cette digreftïon, qui peuc être ne fera pas jugée inutile.
Je l'ai reduite autant qu'il étoit poiTible, à ce qui n'eft qu'hiltorique,
uniquement pour répandre plus de jour fur les ceremonies dont j'ai entrepris la
defcription. Je reviens à cette delcription, conformément à la Liturgie de St.
Chryibftome.
Après avoir encenfé le Celebrant & la Sainte Table , le Diacre s'approche
de lui : ils fe tiennent <iebout devant cette Table. Ayant [d) fait enfuite chacun
en particulier m aïîe de 'veneration avec une priera convenable, le Prêtre celebrant
baife l'Evangile, le Diacre la Sainte Table. Celui-ci s'incline enfuite devant
le Prêtre, & tenant fon Horaire de trois doigts de la main droite,lui dit,
il ejî tems de [e) facrifier au { f ) Seigneur, Be'niJJes ( g ) Maître. Le Prêtre bénit ^
le Diacre repond, priés poidr moi: le Prêtre répliqué par deux ou trois mots de
priere, & le Diacre y ajoute trois fois Amen. Ils difent aufti l'un & l'autre
ju{qu'à trois fois, Seigneur ^ vous ouurirts mes îeures. Le Diacre fort du Tabernacle,
il adore trois fois, & redemande d'une voix diftind:e la beneai(Sion,
le Prêtre la donne felon la formule ordinaire, à quoi le Diacre & le Choeur
repondent encore Amen, & c'eft ici que l'on prie pour la paix, pour le falut
des
en peine de les prévoii' : fans parler de leur ignorance &:c. Les Grecs croyent aufli que l'Euchariftie
rompt le jeune, & de ià on concUid qu'ils la regardent comme un aliment , qui fe digere & c . A caufe
de cela on les compare aux S'crcoranifla. N'oublions pas à cette occafion l'inutile & dangereufe difpiîte
de certains Moines Grecs du douzième ficcle, qui s'aviferent de mettre en queftion fi les myfteres
étoicut corruptibles ou incorruptibles. C'eft à des cerveaux deflechés, & brule's dans la folicude
que Ton doit ces fubcilitcs ridicules Bc extravagances. Au refte Zonare fc tire ingenieufemenc d'affaire
en cette occafion. „ Le pain, dir-il, eft la chair même de Jefus Chrift morte & enfevelie . . . . elle
„ defcend comme telle dans l'cftomac, cj,ù efi fcmbUble m fepnlcre . . . mais elle revient aufli-tôt à
„ l'incorruption Sic.
(a) V o y . ci-api'ès. Tout ceci eft tiré de la Reponfc de Claude aux deux T r ^ t é s &c.
{b) V o y . RicaHt & autres.
( c ) Ricaut Etat de l ' E g l i f c Grecque Chap. 9.
(d) Le L i t in traduit vèmrdnirs. Se le Grec a TfojKwowTsu Ici & en divers autres endroits de cette
defcription je traduis par f^ire un aéte de venir.itioa^ s'inclimr, ou faire dis indmMions, rendre des hommages
^ pour mettre de la différence entre cette veneration qui demande , touche de fon Jronc la terre.
Se celle qui tient un millieu entre le fimpîe refpeft & le culte Religieux.
(e) Kaifii; toD woi^ftfi.
ùésirota. Maître t le Latin de la Liturgie traduit l'un & Vautre terme par Dominas. Je crois
devoir mettre une différence bien marquée entre le Seigneur & le Serviteur.
(h) Uiinu traduit plus liaut par le mot de SanEluairc &c.
Tome IIL Part. A a
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