
324 DISSERTATIONS SUR LA RELIGION &c.
Les OrtUbenfes nioient c|ue la Trinité eut exifté avant la naiflance de Jefùs
Clirift , qui (èlon eux devint (èulement alors le Fils de Dieu. A ces deux
Pcrfonncs de la Trinité il s'en joignit une troificme pendant la prédication de
Jefîis Chrift, qui fut St. Pierre, qu'ils reconnoifToient pour le St. Efprit. Ils
croyoient l'éternité du monde, ils nioient la refiirredion des corps & l'immortalité
des efprits : cependant ils difoient (peut être ironiquement) qu'il y auroit
un dernier jugement, lor(t]uc le Pape &: l'Empereur fè convcrtiroient à leur
Se(5te. lis nioient auffi la mort Ôc la refurrcclion de Jefus Chrill & les autres
myfteres qui le concernent. La croix de Jefus Clirifl: étoit, lëlon ces Heretiques,
la pénitence, ou plutôt leur genre de vie, qu'ils foutenoienc être exempt de péché
mortel. C'eft là, difoicnt-ils, la croix que le Sauveur a portée. Ils foutenoient
aufïi que le Baptême n'ell 'oon qu'à proportion du mérite de celui
qui bapti(c & nioient qu'il fut utile aux petits enfans. Ils croyoient que les
Juifs (ê pouvoicnt (àuver {ans le Baptême, pourvu qu'ils fe fiflent de leur Sedte.
Ajoutés à cela qu'ils rejectoient le mariage quant à I'u(âge, qu'ils nioient la
Tranfubftantiation, & qu'ils foutenoient qu'ils étoient feuls le Corps myllique,
c'eft-à-dire l'Eglife de J . C.
Les Scifcidenfes ne difFeroient des Vaudois qu'en ce cniHs rece^uoient î'Eucharipe.
Mais ce paflage de Rainier n'eft-il pas tronque ? Car il n'eft pas aifc
d'entendre cela. M. BofTuet croit que Rainier veut dire qu'ils ne Eiifoient pas
difficulté de communier de la main des Prêtres Catholiques. Cette explication
ne me paroic pas afles naturelle.
Je ne dis rien des Cathares, qui étoient des Manichéens fubdivifés par Rainier
en trois autres Sedes plus ou moins Manichéenes & Libertines j ni des
Pajfaginsloutenoient la ncceffité d'obferver la Loi de Moite à la lettre, fie
nioient en même tems la Trinité ^ ni des Albigeois, fi fameux dans l'Hiftoire
du treizième fiecle. Toutes ces Se(5tes n'avoient rien de commun avec les
Vaudois qu'une liaine implacable pour l'Eglife Romaine : femblables en cela
aux Calviniftes & aux Lutheriens de nos jours. C'cfl cette malheureufe haine
qui nous repréfente comme des monftres les partis differens du notre, &
qui ne nous permet de reconnoitre ^om jidelles que le troupeau de notre bergerie.
Elle eft aulli la fource de cette aveugle crédulité, qui fait indifcretement
admettre tout le ridicule qu'on fè donne mutuellement. C'eft par là que le
Catholique Romain s'amule agréablement aux portraits chargés qu'on lui fait
d'un Heretique Cahinijle, & que celui-ci écoute avec le même plaifir toutes les
avantures burlefques des Moines & des Rcligieufes.
III. DIS-
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m. DISSERTATION
S U R LA
R E L I G I O N ,
Et la D I C I P L I N E ECCLESIASTIQUE
^/f X B O H E M I E N S, 0« Freres de Boheme.
Es Bohémiens s'appellent entre eux les Freres de Boheme, ou (Implement
les Freres. Autrefois on les appelloit auffi Hußtes
& Calixtins, à caufe qu'ils fuivoient la doärine de Jean Has
Sc qu'ils diftribuoient la Coupe à la Communion : mais quoi-
^ que les Bohémiens (è glorifient {a) d'avoir Jean Hus pour Réformateur,
ils n'acceptent point le nom A'Biijßles ^ parce que ^ difent-ils, nous
ne recotmoifms point m homme pour maitre : & pour cette même raifon ils ne
{h) foufctivoient jamais leurs Apologies que fous le nom de Freres de la Loi de
J. C. A l'égard du (tr) nom de Calixtins, ils le rejetterent, parce que ceux
qui furent proprement ainfî nommés (d) ne s éloignaient ^eres des fenîimens de
l'Eglife Romaine, qu'en ce qu'ils iiouloient qu'on communiât le peuple fous les deux
Efpèces. Les vrais Huffites fc feparerent entièrement de ces Ca/w/iw^ en 1457»
mais avant cela on les avoit nommés Thahorites (e) é Tahor, ville de la Boheme
que les Huffues occupèrent long tems fous Ziska leur Chef, ou du (ƒ)
mot Bohemien Tahor, qui fignifie tente ou tabernacle , parce qu'ils camperent
fous des tentes auprès de Prague fur une montagne qu'on appella
Taior à caufe de ces campemens. On ajoute qu'ils prirent auffi le nom d'Orphelins
après la mort de Ziska.
Ces Tahorites s'éloignoient prefquc en tout des fentimens de l'Eglife Catholique
, & felon M. Len&nt ils étoient prefque dans ceux qu'y£née Sylvius
a attribué aux Vaudois. Je trouve auflî dans un vieux (g) Recueil imprimé
fans date 6c fans nom de ville, ni d'imprimeur, un catalogue de quarante
quatre erreurs avec la refutation après chaque article, toutes attribuées à
Wiclef & à Jean Hus fon dilciçile (ejus fequacem) entre lefquelles il y en a effeélivement
plufieurs qui ont été attribuées auili aux Vaudois: mais je ne lai fi l'on
doit faire beaucoup de cas d'un {h) tel catalogue ^ tant le llyle m'en paroit barbare
Rsver'^ gsnumft fttUi M^rryrii Hufi pyopa^o, dit Cememus E v ê q u e , o u jintifitt des Egtifes de B o -
heme, m ai Difiiflimn, &c.
(ÄJ Cmeitius ubi fup.
CO De Cd/f.v, coupe ou calice.
Hiß. d» Concile de Qmfianee par Lenfant L . V L pig. l a i . Edit, de 1 7 1 7.
(e) Comenins ubi fup. & autres.
( ƒ ) Letifattt ubi fup. L . V I .
ig) Le Recueil a pour titre feulement, Cimmenerjtarioriim Sjlvîi Ficcolmiuei Senetißs deConcilit
Ballet eelehïdto libre dito &c. quoi qu'il Contienne plufieurs autres pieces dont un petit avertiflement tend
Par exemple on peut bien fupofer que l'auteur attribue à Jet» me d'avoir rejette la dodrine de
l'EglHe Romaine fur l'Eucliariftie; puis que dans le titre de ces articles il alTocie Jeem Hus à WieUf,
Or il eft notoirement faux que ^em Hne ait nié la Tranfubftantiation.
Tome 111. Part. II. Nnnn
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