mes-nous au village de Douéyou, qui est à la frontière.
Là, nous tînmes conseil avec nos deux hommes
du Choa à l’effet de décider quel serait le stratagème à
employer pour éviter d’être inquiétés par Beurou
Lobo. Nous convînmes de nous diriger dès la pointe
du jour vers l'Ami Amba, en disant aux curieux
que nous allions voir leur ch e f, ce qui aurait le
double avantage de n ’exciter aucun soupçon et de
faire croire aux habitants que nous étions les amis du
maître, unique moyen de ne pas être pillés par eux.
Mais arrivés auprès de l'Ami Amba, nous devions
tourner brusquement, et prendre une autre route. Ce
projet fut exécuté à la lettre. Plusieurs habitants ne
manquèrent pas de nous demander où nous allions : nous
répondîmes à tous : chez Beurou Lobo, — et eux d’ajouter
« el hamd lillah ! (que Dieu soit loué!); vous verrez
un noble et généreux seigneur. « Nous aperçûmes
bientôt sa forteresse sur le sommet d’un p ic , environné
d’une triple muraille. Nous dépêchâmes vers lui
un des hommes du Choa, avec mission de dire que
nous étions des compatriotes de l’évêque, et que nous
nous rendions auprès de Sahelé Sallassé pour nous entendre
avec lui sur plusieurs points de théologie : nos
fusils étaient des cadeaux de Ras Ali à ce prince :
nous n’étions, quant à nous, que de pauvres moines,
qui implorions sa protection pour traverser ses domaines.
Nous prîmes alors un chemin peu fréquenté le
long de la chaîne d’Argôba, où nous étions assez bien
cachés. Aussi, à midi nous fîmes halte, tant pour déterminer
la position de l’Aïni Amba, que nous relevions
à deux milles de distance au sud quart su d -e st, que
pour examiner à vol d’oiseau la plaine que nous avions
quittée le matin. On pouvait considérer le district de
Combolcha comme indépendant de la vallée de Ouaré
Kallo, aussi bien par sa disposition naturelle que par
ses limites politiques. En effet, nous voyions cette vallée
comme une immense arène circulaire dont nous aurions
occupé les galeries. La circonscription de ce
b a ssin , qui pouvait avoir deux lieues de diamètre,
était formée, d’un côté par la chaîne d’Argobaprojetant
une de ses pointes vers le milieu de la vallée, en face
du col Cossaro, de l’autre par la grande chaîne de
l’Amba Sel, qui envoyait, elle aussi, un rameau vers
l’e s t, lequel appuyait son extrémité à l’Amba Igof, au
même point où finissait le rameau d’Argoba.
Nous avions fini nos relèvements lorsque revint notre
messager avec un air radieux dont nous augurâmes
beaucoup pour le succès de sa mission. En effet, cinq
minutes après, il fut suivi d’un soldat de Beurou Lobo
chargé de nous guider et de nous faire octroyer vivres
et gîte pour le soir. Néanmoins, nous nous remîmes
promptement en route ; car maître Lobo, si bien
dupe de notre ruse, pouvait encore se raviser. A peine,
avions-nous marché quelques minutes, que nous accostâmes
un marais profond, dont les bords étaient
ornés de quelques roches granitiques, qui s’élevaient
d’un terrain volcanique. La partie supérieure de cette
roche était taillée en forme d’hippopotame : le coup de
ciseau était net, et annonçait, de la part de l’ouvrier,
une grande habileté. J’en fis le dessin et en me