ou abatchogo, le rownane (grenadier), le kellaô, l’éeorce de racine de
semmasa, etc.
Les habitants, par un préjugé assez semblable à celui des Polonais à
l ’égard de la p liq u e , ne veulent pas se débarrasser complètement du
ver solitaire; ils emploient seulement la cure palliative, c’est-à-dire que
tous les deux mois ils prennent une certaine dose de l’une des substanc
e s que nous venons de nommer, dose qui fait expulser une partie de
l’entozoaire, mais sans le détruire complètement. Peut-être ont-ils reconnu
1 inutilité de toute tentative pour s ’en débarrasser complètement,
et le danger qu’il y aurait à prendre le médicament en quantité suffisante
pour atteindre ce but. J’ai expérimenté sur moi-même trois des
différents médicaments que j’ai nommés plus hau t, et c'est le résultat
de ces expériences que je v a is reproduire ici.
Le kosso est un bel arbre de la famille des Rosacées et dont on emploie
les fleurs. Je me l’administrai pour la première fois le 45 janvier (4840)
c’est-à-dire sept mois après mon arrivée à Adoua.
On prépare la médecine de la manière suivante : 4° on émonde les
fleure dont la dose est d’une forte poignée ; 2° on les pile sur une pierre
en y ajoutant de l’eau de manière à les amener en consistance de pâte
molle; 3° on mêle le tout avec de l’eau de levain ou de l’eau miellée, et
on filtre la liqueur. Le levain est, suivant les habitants, un véhicule
préférable à l’hydromel. Après avoir avalé la potion, il faut se tenir
assis sans remuer ni parler, car dans la situation horizontale, et si l’on
se Jivre à quelque mouvement, les nausées surviennent et on vomit
immédiatement, ce qui oblige à recommencer le lendemain. On évacue
ordinairement le ver comme seule fin et en peloton, après des mouvements
violents, mais non douloureux, ressentis dans l’abdomen. Le lendemain
et le surlendemain il y a presque toujours une faim assez vive,
mais.surtout une soif très-intense. Les habitants ont-coutume de manger
dès la première selle ; cela favorise, disent-ils, l’expulsion du ver, et
le soir ils font un repas copieux, boivent beaucoup de bière pour se remettre
l’estomac.
Il est des personnes qui supportant difficilement le kosso ; assez souvent,
comme je l’ai dit, il est rejeté, d’autres fois il détermine de la courbature
et un abattement général, de la céphalalgie, qui durent toute la
journée et se prolongent quelquefois le lendemain et le surlendemain.
Pour en revenir à moi, je prends le remède dans la matinée avec du
levain. La saveur de cette drogue est détestable, surtout à cause de
l’amertume et du goût sui generis qui persistent pendant près d’une
heure et demie malgré les gargarismes répétés, et déterminent un ptyalisme
assez abondant ; pas de coliques, deux selles avant midi : je mange
un peu. Bientôt se déclare un violent mal de tête accompagné d’une
sorte d’hébétement tout particulier avec tendance à la syncope. Deux
heures après avoir mangé, une troisième selle renferme lever. Cette
garde-robe est accompagnée de sueurs abondantes, et pendant le reste
du jour il ine reste une courbature générale,-mais je suis débarrassé de
la céphalalgie. Le lendemain il y a constipation malgré des envies assez
fréquentes d’aller à la selle.
Deux mois après, le 4 6 mars, les accidents du taenia s’étant manifestés
de nouveau, je pris pour la seconde fois le kosso. J’éprouvai, comme la
première fois, des nausées, des faiblesses, des sueurs, et à la seconde
selle, trois heures et demie après l’injection du médicament, sans coliques
, sans efforts, je rendis une dizaine de pieds du tænia.
Le goût horrible du kosso m’avait tellement dégoûté, que le 4 5 mai
suivant, à l’expiration du terme fatal de deux mois, je résolus d’essayer
une nouvelle médication et de prendre le melchametcho. C’est le bulbe
d’une orchidée très-jolie, à fleur rose foncé et très-commune dans le pays.
Beaucoup d’Abyssins le prennent en le croquant par poignées comme
on ferait de petits oignons ; mais l’odeur repoussante de cette substance
m’empêche de suivre leur exemple. Je préfère un autre mode d’administration
qui consiste à écraser les bulbes sur une pierre, à mêler cette
purée avec du taidje ou du talla, et à passer ce mélange à travers un
linge. Cette nouvelle potion ne m’inspire guère moins de répugnance
que l’autre ; cependant je me décide à l’avaler en me bouchant le nez,
et comme on me l’avait prédit, il ne me reste aucun mauvais goût, sauf
une légère saveur alliacée. Mais à cette administration toute naturelle
se joint une cérémonie superstitieuse dont mes domestiques ne me firent
pas grâce, et à laquelle je me prêtai pour leur faire plaisir. On lava
soigneusement la pierre sur laquelle le metchametcho avait été écrasé ;
on alluma de la paille, on fit avec les cendres une croix sur la pierre,
puis on promena autour de la chambre, en la faisant passer sous mon
li t , d’autre paille-également allumée qu e, pour terminer la scène, on
me fit éteindre avec les pieds.
Cette plante agit aussi bien que le kosso, mais ce n’est que douze à
quinze heures après son administration que l’expulsion du ver peut être
obtenue.