lui est si pénible. 11 se couche à côte de 1 un d eux, il
soulève avec précaution un coin de la toile, et reste
stupéfait en reconnaissant son ingrate moitié. 11 demeure
quelques instants absorbé par les pensées amoureuses
que cette vue a réveillées en lui; mais le démon
de là jalousie lui souffle à l’oreille que ce n’est pas
une compagne qui dort aussi paisiblement à coté de sa
femme. Tout rempli de ce pressentiment, il va soulever
la toile de l’autre dormeur : à peine l’a -t-il vu
qu’il la ramène sur le v isa g e , puis s’en v a , ayant
soin de n’éveiller personne. Mais bientôt il revient, portant
une énorme pierre. Une dernière fois il veut contempler
son rival avant de l’écraser; il est si sûr de sa
vengeance qu’il ne se hate plus; il veut savourer une
minute la pensée de voir le sang et la cervelle de Teclo
(car c'était lui), jaillir sur Trongo 1 infidèle. Enfin il lève
la pierre, l’ajuste et la laisse tomber. Mais à ce moment
même il est violemment tiré en arrière par deux bras vigoureux,
et le coup, détourné, ne fait qu intéresser 1 o-
reille de Téclo, qui se réveille en poussant des hurlements
affreux. Toute la maison est bientôt sur pied; il
s’ensuit une scène des plus violentes, et le docteur Petit
se voit obligé de congédier tout le monde pour avoir la
tranquillité. Quoique il se fût ainsi débarrassé des tracasseries,
je ne pensais pas échapper entièrement aux
supplications des disgraciés : mais je me proposais de
trancher la question aussi nettement que lui.
Je montai le lendemain sur la crête qui domine Choa-
defeur, d’où l’on distingue parfaitement les embranchements
des divers ravins. Celui de gauche, dont la
direction est ouest nord-ouest, termine le cours d e là
rivière Bérésa; il prend son nom du village de Choade-
feur; celui de droite se nomme Gado ; les autres s’ap -
pellent Ouagda, Garo, Sassite, Mofer Ouaha, Debbé:
ils convergent tous à la Djeümma. Plus lo in , du côté
de Guéché, se montrent les sinuosités du Ouanchite,
qui sépare le Choa des provinces gallas. À part ces brisures
profondes, la vue se portait au nord-ouest sur une
plaine peu accidentée.
A midi je reçus la visite de tous nos domestiques expulsés,
qui me supplièrent de les faire rentrer dans le
giron du docteur; mais je me déclarai impuissant à
fléchir le courroux de leur juge. Je quittai Choadefeur,
et au lieu de traverser le ravin, je remontai le plateau
sur lequel est bâti le village, jusqu’en face de Ballo
Ouorké. Prenant ensuite par Debrabrahane, j ’arrivai au
coucher du soleil à Angolola, où j’avais laissé mes bagages,
J’allai ensuite à Ankoberpour la deuxième fois.
Je mis huit heures, à faire la route avec mes mules
chargées. Je marchai à l’est, jusqü’à ce que je fusse
arrivé à la Bérésa, et à partir de là je suivis le district
de Mossobite, en appuyant un peu au sud, A droite était
une vallée profonde qui me séparait de la chaîne de
Boulga. A mi-chemin, je traversai un bassin arrosé par
un affluent de là Bérésa. La route était alors sur un plateau
qui va toujours en montant, jusqu’à ce que 1 on
atteigne la pente orientale de la chaîne éthiopienne
qui limite la province, du Choa : l’autre versant appartient
à la province d’Ifate, dont Ankober est la capitale.
De ce point on apercevrait cette ville, si elle n’était