du bassin. Il nous fallut la franchir pour entrer dans le
pays Agâo, qui est une dépendance du Lasta, quoiqu’il
en soit bien distinct par la langue et les moeurs.
Nous fîmes cette ascension en côtoyant un ravin, au
fond duquel bouillonne un torrent impétueux, q u i,
arrivé dans la plaine, prend un cours plus tranquille,
et va se joindre au ruisseau sortant de l’Achangui,
pour de là descendre au pays Raya. Le terrain était
presque entièrement volcanique ; de tous côtés se dressaient
des pics escarpés couronnés de villages. Parvenus
au sommet, nous croisâmes une foule de marchands
qui conduisaient des bestiaux au marché de
l’Achangui. Quelques instants après nous rencontrâmes
le Bedjirouend Ouessane, le gouverneur du Ouofela.
C’était un vieillard à figure on ne peut plus distinguée,
et pleine de franchise et de bonté. Il nous pria de
nous asseoir un moment à côté de lui pour causer, et
nous exprima le regret de ne pas avoir pu, en nous
faisant lui-même les honneurs de sa province, répondre
dignement à la recommandation de son ami Abba
Haïlé. Il voulut même nous faire rétrograder pour demeurer
quelques jours chez lui. Nous nous excusâmes
sans qu’il parût blessé de notre refus ; il nous donna
un guide pour arriver au pays de Late, où nous comptions
nous arrêter le soir, et nous prîmes congé de cet
excellent homme. Nous marchâmes encore quelque
temps sur la crête des montagnes : en b a s, à notre
gauche, se déployait le pays de Tatara, formé de collines
boisées et rapprochées comme une série de cônes
qui se toucheraient par leurs bases. Nous prîmes, pour
descendre, sur notre droite, un talus escarpé qui, dans
une heure de marche, nous conduisit au bassin de
Late : nous fîmes halte au milieu d’une prairie, puis
recommençâmes à monter une petite éminence pour
arriver au village du même nom. Le niveau du terrain
était encore ici très-élevé, et nous nous étonnâmes d’y
rencontrer des gommiers, qui ne se trouvent ordinairement
que dans les pays de basses terres. Nous nous
assîmes sous l’un d’eux dans un moment où la crête de
la montagne nous garantissait d’un vent d’ouest extrêmement
froid. Là nous attendîmes que le conseil des
vieillards , qui s’était rassemblé à notre arrivée, eût
décidé s’il fallait ou non nous fournir un gîte pour la
nuit.
Nous étions dans cette attente lorsque tout à coup
nous entendîmes le cri que jettent ordinairement les
femmes au retour d’un grand personnage qui est resté
quelque temps absent : c’était en effet le seigneur de
l’endroit qui revenait du camp de Ras Ali. Il passa
rapidement auprès de n o u s, en nous laissant de sa
personne une impression assez fugitive, mais que je
ne saurais mieux comparer qu’à celle que dut produire
le marquis de Carabas : un front étroit, recouvert presque
entièrement de cheveux très-mal peignés, un nez
long et pointu, une bouche petite et m in c e , l’air important
, bête et méchant : voilà les traits saillants du
personnage.
Les vieillards envoyèrent prendre les ordres du chef
à notre sujet. Ils furent prompts : son koadaré vint tout
de suite nous chercher et nous conduisit dans une mai